Champion du Monde en 1984 sur une 250 Yamaha, puis vainqueur du Grand Prix d’Allemagne en 500 cm3, onze secondes devant Freddie Spencer en 1985, Christian Sarron a également impressionné les fans avec 5 pole positions consécutives en 500.
Il réalisait ainsi cinq fois de suite le meilleur temps des qualifications en 1988 au Salzburgring, à Assen, Spa-Francorchamps, Rijeka et Paul Ricard.
Christian, comment as-tu vécu la progression stratosphérique de Fabio Quartararo en MotoGP, alors qu’il était arrivé au premier Grand Prix de l’année à Losail avec une seule victoire en 67 GP disputés ?
« Il est vrai que Fabio a surpris tout le monde. Il m’a
beaucoup surpris et je pense qu’il s’est surpris lui-même. Malgré
tout, je voudrais rappeler quelque chose : quand Fabio est arrivé
en Grand Prix Moto3, il n’avait pas encore 16 ans et on avait dû
changer le règlement pour qu’il puisse participer au premier Grand
Prix du Qatar. Il était déjà hyper doué, il avait été largement
vainqueur du Championnat CEV Moto3. Donc Fabio arrivait avec un
talent fou et les premiers essais qu’il a faits l’ont démontré. Sa
première course au Qatar également. »
« Ce qu’on pourrait dire, c’est qu’en fin de compte on
s’attendait tous à ce que Fabio fasse plus d’éclats en Moto3 et en
Moto2 qu’il n’en a faits. Il n’a pas pu concrétiser lors de ses
premières années en Moto3. La deuxième, il était passé sur une KTM
dans une autre équipe et ça allait un peu moins bien, on l’a
nettement ressenti. Mais il n’a pas pu concrétiser tous les espoirs
qu’on avait mis en lui en raison de son énorme talent.
»
« En Moto2, ça a été un petit peu pareil dans le team
de Sito Pons, une équipe
qui est vraiment au top niveau. On s’attendait à l’y voir faire
mieux. Il lui a fallu une année d’adaptation avant de remporter un,
voire deux Grands Prix malgré une machine dans une équipe qui
n’était pas parmi les favorites. Sa victoire à Barcelone avec la
Speed Up a surpris tout le monde. Il a gagné avec l’art et la
manière. On a pu de nouveau constater l’énorme talent de Fabio
Quartararo. »
« C’est vrai qu’on se dit qu’il lui a fallu un peu de temps d’apprentissage en Moto3, puis comme ça a été de nouveau le cas en Moto2, on pouvait s’attendre à la même chose en MotoGP, une catégorie qui semble encore plus difficile. »
« Mais finalement, ça a été le contraire. A peine arrivé en MotoGP, il a montré des aptitudes que l’on n’attendait plus de lui. En réalité, il n’a fait que confirmer l’exceptionnel talent qu’il n’avait pas pu mettre en évidence jusque-là. »
« Fabio était jeune, or la course est un métier d’homme
adulte. Au niveau mental, au niveau psychologique, il est difficile
de se retrouver plongé dans les Grands Prix avec tout ce que ça
demande. Or Fabio a vécu ça très jeune, et en fin d’adolescence il
n’est pas évident de pouvoir se cadrer dans la tête. Il a muri avec
ses performances, mais aussi avec ses contre-performances dans les
catégories Moto3 et Moto2. »
« Le fait qu’on lui ait proposé ensuite une place en MotoGP a été surprenant. Cette Yamaha dans l’équipe Petronas a été pour lui probablement un grand soulagement dans sa carrière, qui l’a totalement libéré de beaucoup de pression. On pourrait l’expliquer psychologiquement de nombreuses manières différentes. »
« Cette place en MotoGP est arrivée au bon moment, il était bien dans sa tête après avoir bien terminé la saison Moto2 avec sa « presque victoire » au Japon. Il se sentait bien en fin d’année, et ensuite ses débuts en MotoGP ont été exceptionnels. »
« Le fait qu’il ait été le seul à pouvoir rivaliser et se battre sur plusieurs circuits avec Marc Márquez dominateur m’a vraiment surpris. Mais tant mieux ! On est heureux. Fabio le mérite, qui est un gentil garçon, et ça fait plaisir pour lui. »
Fabio aurait-il obtenu les mêmes résultats cette année avec une Honda, une Ducati ou une Suzuki ?
« Pour la Honda, je dirais probablement pas, parce qu’elle
semble tout de même assez difficile à piloter. Au-delà des
résultats de Marc Márquez , les autres pilotes de Honda ont quand
même eu un peu de mal. Je pense bien sûr à Cal Crutchlow, mais
aussi à Takaaki Nakagami et à
Johann Zarco. Je
pense qu’au guidon de la Honda il aurait effectivement eu plus de
mal. »
« Au guidon de la KTM et de l’Aprilia également, bien sûr.
Au guidon de la Suzuki, on peut légitimement se poser la question :
Joan Mir a fait des débuts tout à fait corrects, Álex Rins, dès sa
première année, a fait de belles choses et il a confirmé cette
saison le potentiel de la machine. Donc on peut se poser la
question, mais je crois qu’il est très difficile d’y répondre.
»
« Au guidon de la Ducati, depuis deux ans Andrea Dovizioso est vice-Champion du Monde, sans jamais chuter pratiquement. Il ne pousse pas dans ses derniers retranchements, contrairement à Marc Márquez qui va, en particulier lors des essais, vraiment chercher la limite. Si Marc Márquez va autant chercher la limite en essais, c’est pour être capable d’assurer ensuite en course. C’est pourquoi il a terminé tous les Grands Prix cette année parmi les deux premiers, à l’unique exception d’Austin où il a commis une erreur qui semblait causée par la déconcentration. Autrement, il a totalement assuré ce titre. On a même eu l’impression qu’il n’était pas tout à fait à sa limite en course. »
« Pour en revenir à la Ducati, cette Desmosedici semble tout à fait performante, en particulier grâce à son avantage moteur. Il est plus facile de prendre l’avantage en ligne droite que dans des virages ou au freinage. La Ducati n’est-elle pas la meilleure moto de GP actuelle ? C’est la question qu’on pourrait se poser. Fabio aurait probablement fait aussi bien, sinon mieux, avec une Ducati. »
Photos © Yamaha, Repsol Media, motogp.com / Dorna