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À Paddock-GP, nous voulons être des passionnés résolument positifs malgré la crise sanitaire qui s’étend actuellement sur le monde. Bien sûr, il y aura pas la catégorie MotoGP au Qatar, mais il y aura deux Grands Prix quand même, et sans doute très disputés ! Bien sûr, le Grand Prix de Thaïlande est reporté mais il aura sans doute lieu à l’automne !

Même si les choses sont difficiles, nous ne cédons donc aucunement au pessimisme en ce qui concerne notre sport préféré. Toutefois, nous avons souhaité faire le point avec quelqu’un qui a assurément une vision plus globale de la crise que nous traversons…

Hervé Poncharal, pouvons-nous commencer cette interview en faisant le point de la situation, en particulier en ce qui concerne les choses qui sont malheureusement certaines ?

Hervé Poncharal : « les lecteurs de Paddock-GP le savent bien évidemment, mais ce qui est certain aujourd’hui, c’est que malheureusement le Grand Prix du Qatar se déroulera sans la catégorie MotoGP, avec simplement les catégories Moto2 et Moto3. La raison en est simple, le Qatar a blacklisté l’Italie durant le week-end, ce qui implique que toute personne ayant séjourné en Italie durant les 14 jours précédant son arrivée à Doha est maintenant systématiquement refoulée. La manière de gérer le championnat a toujours été claire, « tout le monde est là et les courses ont lieu, mais s’il n’en manque ne serait-ce qu’un, on ne roule pas ». En catégorie MotoGP, cinq pilotes sont italiens Valentino Rossi, Andrea Dovizioso, Danilo Petrucci, Franco Morbidelli et Francesco Bagnaia. On ne peut évidemment pas faire la course sans ces pilotes, et sans les équipes basées en Italie que sont Ducati et Aprilia, mais aussi LCR, Pramac, et même Yamaha et Suzuki. Comme il était impossible d’avoir un Grand Prix MotoGP avec tous les participants au départ, la décision a été prise, de manière logique, de l’annuler. Heureusement, du fait que les Moto2 et Moto3 étaient en essais au Qatar la semaine dernière, les équipes sont restées sur place et pourront rouler le week-end prochain. On a attendu le dernier moment pour annoncer cette organisation car on a essayé de sauver le Grand Prix MotoGP jusqu’à dimanche en début de soirée, en discutant avec les autorités locales, mais celles-ci ont été fermes et c’est une décision qui se respecte puisque le Qatar est pour le moment pas ou peu touché par le coronavirus. »

« C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour tout le monde puisque, depuis le Grand Prix de Valence est terminé, on a fait des essais à Valence, à Jerez, en Malaisie et au Qatar, et tout le monde a envie d’en découdre et de voir où il se situe réellement après tout ce travail effectué. Car les essais c’est bien, mais parfois certains cachent leur jeu, soit en travaillant seulement sur le rythme de course, soit au contraire en faisant seulement un tour chrono. Donc même si ça dégage malgré tout une certaine hiérarchie, il n’y a rien de tel que le banc d’essai de la course pour voir où tout le monde en est. Cette course d’ouverture sous les éclairages au Qatar est toujours belle et est devenue une tradition depuis quelques années, et tout le monde était impatient que la saison débute à Losail, mais ça ne se fera pas en MotoGP. »

« En ce qui concerne la Thaïlande, des discussions étaient bien évidemment en cours depuis plusieurs semaines, mais la situation n’était pas particulièrement facile et les autorités ont pris aujourd’hui la décision de reporter beaucoup de manifestations culturelles et sportives, dont le Grand Prix MotoGP. Par contre, là, la différence c’est que toutes les catégories sont concernées, mais il ne s’agit pas d’une annulation mais d’un report. C’est très bien pour tout le monde et on va essayer de le réintégrer dans le calendrier à la date où le Grand Prix de Thaïlande a eu lieu en 2019, ce qui nous fera certainement modifier la date du Grand Prix d’Aragón. Ce sont des choses qui sont encore en discussion mais tout le monde, des organisateurs thaïlandais à la totalité du paddock, fera le maximum pour avoir ce superbe Grand Prix de Thaïlande où l’ambiance est incroyable grâce aux efforts des Thaïlandais. »

