Après les trois premiers Grands Prix outremer de la saison, le Championnat du Monde arrive en Europe cette semaine à Jerez. Beaucoup de sujets intéressants sont à l’ordre du jour, dont nous entretient Christian Sarron, Champion du Monde 250 en 1984, vainqueur du GP d’Allemagne 500 en 1985, et auteur de cinq incroyables pole positions consécutives en 500 en 1988 en Autriche, Pays-Bas, Belgique, Yougoslavie et France, devant Eddie Lawson, Wayne Gardner, Kevin Schwantz, Wayne Rainey et les autres grands de l’époque.
Christian, Álex Rins a impressionné avec sa victoire à Austin, surtout avec Valentino Rossi qui lui respirait dans la nuque et l’a menacé jusque dans le dernier tour. Rins est-il un futur grand ?
« Pour l’instant, il a gagné un Grand Prix, comme l’avait fait Maverick Vinales. Il faut voir s’il en gagnera d’autres. Premièrement, Austin est un circuit assez atypique, avec de nombreux virages serrés. Il ne faut pas oublier qu’il a été dessiné par Kevin Schwantz qui aimait les petits coins et les circuits cassants. Il y a aussi de grandes courbes, mais c’est avant tout un circuit cassant avec de nombreux freinages ».
« Comme ce circuit est atypique, on n’est pas sûr que Rins fera le même genre de performance ailleurs, mais on a pressenti déjà l’année dernière un bon potentiel chez ce pilote. Champion du Monde, on ne sait pas, mais d’autres podiums, ça c’est certain ».
« Il a quand même bénéficié de conditions favorables. C’est-à-dire que si Marc Márquez n’était pas tombé, il était imbattable. Je pense que Crutchlow était dans une position pour faire un bon second ».
« Valentino Rossi est très fort, c’est même surprenant. On ne peut que le féliciter, mais il a montré avec son âge ses limites. Dix ans plus tôt, Álex Rins n’aurait pas résisté à Valentino Rossi. Celui-ci n’a pas été très agressif en fin de course, peut-être a-t-il connu des problèmes, je l’ignore. Il s’est fait dépasser et lâcher d’une manière assez étonnante. Quand il a la victoire en vue, normalement Rossi est un combattant. Or là il ne l’a pas été. Ça a été surprenant ».
Valentino Rossi a terminé deux fois deuxième et il n’est qu’à trois points du leader du Championnat. Penses-tu qu’il puisse être Champion du Monde cette année ?
« Il ne faut jamais enterrer Valentino Rossi ! Il court après ce dixième titre, il le veut vraiment. Sa motivation et ses performances surprennent. Quand on dit que c’est fini, il étonne toujours ».
« Malgré tout, je pense que pour battre Márquez, ça sera vraiment très difficile. Il faudrait qu’il arrive à Márquez pas mal de soucis, d’ennuis, d’erreurs comme celle qu’il a commise à Austin. S’il avait été en bagarre, il aurait été moins déconcentré et n’aurait probablement pas fait cette erreur ».
« Le fait d’être tout seul en tête et de caracoler devant, comme il l’avait fait en Argentine, lui a fait paraître les choses faciles. Marquez avait gagné à chaque fois au Texas, et je pense qu’il a eu un moment de déconcentration. Il a freiné un peu trop tard, il est arrivé limite et un peu hors trajectoire. Il a quand même tenté de rejoindre le point de corde, mais ça n’est pas passé ».
« C’est un pilote très intelligent, extrêmement réfléchi. On le voit dans ses gestions de courses et de championnats. On a vu que même quand il y a eu des polémiques avec Rossi, il a toujours réagi de manière intelligente. Avec le talent et la machine qu’il a, il sera très dur de le battre ».
Fabio Quartararo s’est qualifié cinquième au Qatar pour sa première course en MotoGP, et avec une huitième place en Argentine puis une septième aux États-Unis, il précède désormais des pilotes comme Maverick Viñales, Jorge Lorenzo et Franco Morbidelli, ainsi que tous les rookies. Fabio est-il un surdoué ?
« On sait depuis longtemps qu’il est surdoué. Il n’avait pas encore 15 ans quand il a été Champion CEV Moto3 en Espagne. Il gagnait tout. Il n’avait pas 16 ans quand il est arrivé en Grand Prix. Lors de son premier GP, il se bagarrait devant et aurait pu gagner. Il a fait l’erreur de passer en tête un tour avant la fin, ce qui était juste ce qu’il ne fallait pas faire. Ensuite à Jerez il aurait pu l’emporter. Donc dès ses débuts en Grands Prix, il a montré un potentiel énorme. Après il a eu des hauts et des bas ».
