Troisième du Championnat du Monde 500 cm3 en 1985 et 89, avec une victoire à Hockenheim devant Freddie Spencer sur le mouillé, Christian a abordé pour nous dans la première partie de son interview le nouveau règlement technique moto2 et l’influence de l’électronique. Il nous livre dans cette deuxième partie son point de vue sur la catégorie MotoGP.
Fabio Quartararo fait ses débuts en MotoGP sur une Yamaha. Son coéquipier Franco Morbidelli a déclaré « C’est une moto très facile à emmener à la limite et cela m’a beaucoup surpris. Lorsque vous atteignez ce point extrême, c’est le moment de travailler sur la façon de la pousser plus loin. C’est là que le vrai travail commence ». Estimes-tu que ce soit difficile pour un rookie comme Fabio ?
« Fabio a fait de bons essais, 17e sur 24 à 1.3s du meilleur temps de Maverick Vinales à Valence, puis 12e à Jerez sur 25 à 0.8 du leader Takaaki Nakagami. Ça a été très agréable d’avoir un Français qui a bien marché lors de ces tests.
« J’avais fait une réflexion longtemps avant ces essais hivernaux et que les Yamaha terminent bien la saison : j’ai été outré que les pilotes, les techniciens et les médias demandent à Yamaha de s’excuser pour les mauvaises performances de la moto !
« Pour obtenir les très bonnes performances de la fin de saison, rien de fondamental n’a été changé par Yamaha – et j’ai quand même mes entrées chez Yamaha. Si on lisait la presse, si on regardait Eurosport, la Yamaha datait au niveau de sa conception, au niveau du moteur comme du châssis. Il n’y avait rien qui allait ! Or, en analysant mieux, il y a eu des moments où les Yamaha avant la fin de la saison étaient dans le coup. »
Avec Rossi troisième du Championnat par exemple ?
« En Aragon, Rossi se qualifiait très loin (en dix-septième position sur la grille) parce qu’à son âge – et je le comprends – il est moins motivé. Mais en course lors des sept premiers tours, il réalisait les mêmes chronos que le trio de tête ! Pourtant il était loin derrière.
« Alors ma question est la suivante : comment est-il possible que la conception de sa moto, son châssis et son moteur ne soit plus dans le coup, alors qu’elle réalise des performances pas forcément flagrantes, mais aussi bonnes que celles des leaders ? Si la moto n’est pas compétitive, tu ne peux pas faire le meilleur temps comme l’a réalisé Maverick Vinales lors de la FP4 lors du British Grand Prix. Dommage qu’on n’ait pas pu courir en raison de la pluie, car Maverick aime bien ce circuit, y ayant remporté sa première victoire en MotoGP sur la Suz. Rossi n’aurait pas pu faire des chronos identiques aux premiers pendant sept tours en Aragon, au centième près, si la moto avait été dépassée.
« Ça m’a fortement agacé, mais il y a une raison à ça : c’est qu’on a un Vinales qui est psychologiquement fragile, et surtout qui s’est fait détruire au niveau mental et moral par Rossi. Au début, quand il est arrivé chez Yamaha, Vinales était devant Rossi. Valentino est un pilote génial, mais qui a 40 ans, et forcément on voit que de temps en temps lors des essais il a du mal à se motiver.
« Avant le Grand Prix de Thaïlande, j’ai fait un plateau à Eurosport où j’ai demandé comment on pouvait dire que la Yamaha était dépassée ? Or regarde les résultats à l’arrivée : Il y a trois Yamaha dans les cinq premiers (Maverick Vinales 3e à 0.2 du vainqueur, Valentino Rossi 4e et Johann Zarco 5e derrière Marc Marquez et Alex Rins).
« Quand Zarco s’est plaint et a dit que la moto accélérait à peine plus qu’une Moto2, alors qu’en Aragon sa vitesse de pointe était dans la bonne moyenne (334 km/h contre 341 pour le plus rapide et léger Dani Pedrosa) alors que la ligne droite est courte, si la moto accélérait mal c’était parce que Zarco n’avait pas le moral, et donc il ne se bougeait plus assez sur la moto.
« Avec une MotoGP, il faut se battre, comme avec une 500. Il faut être mobile, se bouger, avoir des appuis d’avant en arrière et d’un côté à l’autre. Si tu ne te bats pas, en ayant par exemple le poids du corps sur la selle, si tu n’es pas en appui sur les jambes, une 500 se mettait debout et tu te retournais.
« Une MotoGP de nos jours ne va pas se retourner puisqu’elle dispose d’un anti-cabrage. Si tu ne te bats pas avec, si tu n’es pas sur l’avant avec le poids sur les jambes comme un cavalier, et non pas sur la selle, que va faire la moto ? L’électronique va diminuer la puissance et donc justement en première ou en seconde, comme le disait Zarco, elle ne va pas accélérer. Ce n’est pas à cause de la moto ou du moteur, mais du pilote. A Sepang, s’il n’avait pas chuté, Rossi aurait eu de bonnes chances de remporter la victoire devant Marquez. Et même à Valence, sur un circuit qu’il n’apprécie pas du tout, il était deuxième au neuvième des quatorze tours et aurait pu gagner.
« Avant, à Phillip Island, Valentino était troisième au vingtième des vingt-sept tours, alors que Vinales ensuite remportait le GP d’Australie. Donc la Yamaha a montré sur tous les derniers Grands Prix (Phillip Island, Sepang et Valence) qu’elle était dans le coup.
« Regarde ensuite les essais hivernaux : Maverick Vinales fait le meilleur temps des tests de Valence. Il estime alors que la moto est bien, en moteur, en châssis, dans tous les domaines. Son équipier dit qu’il n’y a rien qui va. Pourquoi ? Je ne comprends pas. »
« Et surtout regardez les superbes prestations de Johann Zarco en fin de saison avec sa Yamaha satellite. Maintenant que Zarco a essayé la KTM, il doit bien voir les qualités qu’avait sa Yamaha. Ses performances de fin de saison l’attestent. »
Photos © Yamaha
Photo de titre : avec Giacomo Agostini
Photo ci-dessus : avec Freddie Spencer