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Hervé Poncharal

Comme nous le faisons systématiquement en hiver, nous avons profité de cette longue, très longue, pause estivale pour demander à un certain nombre d’intervenants du paddock MotoGP de dresser un bilan de cette première demi-saison 2021.

À tout seigneur tout honneur, c’est Hervé Poncharal, à la fois président de l’IRTA et copropriétaire du team Tech3, qui inaugure cette série estivale.


Hervé, pouvez-vous nous dresser un bilan de cette première demi-saison, à la fois d’une façon générale mais aussi en ce qui concerne plus particulièrement le team Tech3 ?

Hervé Poncharal : « Je pense que suite à une saison 2020 qui a été incroyablement disputée, avec de nombreux rebondissements et une multitude de vainqueurs, que ce soit pilotes ou motos, on continue plus ou moins sur la même lancée. Je pense que cette année est palpitante, avec une grille excessivement homogène quant à la technique. On voit que les Ducati sont beaucoup mieux que l’année dernière et ont un petit peu combler le handicap dont elles souffraient, que les Yamaha, surtout quand elles sont dans les mains d’un certain Fabio Quartararo, sur-performent, que les Suzuki ont fait quelques podiums même si elles n’ont pas gagné de course, que les KTM ont déjà gagné deux courses après un début de saison un petit peu en demi-teinte et Miguel Oliveira fait partie des hommes forts sur la fin de la première partie de la saison, que les Honda, avec Marc Márquez qui a retrouvé un certain semblant de forme physique, ont déjà gagné une course, et que les Aprilia font des étincelles et même une première ligne.
Peut-être encore plus que l’année dernière, on a donc encore cette année une homogénéité technique vraiment intéressante, et on retrouve aussi cela au niveau des pilotes, avec (Maverick) Viñales, Fabio (Quartararo), Miguel (Oliveira) et (Jack) Miller qui ont déjà gagné une course. Mais au niveau des pilotes, même si c’est très serré et très homogène, il y en a quand même un qui se détache comme étant le patron, vraiment, que ce soit dans la manière dont il domine les essais et notamment les qualifications, où la vista qu’il a en course : Il est rapide mais il est aussi intelligent, posé, réfléchi, il a de la stratégie, il construit son weekend comme un patron, et je pense qu’aujourd’hui on peut dire que c’est lui le boss. Ce que fait Fabio est magnifique ! En plus, il a dû être perturbé mais cela ne l’a pas déstabilisé quand il a eu son problème de bras à Jerez alors qu’il avait course gagnée : Il a serré les dents pour finir treizième et n’a pas fait d’erreur. Puis il y a eu cette fameuse histoire de combinaison à Barcelone où il était à coup sûr en position de monter sur le podium et de marquer de gros points. À chaque fois, c’est là que tu vois qu’il est vraiment bien dans sa tête et qu’ il a confiance en lui : Il a réagi comme un grand champion, sans paniquer et sans que la pression le perturbe outre mesure. Et puis, bravo aussi à sa performance au Grand Prix de France au Mans, parce que, jusqu’à présent, la Yamaha n’a jamais été la meilleure sous la pluie et Fabio avait peu roulé dans ces conditions donc c’était un petit peu plus inconnu pour lui que pour les autres pilotes, mais il a fait un Grand Prix de France magnifique sous la pluie ! Je pense donc qu’on a le championnat qui est très ouvert mais malgré tout il y en a un qui est plus fort que les autres, qui gère et qui domine, et on en est très très fier parce que, évidemment tout le monde l’aime mais les Français encore plus, et pour un Français voir ce que fait Fabio est magnifique.

