De Raquel Jiménez Rodríguez / Motosan.es
Carlos Checa, ancien pilote de MotoGP et actuel commentateur de Dazn, s’est exprimé au micro de Motosan où il a longuement parlé du championnat.
Carlos Checa (San Fructuoso Bages, 1972) est un ancien pilote de MotoGP et l’idole d’une grande génération de fans de deux roues. Une vie liée à ce qui a été son rêve, qui lui a donné de grands moments comme le titre qu’il a récolté durant ses années dans le métier mais qui a aussi failli lui coûter la vie. Aujourd’hui, avec sa besace remplie d’expérience, il analyse les nouvelles générations depuis la cabine de commentateur de Dazn et fait le point avec Motosan sur un Championnat du monde qui change d’époque.
Dans une année aussi compliquée que celle-ci, où la
Covid-19 a joué un grand rôle, comment avez-vous vécu toute cette
situation ?
« Au début, pour moi, c’était un peu comme un film, parce que
c’était vraiment quelque chose de nouveau que personne n’imaginait.
Au début, on le voyait comme un film qui se passe dans d’autres
pays, mais quand c’est arrivé ici, on a un peu commencé à prendre
conscience de la réalité. En ce qui concerne la course, je pense
que Dorna a fait un énorme travail pour amener le championnat là où
il pouvait être amené, de la manière dont il a été fait, mais la
vérité est que c’est vraiment un succès. Il y a eu des moments où
il semblait qu’il n’aurait même pas lieu. »
Selon vous, comment tout cela s’est-il traduit sur le
plan sportif ?
« Je pense que c’est ce qui a le plus affecté cette saison sur
le plan sportif. Sur le plan personnel, je pense que nous avons dû
nous adapter comme tout le monde, être très prudents et attentifs
et rester un peu dans cette sécurité. Donc, je pense que dans le
championnat, c’est ce qui a été le plus impactant, la deuxième
chose ayant été la blessure de Márquez. Ce fut une année
fantastique en termes de résultats, inattendue car les favoris
n’étaient plus là, et l’agréable surprise est que Mir et Suzuki ont
obtenu ce titre. »
Selon vous, quelles étaient les grandes anticipations
pour une année comme celle-ci ?
« Pour moi, les prévisions au début de l’année étaient
Viñales/Quartararo ou Quartararo/Viñales en tant que favoris, tout
cela en parlant toujours avec l’absence de Márquez. Pour moi,
Márquez était incontestablement le favori. Mais ensuite, Jerez est
arrivé, Márquez s’est blessé et à partir de là, sur le plan
sportif, d’autres protagonistes sont apparus. À ce moment-là, pour
moi, Viñales et Quartararo étaient les favoris, et évidemment
Dovizioso l’était aussi en raison des résultats passés et parce
qu’il est un pilote de fin de saison. Je voyais aussi les
Suzuki de Rins et Mir comme des motos qui pouvaient gagner des
courses. Je n’aurais pas parié pour le championnat, et encore moins
sur Mir, mais j’aurais pu parier sur Rins. Et puis Morbidelli était
aussi en arrière-plan, mais peut-être un peu mieux que Mir. Les KTM
étaient des inconnues, mais pour moi, elles étaient des gagnantes
même si je ne les aurais pas mis comme candidates (au titre) et, au
final, elles ne l’ont pas été. »
Yamaha a commencé la saison en dominant très fort, mais
elles ont ensuite perdu le chemin. Selon vous, à quoi pensez-vous
que c’est dû ?
« C’est très étrange pour Yamaha, car à la fois pour Viñales et
pour Quartararo, ce sont deux pilotes et une marque avec un énorme
potentiel mais ils n’ont vraiment pas été à la hauteur de la
saison. Pour Yamaha, cela n’a pas été une grande saison à cause des
problèmes techniques des moteurs qui selon moi ont été mal
gérés. »
« Mais en revanche vous voyez Morbidelli qui a pu se battre
pour le championnat avec une moto très similaire, et ce sont les
petits détails qui font la différence. C’est la régularité qui leur
a beaucoup fait défaut, le cas le plus extrême étant celui de
Quartararo qui a commencé non seulement à gagner mais aussi à
dominer avec beaucoup de facilité, et qui a terminé en
disparaissant. C’est ce qu’ils doivent améliorer l’année
prochaine. »
A l’autre bout, KTM et les Autrichiens ont été l’une des
grandes surprises de la saison. Beaucoup attribuent une grande
partie du mérite à Dani Pedrosa: qu’en pensez-vous ?
