Bradley Smith est familier des paddocks depuis un bon
moment maintenant. Malheureusement, depuis de nombreuses
années, il peine à trouver une place stable dans une équipe
compétitive réalisant des piges pas toujours gratifiantes au vu du
talent du bonhomme. Comment cette descente aux enfers
s’explique t-elle ? Quel avenir pour le sympathique
anglais ?
À la 16e position du classement général à l’heure où ces lignes
sont écrites, Smith peine au guidon de son Aprilia. Qui pouvait
prédire un tel futur à ce battant, ce guerrier tant apprécié par
les fans au firmament de sa carrière. Petit retour dans le
passé, histoire de dresser le portrait du natif
d’Oxford.
Après des débuts tonitruants en championnat d’Espagne, Smith
rejoint le programme de développement Repsol. Poussé par Alberto
Puig lui-même, il fait son entrée en mondial 125cc en 2006 mais les
débuts sont très difficiles. Bradley n’a encore que 16 ans et se
met à développer sa plus grande force : Le
travail.
Smith n’est pas un talent naturel. Au fil des saisons, l’on peut
remarquer son évolution sur la moto trahissant un travail acharné.
Pour vous faire une idée, utilisons les chiffres. Il score
20 points en 2006, 101 en 2007. Le tout dans la même équipe.
Chapeau.
Le passage chez Aprilia Polaris en 2008 le libère : Il
inscrit 150 points cette saison, et joue le titre l’année
d’après. La bataille contre Julián Simón est âpre, mais
Smith ne se démonte pas. Il remporte sa première course à Jerez,
puis confirme au Mugello. Malgré tout, il n’arrive pas à atteindre
l’espagnol en mission. Ses 223,5 points inscrits n’ont pas suffit.
2010 devait être sienne mais avec 223 points, il termine seulement
quatrième.
En quatre ans, il est passé de 50 à 223 points en
une saison. À l’époque, Smith est considéré comme un pilote très
dur au mal, une vraie force de travail à l’anglaise. Il change de
catégorie et rejoint Tech3 pour 2011 et 2012, faisant les beaux
jours de l’équipe et de la Mistral 610.
La connexion avec Hervé Poncharal et ses équipes est presque
naturelle. Smith est l’archétype parfait du pilote Tech3 : Il colle
parfaitement à la philosophie de l’équipe borméenne. C’est tout
naturellement qu’il grimpe en MotoGP dans cette même équipe.
De cette collaboration découlera une histoire magnifique. Smith en
aura impressionné plus d’un, c’est certain. Au niveau du mental,
seuls quelques pilotes pouvaient rivaliser. Même blessé, l’anglais
était de la partie et difficile d’oublier sa blessure au doigt
absolument terrible. Il souffrait mais ne disait rien,
continuait de performer au plus haut niveau.
En 2013, Tech3 et ses motos noires faisaient peur à tout le
monde. Se fader le tandem britannique Crutchlow/Smith ne devait pas
être simple pour les adversaires, mais un duo sans doute génial à
gérer pour l’écurie. La régularité dont faisait preuve
Bradley Smith était ahurissante.
Il ne subit aucun abandon du Grand Prix d’Italie 2014 jusqu’au
Grand Prix de France 2016. D’ailleurs, grâce à 26 apparitions dans
les points consécutives – de Misano 2014 à Termas de Rio Hondo 2016
– il devance des pilotes comme Dani Pedrosa ou Jorge Lorenzo dans
cette statistique. Pour information, Valentino Rossi en
dénombre 28.
Mais n’est-ce pas finalement le problème avec Smith ?
N’est-il pas victime de sa régularité ? En
2016, les blessures et la fatigue eurent raison de sa saison, ce
qui précipita un transfert chez KTM. Smith n’avait connu qu’une
seule mauvaise saison dans sa carrière jusqu’ici.
L’équation est vite résolue. Smith n’est pas assez spectaculaire,
pas assez fantasque pour le MotoGP.
Malheureusement, on aura tendance à préférer des pilotes moins
réguliers mais capables de jouer des victoires que des acharnés de
travail comme Smith, qui eux se battent et se donnent à 100 %
chaque weekend de course.
Les deux saisons chez KTM furent extrêmement compliquées. Lui était
parfaitement adapté au pilotage de la Yamaha. Pas vraiment étonnant
qu’il ne put s’accommoder à cette machine bestiale et peu
stable.
Un détour par Aprilia pour tester, une saison en MotoE et nous
voilà dans le présent. La suite de sa carrière est incertaine et
cela doit jouer sur son mental d’acier. Finalement, son cas
est plutôt triste. Smith est un battant du milieu de grille, ne
parle pas pour ne rien dire et ne fait jamais de frasques.
On dirait bien que cela ne représente plus forcément des qualités
pour des équipes MotoGP. Sur le papier, un championnat de
passionnés tel que le British Superbike pourrait le relancer… Mais
un avenir fiable en MotoGP semble compromis.
Photo de couverture : Michelin Motorsport.