Pour compléter notre tour d’horizon des bilans de mi-saison, nous avons fait appel à Guy Coulon qui, maintenant qu’il a décidé d’abandonner son rôle de chef d’équipe chez Tech3, mais reste présent sur les Grands Prix, est assurément un des mieux placés pour avoir une vision à la fois globale et détaillée du monde des MotoGP…
L’homme est passionné de technique, et ce domaine a constitué la première partie de cette interview.
Mais son regard sur la première partie de la saison 2021 est tout aussi intéressant, avec quelques pendules bien remises à l’heure !
Nous lui avons demandé ce qui l’avait plus marqué lors des neuf premiers Grands Prix…
Guy Coulon : « Le retour de Márquez, ça c’est clair ! Il n’est pas encore revenu physiquement tout à fait à son niveau mais ça revient progressivement. En Allemagne, il est très fort et la Honda est peut-être un peu moins handicapée là-bas, je ne sais pas. En tout cas, là-bas, il va vite ! »
« Pour le reste, on a à peu près la même chose que la saison de l’an dernier, qui avait débuté grosso modo à cette période de l’année, c’est-à-dire Fabio qui roule fort mais qui a l’air d’être beaucoup plus constant cette année, puisque quand il est en difficulté il fait podium ou top 5 au lieu de faire 16e. Ça, c’est un signe clair et net, parce que si tu veux être champion, quand tu as vraiment des problèmes, il faut être top 5, et quand tu peux gagner, il faut gagner. C’est ce qu’il fait et ça c’est bien ! »
« Johann est pour moi clairement le leader Ducati, et c’est intéressant aussi, en tout cas pour nous Français (rires). Il a fait une erreur avec une chute, mais ça ça arrive, autrement il ne montre pas de points faibles et il est toujours là, contrairement aux autres Ducati. De toute façon, c’est la première Ducati au classement et il est clairement pour moi le pilote de pointe de Ducati. Ça confirme aussi ce qu’on sentait en fin de saison dernière. »
« Tout est dans la continuité et Joan Mir fait aussi à peu près la même chose que l’an dernier où il a basé son titre sur la régularité, même s’il a peu gagné. Il n’a jamais été faible et c’est ce qu’il montre de nouveau : Petit à petit, il refait la même chose que l’an dernier, et commence maintenant à faire des podiums. Il risque donc d’être de plus en plus solide jusqu’à la fin de la saison. Les qualifications sont moyennes mais je ne sais pas si ce sont les Suzuki où l’état d’esprit des pilotes ou la façon de travailler. C’est difficile à analyser quand on n’est pas dedans. Ce sont des choses que l’on a connues nous par exemple avec Miguel la première année surtout, et encore pas mal la deuxième année mais de moins en moins. Puis il a travaillé, avec nous et maintenant dans le team officiel, à être mieux aux essais, ce qui était clairement son point faible même quand il était en Moto2. En Moto2, il partait souvent entre 15 et 20 pour finir sur le podium. Mais ça, c’est possible en Moto2 mais en MotoGP c’est très très compliqué, sauf circonstance exceptionnelle et très favorable ! »
« On voit aussi la constance des Yamaha qui sont égales à elles-même : Ce sont certainement les motos les plus homogènes et les plus efficaces du plateau… »
Ne voit-on pas plutôt la constance d’une seule Yamaha ?
« Oui, mais ça c’est la constance des Yamaha ! Les autres,
c’est l’inconstance des pilotes ! Et l’incapacité des pilotes à
régler une moto ! Pour Fabio, pour les réglages, ça fonctionne avec
son équipe et il arrive à trouver des solutions, je ne vais pas
dire assez facilement car ils travaillent certainement pas mal. On
a fait des circuits que l’on n’avait pas fait l’an dernier, donc
sur ces circuits là il faut être capable d’être vite dans le coup,
et ils l’ont été. Et Fabio est le pilote le plus jeune chez Yamaha
et qui a le moins d’expérience en MotoGP sur les circuits que l’on
n’avait pas faits, car il les avait faits au mieux une fois en
2019. Donc eux ils s’en sortent bien et je pense que c’est le seul
pilote chez Yamaha qui tient la baraque au niveau technique. Pour
les autres, je ne connais pas bien le cas Morbidelli mais ça semble
délicat, Valentino n’est pas fort pour régler la moto et Viñales
non plus. C’est-à-dire que Viñales, s’il croit que la moto est
bonne, il gagne la course, et s’il a une bonne moto mais qu’il
croit qu’elle n’est pas bien, il va faire 15. Donc on ne peut pas
compter dessus.