« Je pense que la moto est différente. Je pense que KTM a
incorporé quelques ingénieurs de Ducati, et ce sont des membres un
peu dans l’ombre : ils ont probablement 30, 40 ou 50 ingénieurs,
chacun avec une tâche et une mission pour un travail qui est un
projet pluriannuel. »
« Une moto ne se fabrique pas du jour au lendemain, c’est une
évolution. Je pense que dans ce retour, quand Dani Pedrosa fait son
arrivée, c’est une intégration importante, un pilote avec une
grande expérience, avec beaucoup de sécurité, et je pense que c’est
un fait qui accélère ce processus, ainsi que les pilotes que KTM a
eu, comme Pol Espargaró. »
« Il est vrai que lorsqu’on a un pilote avec l’expérience de
Dani, ce que Dani peut dire a plus de poids que ce que peuvent dire
les jeunes pilotes sans grande expérience. KTM a donné une leçon
aux autres équipes parce que je pense qu’il est très important pour
les équipes d’avoir des pilotes d’essai expérimentés. »
Ils ont essayé quelque chose de similaire chez Yamaha
avec Jorge Lorenzo, mais le Majorquin ne s’est finalement pas
inséré dans les plans des Japonais. Selon vous, à quoi est-ce dû
?
« Il suffit de regarder l’Instagram de Lorenzo pour s’en rendre
compte. Jorge Lorenzo est un champion, c’est un pilote pour lequel
tout le monde a travaillé, il veut gagner, il a une grande ambition
et c’est un pilote comme il y en a que quelques-uns. »
« Mais, pour moi, Jorge Lorenzo a fini la saison fatigué. Je
pense qu’il voulait continuer à courir, mais pour vraiment se
mettre au travail pour les autres, dans l’ombre et avec tous les
risques que cela comporte, je ne pense pas qu’il ait eu la
motivation pour pouvoir faire ce travail. Et au final, le style de
vie doit être le même que lorsque vous êtes un pilote, si vous
voulez monter sur la moto et aller à la limite pour collecter
certaines informations. »
L’année prochaine, la grille de départ du MotoGP
connaîtra de nombreux changements, dont le passage de Valentino
Rossi chez Petronas. Comment pensez-vous que ce changement
l’affectera ?
« Je pense que le changement chez Petronas peut favoriser
Valentino parce qu’il va avoir un peu moins de pression. Cette
année, il a fait plusieurs erreurs et je pense qu’il va essayer de
les corriger. »
« L’envie de gagner ou de faire de bons résultats est, je
pense, ce qui lui a fait commettre quelques erreurs. Et puis la
malchance de la Covid qui l’a tenu à l’écart de plusieurs courses
et a marqué la saison de Valentino. En y pensant froidement,
c’était sa saison, parce qu’il a toujours eue la
régularité et la constance des résultats, mais pas cette année,
alors que c’était l’année pour pouvoir se battre pour le
championnat. Je pense que ça lui fait beaucoup de mal parce qu’il
sait que c’était une grande opportunité. »
« Valentino est très conscient qu’il va être très difficile de
gagner à nouveau. L’année prochaine, il sera dans une équipe plus
familiale. Au niveau technique, il aura ce qu’il veut et plus
encore, et en plus il sera à côté de Morbidelli qui est un ami
proche. Ramon Forcada, qui pour moi est un grand technicien grâce à
son rôle dans les victoires et les championnats obtenus avec Jorge
Lorenzo, est aussi dans la structure. En ce sens, je pense que
Valentino peut avoir une meilleure équipe. »
Et dans le cas de Fabio Quartararo ?
« Dans le cas de Quartararo, il y aura plus de pression et un
rival direct qui est Viñales. Il ne sera pas un coéquipier mais va
être un rival direct. La relation n’est jamais parfaitement bonne
avec votre coéquipier, mais il y a des moments où les choses ne
marchent pas, et c’est là qu’il peut y avoir plus de familiarité et
de complicité. »
« Actuellement, Quartararo et Viñales sont tous deux des
pilotes d’avenir et il est possible que dans le futur, un seul
d’entre eux ou les deux restent. C’est là qu’il peut y avoir un peu
plus de friction et, au niveau de l’équipe, c’est une pression
supplémentaire. S’il est capable de gérer ça, il sera là l’année
prochaine. Je pense que c’est le pas que doit franchir
Quartararo. »
Pour le moment la grille ne comprend pas Andrea
Dovizioso. Cette décision vous a-t-elle surpris ?
