« Après la victoire de Rins, il ne faut pas oublier le rôle vital du Suzuki test team avec l’ingénieur Tom O’Kane et le pilote Sylvain Guintoli. Ils ont joué un rôle majeur dans le succès de la moto » a écrit récemment l’excellent journaliste anglais Max Oxley.
Nous avons joint Sylvain, qui terminait une séance d’essais à Jerez.
Sylvain, comment as-tu vécu ce Grand Prix d’Austin ?
« Je l’ai vécu au début bien relaxé dans le canapé. Puis mon dos a quitté le dossier et je me suis assis plus sur l’avant du canapé. Pendant la dernière partie de la course, j’étais plutôt debout dans le salon en bondissant en l’air et en gesticulant.
« Ce fut un GP tendu, parce qu’il est revenu de loin. Alex Rins est parti de la troisième ligne, mais en début de course il n’était pas aux avant-postes. Puis petit à petit il est revenu sur Valentino et il a fait la course parfaite, y compris sur le plan tactique. Ça a été une surprise parce que c’était un circuit où on ne s’attendait pas à être très performants ».
Sur un circuit au revêtement médiocre, la Suzuki semblait la moto qui était la plus stable, la plus équilibrée ? Etait-ce également ton impression ?
« Oui, elle a surtout gardé son efficacité sur toute la durée de la course. C’est bon signe car ça signifie que la moto est bien équilibrée. Même sur un circuit aussi bosselé, elle n’a pas perdu de performance du début à la fin. Elle a été efficace avec les pneus usés aussi, donc vraiment une belle performance d’Alex et de la machine ».
Alex Rins paraissait avoir une confiance totale en sa GSX-RR, ne pas en redouter un coup de vice (contrairement aux Honda, par exemple), et cela lui donnait une assurance impressionnante même avec un grand champion comme Valentino Rossi collé à sa roue arrière dans le dernier tour ?
« Alex a maintenant beaucoup plus d’expérience. Il est revenu cinquième au Championnat l’année dernière en enchaînant les podiums et les top 5. Il a gagné en confiance, en maturité et en expérience.
« On a vu sur cette course que quand il est revenu sur Valentino, il ne l’a pas passé tout de suite. Il l’a étudié et n’a pas laissé Valentino l’étudier lui. Il est passé au bon moment, puis a creusé un petit écart, il a géré dans le dernier tour. La relation qu’il a maintenant avec sa machine lui donne cette assurance et cette confiance.
« Il a un style qui est différent, un peu comme celui de Kevin Schwantz à l’époque. La Suzuki tourne bien, donc il freine très fort, il a des lignes plus serrées. Il arrive à se servir de cet avantage, un peu comme le pilotage de Schwantz : freinages très tardifs, aller très vite au point de corde. A Austin, c’était vraiment beau la manière dont il arrivait à se servir du potentiel de la moto ».
La Suzuki a montré à Austin ce point fort particulier, mais elle n’a pas paru avoir de point faible évident. Cet équilibre a-t-il été déterminant pour la victoire d’Alex Rins ?
« Les points faibles sont en train de disparaitre petit à petit. En moteur, par exemple, par rapport à la Yam, la Suz est je pense un peu plus vite.
« Sur ce GP, le point fort a été cette capacité à utiliser le train avant pour rentrer très fort. Normalement, des lignes comme ça sont difficiles à conserver quand les pneus s’usent parce que ça veut dire qu’il faut avoir beaucoup d’angle sur le point de corde. Et ça c’est le point fort de la moto : elle tourne super bien.
« On l’a vu aux Etats-Unis où il a gardé ce style jusqu’à la fin. Valentino avait des lignes beaucoup plus larges, alors qu’Alex pouvait freiner très tard et garder ses lignes plus serrées ».
Au Championnat du Monde des constructeurs, Suzuki n’est qu’à 2 points de Honda et de Yamaha. Est-ce une surprise pour toi, et comment l’expliques-tu ?
« Non, ce n’est pas une surprise, car sur la fin de l’année dernière, Alex avait déjà enchaîné les très bons résultats. On s’attendait donc à ce qu’il soit là en début de saison, d’autant plus que la moto avait encore progressé pendant l’hiver.
« Sur le papier, Suzuki est le constructeur qui a le service course le moins extravagant, et qui concentre ses ressources sur le MotoGP. Et là ça fonctionne et ça commence à payer maintenant. Donc c’est super, parce que face aux géants que sont les autres constructeurs, c’est un résultat fantastique ».
Participeras-tu à la séance d’essai des lundi et mercredi qui suivront le GP de Jerez ? D’autre part tes wild cards prévues sont-elles Barcelone, Brno et Motegi ?
« Les wild cards prévues sont à priori Barcelone, Brno et Motegi. Des essais auront bien lieu les lundi et mercredi qui suivront le GP d’Espagne. Je reviens de Jerez où on a bien avancé, on a travaillé sur des points particuliers. On a maintenant une méthode de travail hyper-intéressante et on n’arrête pas d’apprendre et de transférer les infos au team de course. Il y aura un autre test avant Barcelone.
« J’espère que ça va continuer de progresser. Mais maintenant les gains sont vraiment marginaux parce qu’on est là ! »
Enfin si une fée te proposait un vœu pour la Suzuki, que souhaiterais-tu améliorer sur cette machine ?
« Cette moto commence à être vraiment très proche de la perfection. C’est un régal à piloter. A regarder, pour moi c’est la plus belle, elle est vraiment magnifique. Cette moto est très bien équilibrée, et parfois espérer quelque chose d’extravagant n’est pas bon. Je la garderais comme elle est. Pour moi, elle est presque parfaite. »
Photo ci-dessus : Le nouveau Shark RACE-R PRO GP qu’utilisait la semaine dernière Sylvain à Jerez
Photos © Suzuki Racing, et Sylvain Guintoli