Il y a aussi Johann (Zarco) qui est numéro deux derrière Fabio au classement. Il est meilleure Ducati et il fait aussi des courses superbes avec peu d’erreurs. Il est toujours là le dimanche !
Donc oui, d’une façon générale c’est un très beau début de saison pour le MotoGP avec une grille compétitive et des machines aujourd’hui très proches les unes des autres. Les Aprilia ont fait un grand pas en avant, et évidemment je suis très très heureux de voir que même si le début de saison a été un petit peu compliqué les KTM se sont largement rattrapées. Quand tu regardes Miguel, 2 à Mugello, 1 à Barcelone, 2 à Sachsenring et 5 à Assen, je ne voudrais pas dire de bêtises mais c’est peut-être celui qui a marqué le plus de points sur les quatre dernières courses ! »

Et pour Tech3 ?

« Dur ! Franchement, dur ! On savait qu’en perdant Miguel on perdrait beaucoup, mais en fin de compte on a même perdu plus que ce que l’on pouvait imaginer. En ce moment, ce n’est pas facile même si Danilo (Petrucci ) et Iker (Lecuona) sont des garçons charmants. Mais on est tous là pour faire des perfs, on est tout cela pour être dans le top 5 voire faire des podiums, et aujourd’hui c’est quasiment inaccessible. Au mieux, on a fait une belle cinquième place au Mans dans des conditions climatiques qui convenaient bien à Danilo, mais c’est compliqué, même si on a vu que depuis l’Allemagne on s’est un peu rapproché avec le nouveau châssis. Mais sans sa chute, Iker aurait fait au mieux 10 ou 11 à Assen, et Danilo fait 13. Donc même si on est plus proche, c’est quand même loin. On espère que nos pilotes vont recharger un peu leurs batteries pendant cette trêve estivale et qu’ils vont revenir le couteau entre les dents, parce que leur avenir est aujourd’hui loin d’être tracé. »

On a quand même semblé voir que l’officialisation de Remy Gardner leur avait donné comme un coup de boost, même si Danilo Petrucci n’a pas eu de chance en se faisant bousculer à plusieurs reprises…

« Oui, d’ailleurs quand on parlait du championnat en général, je vous ai dit que la grille était excessivement homogène, donc nos pilotes ne sont pas largués, mais il leur manque un petit truc pour pouvoir être au niveau de ce que font Oliveira ou même Binder. Je pense que le coup de boost, c’est-à-dire l’évolution et la réduction de l’écart avec la tête depuis l’Allemagne, et plus dû aux nouveaux châssis et à quelques nouveau réglage moteur que l’on a reçus que le fait d’être sous pression.
Parce que de toute façon les pilotes sont toujours sous pression ! Tant qu’ils n’ont pas été confirmés, qu’il y ait deux place pour deux, ou une pour deux, c’est pareil. Oui, ils sont sous pression, c’est évident, mais c’est amusant car autant les médias et le paddock parlent beaucoup des quelques places qui sont libres, avec nous les pilotes n’en parlent pas trop : Ils travaillent et ils essaient de progresser pour performer, et nous ne demandent pas où on en est concernant l’année prochaine. Jamais ! Éventuellement, de temps en temps, leurs managers respectifs, mais les pilotes pas du tout. Oui, c’est sûr qu’il y a de la pression, oui c’est difficile de performer en se disant que l’on est peut-être à pied l’année prochaine, mais après il y a tellement de gens qui aimeraient être pilotes de MotoGP que quand tu arrives à ce niveau-là tu sais très bien qu’il y aura de la pression.
Tu sais très bien qu’il n’y a que 22 ou 24 pilotes sur la grille et que ce sont les 24 meilleurs pilotes du monde : Les places sont disputées, les places sont chères, et que même aujourd’hui on dit de l’icône absolue des Grands Prix qu’elle n’a plus sa place là. Je pense évidemment à Valentino même si pour lui c’est différent car il a déjà neuf titres, mais ce que je veux dire c’est que rien n’est jamais acquis, et plus tu mondes dans la pyramide, quel que soit le milieu dans lequel tu évolues, le MotoGP, la danse, le football ou le cinéma, il est difficile d’arriver tout en haut et une fois que tu y es, tu sais très bien qu’il faut performer pour rester. Il y a tout un tas de jeunes pilotes morts de faim qui ont envie d’être le calife à la place du calife. Quelque part, c’est le lot de tout pilote de devoir performer ! »

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