« Au vu de tout cela, à priori et sur le papier, l’ouverture du championnat de la catégorie MotoGP devrait donc avoir lieu au Texas. On croise tous les doigts en suivant l’évolution du coronavirus sur la planète, en espérant que la situation va se stabiliser et que l’on pourra effectivement enfin commencer au Texas, mais l’on sait tous qu’il y a aujourd’hui beaucoup d’impondérables et d’inconnues qui font que rien n’est acquis à 100 %. »

« Mais aujourd’hui, faire des supputations sur ce qui aura lieu ou pas début avril sur le continent américain, que ce soit Amérique du Nord au Texas ou Amérique du Sud en Argentine, serait idiot et prétentieux, parce que personne n’a d’idée sur la manière dont va se propager ou se raréfier le Coronavirus. Je suis les informations, comme je pense que tout un chacun, je suis les avis des spécialistes, et la situation va dépendre de beaucoup de choses, à commencer par la manière avec laquelle tous les pays et tous les citoyens vont se comporter par rapport à cette épidémie qui est excessivement contagieuse. »

Concrètement, comment cela impacte-t-il une équipe comme la vôtre, que ce soit matériellement ou financièrement ? Par exemple, qui va s’occuper des motos qui sont actuellement au Qatar ?

« Effectivement, il faut se rendre compte que tout était prêt pour le Grand Prix du Qatar MotoGP. On a fait des essais sur place et on a laissé les box quasiment en l’état de la dernière heure du dernier jour d’essais. Toutes les personnes sont rentrées chez elles en se disant qu’elles seraient de retour dans huit jours pour continuer à travailler et à préparer les motos, comme par exemple changer les moteurs pour monter ceux prévus pour la course. Chez tous les constructeurs, on attendait de nouvelles pièces pour avoir la version la plus aboutie de la moto 2020, suite aux essais hivernaux. Donc en exagérant un peu, on avait tout laissé en plan en se disant qu’on allait reprendre le travail le mercredi de la semaine du Grand Prix. Donc de toute façon, quoi qu’il arrive, il faut qu’on envoie une partie de l’équipe MotoGP au Qatar pour remonter les motos, les mettre en configuration de transport, les mettre dans les caisses et plier le box. Cela représente entre deux et trois jours de travail. En ce qui concerne Tech3, nous allons donc partir avec la moitié de notre équipe MotoGP, et pendant que les Moto2 les Moto3 rouleront, nous serons dans notre box MotoGP pour faire tout cela, comme je pense les autres équipes MotoGP également. »
« C’est la même chose pour tous les fournisseurs techniques, comme Elf qui a envoyé sur place des centaines ou des milliers de litres d’essence, et Michelin qui a apporté des centaines de pneus. On se rend rarement compte de la somme du matériel dont on a besoin pour faire un Grand Prix MotoGP, mais c’est énorme, et aujourd’hui il va falloir décider ce qu’on fait de tout cela. Par exemple, est-ce qu’une partie des pneus Michelin destinés au Qatar pourront être utilisés au Texas, puisqu’on oublie la Thaïlande ? Il va donc y avoir également beaucoup de réunions entre les personnes qui gèrent le fret et les partenaires techniques.
En ce qui nous concerne, outre le matériel qui restera sur place avant de partir au Texas, on va sûrement envoyer le maximum de pièces d’essai, carrosserie, châssis et autres, chez nous à Bormes-les-Mimosas pour pouvoir les préparer en configuration course. »