Ça ressemble à l’ancien temps chez Yamaha, où Lorenzo tenait la
baraque technique, avec ses réglages qui servaient de base pour les
autres. Quand il n’a plus été là, c’était fini pour ceux qui
étaient accrochés à lui en réglages. »
« Autrement, chez Honda, ils en chient un peu : La bête est rétive ! On a vu sur les dernières courses que c’était quasiment les seules motos qui faisaient des highsides, donc je pense qu’ils ont été occupés pendant les vacances pour que ça aille mieux à la rentrée, surtout qu’ils ont recruté dans les rangs de KTM, notamment Jenny Anderson (la data guy) qui s’occupait de ces choses là pour Pol qui est maintenant avec Márquez. Il y a donc des gens qui savent comment faire, parce que sur les KTM je pense que l’on a une électronique qui va vraiment pas mal. Ça devrait les aider. »
« Autrement, il est à noter que sur les circuits rapides ce sont les motos lentes qui ont gagné. C’est toujours rigolo et surtout ça laisse de l’espoir aux autres, à ceux qui ne sont pas forcément très rapides. C’est intéressant. »
« Pour les KTM, je dirais qu’elles sont dans la lancée de la fin de saison. Elles commencent à être là un peu tout le temps. Miguel a fait trois podiums d’affilée, dont une victoire… »
Pourquoi y a-t-il eu ce creux en début d’année chez KTM ?
« Le creux en début d’année, il est dû à des circonstances
peu favorables et notamment au retrait d’un type de pneus de
l’allocation de chez Michelin qui était notre pneu favori. On a eu
du mal à s’en remettre car il a fallu changer tout l’équilibre de
la moto. Bon, alors petit à petit c’est en cours d’amélioration,
mais il n’y a pas que ça. C’est-à-dire qu’il y a des circuits où ce
pneu était indispensable pour les KTM, et d’autres circuits où il
ne faisait pas partie de l’allocation parce qu’il ne correspondait
pas à ce dont il y avait besoin sur ces circuits. L’allocation
qu’on a sur ces autres circuits correspond à ce qu’on avait l’an
dernier, donc cela ne nous a pas handicapé cette année.
Ce pneu avant qui a été retiré, c’était le pneu qui nous était
indispensable pour les KTM au Red Bull Ring, donc on va bien voir
si les KTM restent en retrait par rapport à l’an dernier en
Autriche, c’est qu’on n’a pas résolu tous les problèmes pour
utiliser autre chose que ce pneu.
Et puis, il y a aussi des choses qui se sont mal gaulées. Par
exemple au Mans, Miguel était le plus rapide. Il a chuté mais il
était le plus rapide. De loin ! Lui et la moto avaient le potentiel
pour gagner, sans problème, si on analyse les courbes. A Portimão,
pareil, ça c’est très mal gaulé parce qu’on n’avait pas le pneu. Il
a donc roulé avec le pneu par défaut, mais il était aussi bigrement
rapide avant de se faire surprendre. Si tu veux, ça ne tient
vraiment à pas grand-chose. »
« Pour les autres, Ducati fait son petit bonhomme de chemin. Ils ont des motos qui vont bien. Bon, ils ont beaucoup de pilotes et je ne sais pas si c’est bien : On sait que deux pilotes c’est un handicap car ce n’est pas assez, mais est-ce que six ou huit c’est un avantage ou une charge de travail importante, je ne sais pas. »