« Pour répondre à ta question, oui, il est surdoué. Et non seulement il est surdoué, mais il dispose d’une Yamaha M1 qui lui convient à merveille. C’est une super machine, si on regarde les performances de Morbidelli, de Fabio, de tous ceux qui ont débuté dessus en MotoGP, qu’il s’agisse de la machine full usine ou de la moto satellite. On l’avait bien vu quand on a cru que Johann Zarco allait gagner sa première course en MotoGP au Qatar ».
« C’est une machine qui semble, par comparaison avec d’autres, assez facile à régler. Fabio, malgré son peu d’expérience en MotoGP, arrive toujours à bien s’en sortir, en qualifs comme en course. Il n’a pas encore à mon avis l’expérience et l’endurance physique que nécessite le MotoGP, mais forcément en travaillant il va pouvoir créer une surprise et pourquoi pas monter sur le podium au guidon de cette Yamaha dès sa première saison ».
Le style de Johann Zarco n’a pas l’air adapté à la KTM, et réciproquement…
« C’est le moins qu’on puisse dire ! Pol Espargaró fait quand même de bonnes choses, donc la comparaison pour Johann est difficile en ce moment. Espargaró fait beaucoup mieux que lui au guidon de la même machine, mais même Oliveira, qui est débutant chez Tech 3 et qui a moins d’expérience que Johann parce qu’il est plus jeune en Grand Prix et venant d’arriver en MotoGP, est sur ses talons.
« Ça veut dire que pour le moment cette KTM ne convient pas à Johann. On dit beaucoup qu’il faut s’habituer à la machine, qu’il faut que le pilote la règle comme ça lui convient… Oui et non… Oui et non, moi je pense qu’il y a des pilotes qui sont capables de s’adapter à leur machine, quelle qu’elle soit – je pense bien sûr à Marc Márquez, à Casey Stoner et à d’autres ».
« Manifestement Johann ne se sent pas à l’aise au guidon de cette machine et il ne parvient pas à faire de bonnes choses avec. Moi je me demande si le mental n’en a pas pris un coup. Parce que je sais que Johann marche aussi au mental, il l’a montré plusieurs fois. Là c’est franchement surprenant de voir les performances de cette machine qui ne va pas si mal avec Espargaró, mais par contre avec Johann on voit qu’au chrono sur certaines séances il n’est pas si mal, mais je trouve que si on compare avec ce que Johann a fait dans le passé, il n’est pas à sa place. Il serait trop facile de critiquer uniquement la machine. Johann n’est pas dans son assiette ».
Andrea Dovizioso n’a gagné aucun GP cette année, il s’est qualifié treizième au Texas, et le voici en tête du Championnat du Monde. Peut-il être un leader solide, y compris dès dimanche prochain à Jerez où Ducati n’a gagné qu’une seule fois, en 2006 ?
« Dovizioso est bon, on l’a vu ces deux dernières années. Il a une excellente machine. Il peut être capable de gagner sur certains circuits, mais il y a vraiment des pistes où ça va beaucoup moins bien. Ça vient d’être le cas justement à Austin, et ce sera le cas à mon avis sur d’autres circuits. Il a des performances qui sont un peu avec des hauts et des bas, ce qui n’est pas le cas d’un Márquez qui va vite partout, ni le cas d’un Rossi même si c’est un peu moins vrai parce que par exemple l’année dernière en Aragon il n’avait pas été bien ».
« Dovizioso par contre fait très peu de fautes. Il est intelligent. Donc si les autres font des fautes, il aura une chance. Mais si Marquez ne fait pas de faute, franchement ce sera dur pour lui. Même Valentino Rossi peut au panache à mon avis sur un championnat battre Dovizioso. D’ailleurs il l’a montré souvent. Mais si Márquez n’a pas de soucis, pour Dovizioso comme pour Rossi, ce sera dur ».
Vidéo ci-dessous : Valentino Rossi réalisant la pole position à Jerez en 2016 (il remportera ensuite ce GP)
Seeing as it's one week until the #SpanishGP 🇪🇸 race day… 🙌
Who better to take you for a guided tour than the 2016 pole sitter and race winner, @valeyellow46 🏁
Ride onboard with 'The Doctor' on his pole lap in 2016! 🥇#MotoGP pic.twitter.com/AZyzOSwvfU
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) April 28, 2019
L’incident de l’année dernière à Jerez avec Pedrosa, Lorenzo et Dovizioso. A noter que ce Virage 6 (auparavant nommé « Dry Sac ») a été rebaptisé du nom de Dani Pedrosa le 17 décembre dernier. Humour au deuxième degré ?
Last year's #SpanishGP provided one of the biggest talking points of the 2018 season! 😲
Here's the incident which took @lorenzo99, @AndreaDovizioso and @26_DaniPedrosa out of the race! 💢#MotoGP pic.twitter.com/c2dW0UKQhM
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) April 29, 2019
Photos © motogp.com / Dorna