« Financièrement, il est évident qu’il est très important pour nous d’avoir eu toutes les assurances du promoteur Dorna comme quoi toutes les équipes, Moto3 et Moto2 qui feront le show, mais aussi MotoGP qui malheureusement ne pourront pas rouler, seront intégralement payés pour la prestation du Qatar, même si celle-ci n’aura finalement pas lieu pour les MotoGP, d’une manière complètement indépendante de notre volonté. C’est quelque chose de très important parce qu’on a passé tout un hiver sans course, donc sans rentrées financières, car les courses restent pour nous une grosse partie de nos revenus. C’est quelque chose qui nous rassure tous et je tiens à remercier la Dorna d’avoir confirmé cela à pour 100%. »

Vous partez demain au Qatar pour démonter le box et ranger les motos. Mais comment vont faire les équipes italiennes qui sont interdites de rentrer sur le territoire ? Existe-t-il une solidarité dans le paddock ?

« C’est effectivement un problème à gérer, mais heureusement, dans les équipes basées en Italie, il n’y a pas que des Italiens. Déjà, il avait été décidé par les équipes d’usines Yamaha, Suzuki et Honda, de laisser des techniciens japonais au Qatar, parce qu’à l’époque le Japon était plus à risque que l’Italie. Donc les trois constructeurs japonais ont des ressortissants qui sont déjà sur place et qui pourront certainement mettre la main à la pâte pour s’occuper des motos. Certains, comme par exemple Suzuki, Yamaha, ont également laissé ou envoyé des ressortissants italiens sur place, même si la majorité des gens sont rentrés. Donc je pense que cela va se faire, tant bien que mal. Après, il y a évidemment une solidarité mais il ne faut pas se voiler la face : même si nos gars seront sur place et prêt à aider, il n’y a pas une équipe officielle Suzuki, Ducati, Yamaha ou Honda, qui va venir nous demander un coup de main pour tout ranger ! Il y a aussi de la confidentialité et l’entraide ne peut se faire qu’au sein de gens qui travaillent pour le même constructeur. »

Quid du scellement des moteurs et de l’homologation des carénages qui devaient avoir lieu au Qatar ?

« On a reçu ce matin la position du directeur technique : tous les contrôles techniques de début de saison, qui sont les plus importants et cruciaux, sont bien évidemment reportés au Texas, puisqu’il y aurait sans doute plusieurs usines italiennes qui ne seraient pas en mesure de présenter leurs motos par manque de personnel. Ce sera la même chose pour toutes les opérations de réalisation de documents photographiques effectuées par Dorna, concernant les pilotes et les motos avec leurs couleurs 2020. Tout ce qui devait être fait au Qatar sera reporté au premier Grand Prix, qui semble aujourd’hui être le Texas. »

Quelles sont les autres conséquences que l’on ne voit pas ?

« Il y en a beaucoup même si nous faisons au mieux pour gérer tout cela ! Par exemple, l’intégralité des salariés Red Bull qui travaillent au siège social en Autriche ont l’interdiction de voyager au moins jusqu’à fin avril. Il y a aussi beaucoup d’invités de nos partenaires qui devaient venir nous voir, qui ont annulé leur venue. La grande majorité ne sera pas sur place. Je sais aussi que beaucoup de médias, télévisions, presse écrite et sites Internet, qui avaient prévu d’être présents et qui ne le seront pas. J’ai discuté avec plusieurs équipes de télévision qui sont en train de se poser la question et qui ne sont absolument pas sûrs d’être présents sur place pendant le Grand Prix. »

« Aujourd’hui, il est difficile de quantifier l’impact que ce virus sur notre sport, parce que, évidemment, on pense avant tout aux pilotes et aux motos, mais derrière il y a des équipes techniques, des médias qui reportent ce qui se passe sur la piste, des sponsors qui font que ce sport existe et peut exister, et tous ces gens-là sont impactés à divers degrés, mais sont impactés ! »

 

 

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