« L’adieu de Dovizioso m’a surpris et il me surprend encore. Je
ne sais pas vraiment s’il va revenir ou s’il a déjà conclu un
accord avec une équipe. Mais sinon, je suis surpris. J’ai une
excellente relation avec Andrea et je pense qu’il est l’un des
pilotes qui sait mettre en balance ses erreurs avec celles de son
environnement. »
« Donc, tant la décision qu’il a prise que le moment où il l’a
fait dans la saison m’ont beaucoup surpris. Je peux honnêtement le
comprendre, il a fait une offre avec les conditions qu’il attendait
pour continuer la course. Dovizioso a été l’un des meilleurs
pilotes de ces dernières années, après Márquez, et je pense qu’il
doit être considéré et valorisé d’une autre manière. »
Si Marc Márquez n’arrive pas en début de saison, que
penseriez-vous d’Andrea Dovizioso en tant que pilote de réserve
?
« Je pense que Bradl est un bon pilote d’essai qui a fait un
très bon travail, et il aura d’autres opportunités, mais vraiment
en ce moment si j’étais le directeur d’équipe, si je ne pouvais pas
avoir Márquez parce que les choses se compliquent, la meilleure
option serait Dovizioso. Non seulement en raison de sa rapidité,
mais aussi parce qu’il peut apporter beaucoup d’informations à
Honda. De plus, en tant que pilote d’essai, il a un profil
parfait. »
De l’autre côté du box, il y aura un Pol Espargaró qui
quittera KTM sous son meilleur jour. On dit qu’il a un style de
pilotage très similaire à celui de Márquez : pensez-vous que ce
changement lui sera bénéfique ?
« On parle beaucoup, mais jusqu’à ce qu’il monte sur la
Honda… D’après l’expérience que j’ai avec les Michelin, la
façon dont Pol roule n’est pas un style similaire à celui de Marc.
À mon avis, cela va lui coûter un peu. Il est clair que c’est un
grand pilote, ce qu’il a fait sur KTM est énorme, mais j’espère et
je souhaite qu’il fasse de son mieux et qu’il me surprenne. Mais si
je dois être honnête, je pense qu’il va vivre une période très
difficile et qu’il sera difficile de battre ce qu’il a fait
avec KTM cette année. »
« C’est vrai que Pol a une très bonne qualité, qui est de
freiner en mettant beaucoup de pression sur l’avant, mais d’un
autre côté, il a un passage dans les virages où il jette beaucoup
la moto et cela semble impossible pour la Honda. Tous les pilotes
disent que ce point est le plus critique. Je pense que s’il est
capable de s’améliorer dans ce domaine, il peut être compétitif,
mais peu de pilotes, je dirais seulement Marc, ont été capables de
le faire de manière constante. »
Vous avez vécu des situations très compliquées avec des
chutes comme celle que vous avez subie en 1998 à Donington Park.
Marc Márquez se trouve actuellement à un moment critique de sa
carrière : comment pensez-vous que cela l’affectera ? Pensez-vous
qu’il sera le même ?
« La chute à Donington Park m’a beaucoup changé, j’ai vécu un
moment très critique où il me semblait que je perdais même la vie
parce que j’étais incapable de respirer. Plus tard, j’ai perdu ma
vision et ma mobilité et cela m’a beaucoup affecté mentalement. Le
problème de Márquez est un os, et évidemment, je ne sais pas
comment va l’affecter tout ce long processus qui se passe, mais
maintenant, le plus important est qu’il puisse guérir son os.
»
« Il est clair qu’il y a des blessures qui marquent et d’autres
qui ne le font pas, et l’accident que j’ai subi en Angleterre m’a
beaucoup marqué. En fin de compte, cela m’a probablement aidé à
être une meilleure personne, mais en tant que pilote, j’ai perdu un
peu. Dans le cas de Marc, cela a été une question compliquée en
raison de la hâte de revenir au plus tôt et cela a déjà généré une
odyssée. J’espère qu’il pourra revenir le plus vite possible et
laisser ça dans le passé. »
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Raquel Jiménez Rodríguez
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