L’histoire de Honda n’est pas faite que de succès : au contraire, la firme de Tokyo a toujours revenir de cuisantes défaites. Une philosophie de son père fondateur qui peut faire son grand retour…
Par Alessio Piana de Corsedimoto
Pour des raisons religieuses et/ou symboliques, au Japon, la théorie de la boucle, des cycles répétitifs, est prise au sérieux dans de nombreux aspects de la vie quotidienne. L’expérience est destinée à se répéter indéfiniment. En motocyclisme, l’histoire de Honda pourrait offrir des preuves supplémentaires à l’appui de cette théorie. En fait, la course moto, c’est comme ça : des victoires et des défaites, des défaites et des victoires. L’important est de chérir les revers, afin de revenir plus fort. Une philosophie de Soichiro Honda qui pourrait réapparaître pour le projet Honda MotoGP. Une leçon du » Great Old Dreamer « , plus que jamais destinée à redevenir d’actualité.
Dans l’imaginaire collectif, Honda, en tant qu’entreprise et pour son engagement dans le sport, est comprise comme une puissance. Surtout en moto : quand le blason perd, c’est en fait un événement. En réalité, l’histoire de la maison de l’aile dorée nous mène à de nombreuses défaites. Des défaites saisissantes. De décennie en décennie, on oscille entre projets ratés et flops sensationnels. De ceux-ci, cependant, Soichiro-San a pu se relever, faisant de l’entreprise qui porte son nom cette marque que tout le monde connaît aujourd’hui.
En tant que visionnaire et rêveur, à ses débuts, Soichiro Honda a souvent commis l’erreur de se dépasser. En 1954, il annonce sa ferme intention d’amener son entreprise à concourir dans la course de motos la plus prestigieuse de l’époque, clairement le TT de l’Ile de Man. Il constate un écart technologique et de performance de ses motos par rapport aux missiles européens. Il est retourné dans sa patrie choqué et déçu. Il a avoué plus tard que c’était sa plus grande déception : il a réalisé, au contraire de ce qui avait été annoncé en grande pompe quelques semaines plus tôt, que Honda ne pouvait à ce moment-là rivaliser avec les réalités du Vieux Continent. Il a retroussé ses manches et plus tard sont venues les premières victoires. Après avoir appris la leçon.
Soichiro Honda : « il ne sert à rien de pleurer sur du lait renversé«
En termes de défaites, celles aux Courses d’Asama sont encore plus significatives. Au pied du célèbre volcan, les constructeurs japonais de motos se réunissaient tous les deux ans, mettant leur réputation en jeu pour remporter la course du Motorsport All Japan. Une réputation que Honda risquait sérieusement de perdre. En 1955, parmi les favoris annoncés après les succès de la Fuji Ascent Race avec la Honda Benlys, Yamaha, la division moto de Nippon Gakki née seulement 5 mois plus tôt (!), monopolise les 4 premières places. D’après les témoignages d’ingénieurs de l’époque, Soichiro est devenu rouge de honte.
Une situation relancée en 1957, lorsque lors de la seconde édition de l’Asama Volcano Race, Yamaha réitère ses succès en 125cc. Rien à faire pour Honda et pour Soichiro-San lui-même, témoin direct de cette nouvelle défaite, voyant la YA-1 filer en triomphe. Les histoires de l’époque nous parlent d’un « grand vieil homme » presque soumis, mais avec sa sagesse caractéristique qui l’amène à confier à ses ingénieurs qu’ « il ne sert à rien de pleurer sur du lait renversé » . Pour vous racheter, vous n’avez qu’à retrousser vos manches. En fait, ce succès pour Asama dans la catégorie 125cc est venu 2 ans plus tard, même s’il a failli subir un outrage. Yamaha n’était pas présent et le vainqueur était le « privé » Moto Kitano, et non les pilotes officiels Honda aux commandes des motos qui arrivaient directement du Isle of Man TT…
Vingt ans plus tard, Honda avait déjà tout gagné en moto, au point de prendre congé dans certains championnats pour « supériorité manifeste ». A cette époque, les RCB étaient imbattables dans le Championnat d’Europe d’Endurance de l’époque, remportant plusieurs titres, le Bol d’Or et les autres grandes classiques d’endurance. La naissance des 8 Heures de Suzuka 1978, entre autres organisées par ce grand ami et ex-pilote de Soichiro Honda qui répondait au nom de Teruyoshi Fujii et de sa TS (devenue plus tard TSR, l’actuelle équipe championne du monde EWC en titre), représentait une scène conviviale pour mettre en valeur le potentiel technique de vitesse de les RCB dans la mère patrie. Une course sur papier conçue comme un « podium triomphal », qui s’est soldé par l’une des plus lourdes défaites de tous les temps pour l’entreprise. Sous-estimant tellement l’engagement et la concurrence toutes les RCB se sont retirées. La Suzuki GS1000 de l’équipe de Hideo ‘ Pop ‘ Yoshimura, un ancien collaborateur de Honda, l’a emporté avant la querelle bien connue avec Soichiro-San qui lui a interdit de courir avec ses propres voitures et motos…
2022 a été une année dramatique pour Honda en termes de vitesse de piste en termes de résultats obtenus. Dernière place au classement des constructeurs en MotoGP et Superbike, avec l’équilibre compétitif sauvé par l’affirmation du titre mondial d’Endurance aux 8 heures de Suzuka ainsi que par les lauriers en Trial et Motocross MXGP. Ayant touché le fond, le « Big Old Dreamer » a su réagir. Capitaliser sur les leçons apprises. Après une telle année 2022, l’heure de la rédemption a sonné pour le HRC. Remontant peut-être aux origines, afin de donner suite aux propos tenus par Koji Watanabe (Président du HRC) lors de la présentation des programmes sportifs de la nouvelle année : « la saison MotoGP 2022 a été difficile et frustrante pour nous. Notre priorité absolue est de reconquérir le titre. » Avec l’espoir qu’effectivement, la théorie des boucles et des cycles répétitifs ne soit pas qu’une simple théorie…