Figure emblématique des GP depuis quelques années, Jacky Hutteau suit de près toutes les catégories. Il a vu débuter tous les pilotes qui courent actuellement et connait par cœur leurs parcours, ainsi que toutes les motos et les équipes. C’est donc à son grand savoir que nous avons fait appel pour faire le point à la mi-saison.
En Moto3, es-tu surpris par la ferme opposition de Marco Bezzecchi (123 points) face au favori Jorge Martin (130), sachant que Bezzecchi pilote la seule KTM contre quatre Honda parmi les cinq premiers ?
« Je dis depuis le début de saison que pour moi Marco Bezzecchi est vraiment la révélation. En plus d’être un charmant garçon que j’adore, c’est la révélation de l’année. Je suis un peu surpris de le voir à un tel niveau, mais je me rappelle que son team manager de 2017 Alain Bronec avait beaucoup regretté son départ. Il avait montré son talent en montant sur le podium du Grand Prix du Japon, et Alain savait qu’avec une bonne moto Bezzecchi était capable de faire de grandes choses. Il le démontre cette année. »
En Moto2, Francesco Bagnaia (148 points) fait preuve de brio sur sa Kalex avec 4 victoires, mais Miguel Oliveira le talonne sur sa KTM avec 141 points, bien qu’avec une seule victoire. Comment vois-tu la suite de leur duel – brio contre régularité – déjà lors des prochains GP à Brno et en Autriche ?
« Il est clair qu’Oliveira est un battant et que Bagnaia va très vite, donc je pense que le duel s’annonce passionnant. Il est difficile de dire qui va l’emporter car ils sont aussi talentueux l’un que l’autre. Et à mon avis il ne faut pas oublier Brad Binder, qui est en train de revenir très fort. Il a remporté sa première victoire lors du dernier Grand Prix. Entre Oliveira et Bagnaia, je ne sais pas sur lequel des deux je pourrais parier une pièce, parce que l’un comme l’autre vont très vite et sont impressionnants.
« On peut envisager que sur le terrain de KTM au GP d’Autriche Oliveira fasse un grand spectacle. Mais Bagnaia est vite, fin et malin. J’ai du mal à faire un choix entre les deux. Je pense qu’ils sont aussi forts l’un que l’autre, avec des façons de piloter un peu différentes, mais je crois que la fin de saison va être exceptionnelle. »
Andrea Dovizioso (4e avec 88 points au classement provisoire) et Jorge Lorenzo (6e avec 85) ont chacun environ la moitié des points de Marc Marquez (165). Comment expliques-tu cette baisse de performance de Ducati, pourtant si brillant en 2017 ?
« La venue de Lorenzo peut avoir déstabilisé Dovizioso, à partir du moment au Grand Prix d’Italie où il s’est mis à gagner des courses. Dovizioso a fait des erreurs, il n’est jamais tombé autant. D’autre part la Honda a progressé depuis l’année dernière et Marc Marquez dispose actuellement de la moto gagnante. Je ne pense pas que les autres aient régressé.
« Dovizioso a un peu perdu le moral, mais je suis persuadé qu’il va faire une très bonne fin de saison. Lorenzo n’a pas brillé en début d’année, mais il s’est rattrapé ensuite. Je pense que c’est avant tout une histoire d’hommes. »
Yamaha n’a pas gagné une seule course depuis 19 Grands Prix (dernière victoire : Valentino Rossi à Assen en 2017) pourtant Rossi et Maverick Vinales occupent de bonnes deuxième et troisième places au classement provisoire du Championnat du Monde. Est-ce suffisant pour Yamaha ?
« Il est sûr que seul le titre les intéresse, et ils sont conscients que cette année ils vont le perdre. Pourtant ils travaillent, mais face au phénomène Marquez, ils ne peuvent pas se contenter de ça. Ils ont un petit peu de retard, même si les motos sont homogènes. Les pilotes se plaignent car ils voient les victoires leur échapper alors qu’ils aimeraient se battre avec le roi Marquez. Ils sont deuxième et troisième au Championnat car ils profitent de l’irrégularité des autres. »
Que penses-tu du passage de Fabio Quartararo en MotoGP ?
« Au début, j’ai redouté qu’il ne soit un peu jeune car il n’a pas encore démontré toutes ses possibilités en Moto2, malgré des courses phénoménales. Elles lui ont permis de se solidifier sur le plan mental.
« Mais l’occasion était trop belle et Éric Mahé (ndlr : son manager) ne pouvait pas laisser passer la possibilité de récupérer une Yamaha. Les contrats sont signés pour deux ans et l’option était trop superbe pour ne pas la saisir. Je pense qu’il va s’habituer rapidement à la moto. On le voit avec Syahrin – qui n’était pas un pilote de pointe – qui s’est habitué très vite à la Yamaha. »
Estimes-tu que Johann Zarco va revenir pendant la deuxième demi-saison à son excellent niveau d’avant le GP de France ?
« Oui, je dirais que oui. Il a eu une petite baisse de régime à la mi-saison, mais Johann va revenir à son meilleur niveau pour la deuxième moitié de l’année. Il y aura des circuits qui lui plaisent également beaucoup. Donc oui, je pense qu’on va revoir le grand Johann au top pour les prochaines courses. »
Photos © Christian Bourget (Sports Images) & Tech 3