Comme tous les lundis avant le Grand Prix de France, les pilotes français se sont rendus à la conférence de presse organisée par Claude Michy (PHA) en prélude à l’événement national de la MotoGP.
Crise sanitaire oblige, c’est comme l’année dernière par visioconférence que Sébastien Poirier (Président de la FFM), Pierre Fillon (ACO), Patrick François (Shark Helmets), Fabio Quartararo (Yamaha Monster Energy), Johann Zarco (Pramac Racing) et Lorenzo Fellon (SIC58 Squadra Corse) ont pu échanger et répondre aux questions transmises par les journalistes.
Voici la transcription intégrale et sans mise en forme de la conversation entre Claude Michy et Johann Zarco.
Claude Michy : J’ai lu que ça allait de plus en plus
vite depuis quelques années, et que la notion de physique, avec la
qualité des pneumatiques et des machines, était encore un peu plus
sévère et exigeante que lors des années précédentes. As-tu ce
sentiment ?
Johann Zarco : « Oui, je pense que le fait que le rythme de course varie à chaque fois de peu de dixièmes, c’est ça qui rend l’intensité plus élevée. Et comme les machines sont de plus en plus puissantes et que l’on peut freiner de plus en plus fort grâce à l’aérodynamisme, je pense que c’est ça qui use le corps. Clairement, si on est trop gringalet, on aurait du mal à tenir toute une saison en MotoGP. Sport où celui qui est le plus décontracté peut enquiller des tours presque sans se fatiguer. Le problème, c’est qu’on n’est pas tout le temps au maximum de l’aisance, et je pense que c’est là où le physique peut parfois aider à compenser des moments difficiles. S’il y a peut-être parfois des débuts de course où on peut aller très vite, et parce que le pneu s’use, on ne peut plus forcer sur la moto, la moto et les pneus n’en veulent plus, là, peut-être qu’avec le physique on souffre moins. Une course comme à Jerez, même si dans tous les cas les pneus s’usent, il y a peu d’écart entre le début et la fin de course et c’est ça qui met tout le monde un peu sous pression. »
C.M. : Johann est toujours le recordman du tour avec la pole qu’il a faite ici, mais par rapport à vos machines respectives et l’expérience vous avez du Bugatti, comment ressentez-vous ce Grand Prix qui arrive ?
J. Z. : « Moi j’ai connu deux motos. La première année, en 2017, j’ai été assez surpris de voir à quel point simplement en conduisant la moto, les chronos et le rythme étaient bons, et même à chaque fois ça allait de plus en plus vite à chaque tour. Mais sur la Ducati, au Mans, il y a souvent eu de bons résultats. En plus, il peut parfois y avoir une météo un peu capricieuse, et je pense que sous la pluie peu avoir un avantage avec la Ducati. Mais même sur le sec, par rapport à Jerez il y a moins de virages rapides, et donc un peu plus de ‘stop and go’, même si je n’aime pas trop dire ce mot-là. Peut-être pas pour une qualif pour faire le record du tour, mais en course c’est possible d’embêter les adversaires et vraiment d’utiliser les points forts de la Ducati. »
C.M. : Je pense que le doublé Ducati à Jerez a donné un moral d’acier à toute cette équipe. On sent une progression globale des machines et des pilotes : Penses-tu que Bagnaia, Miller, toi-même, sur ce type de tracé, c’est quelque chose qui peut être performant ?
J.Z. : « Oui, j’y crois beaucoup ! Je disais avant Jerez que si pour ma part j’étais en capacité de jouer le podium, ce serait de bon augure pour les Grands Prix qui suivent, en comptant aussi Le Mans, pas seulement Mugello et Barcelone. Je n’ai pas été sur le podium mais la course n’était quand même pas mauvaise. En revanche, avoir Miller et Bagnaia premier et deuxième, c’est plus qu’encourageant parce que, notre moto, j’ai envie de dire que c’est la meilleure ! En tout cas, il y a des apports techniques que d’autres équipes n’ont parfois pas, et aujourd’hui on dirait que, je ne veux pas dire des gadgets mais toute cette technique sur cette Ducati commence à payer. Et ça, c’est plutôt bon. Donc oui, moi j’espère que ça va bien se passer au Mans : il faut toujours partir positif ! C’est plus facile à dire qu’à faire, mais clairement on a affronté Jerez, donc ça peut bien se passer au Mans ! »
C.M. : Depuis l’an dernier, s’aperçoit que les écarts entre les 10 ou 12 premiers pilotes sont infimes. C’est ce qui donne la qualité du spectacle, mais pour vous, pilotes, deux dixièmes peuvent vous faire reculer beaucoup que ce que vous espérez. Est-ce que vous arrivez à maîtriser cette notion d’hyper compétition au niveau du chrono et supporter les conséquences d’une toute petite erreur ou d’un petit problème ?
J.Z. : « Si on n’arrivait pas à accepter que parfois, deux dixièmes ça nous fait perdre énormément de places, on s’énerverait tout le temps. C’est là où l’expérience sert quand même à prendre du recul pour analyser et se dire : « 2 dixièmes, t’as pas fait du mauvais boulot », et il faut accepter que les autres ont aussi le droit de performer. On ne peut pas dire « il n’y a que moi qui performe et les autres doivent tout le temps être derrière ». Donc si on a du mal à accepter que seulement deux dixièmes ça peut coûter très cher, à mon avis on n’arrive pas à rebondir pour le Grand Prix suivant. »
C.M. : Le Grand prix se déroulera à huis clos. Pour vous, qu’est-ce que ça change ?
J.Z. : « Est-ce qu’il faut faire une réponse à Benoît Paire au Tennis, ou plus… ? Non, Fabio a raison : Il y a deux choses. Le fait de pouvoir aller manger en marchant tranquillement dans le paddock, moi j’apprécie de prendre le temps de pouvoir marcher vraiment librement dans le paddock : Ça donne une qualité de vie, de pouvoir être là dans le moment et pas à chaque fois s’échapper en permanence, même si sans les fans on ne serait rien, et que quand il y a du monde qui demande des photos et des autographes, ça fait chaud au cœur. Ça, c’est vraiment dans le paddock. Ça nous permet aussi de faire moins d’événements, parce que souvent les weekends avec du public, le vendredi après-midi et le samedi après-midi après les essais, il faut courir en bas d’une tribune ou sur une scène pour pouvoir faire des interviews et rencontrer le public. On sent qu’on donne du plaisir et c’est important, mais là, d’autre part, de ne plus avoir ça, ça permet de rester vraiment bien focus dans son weekend, et si parfois il y a un peu plus à bosser, on a le temps pour ça, sans terminer tard le soir. Après, une ambiance quand on termine une qualif ou une course, pouvoir saluer le public, ça, ça manque. Parce que quel que soit le pays, voir des drapeaux français et des banderoles avec notre nom, on sent que les gens se sont déplacés pour ça, et ça, oui, ça manque, parce que c’était une vraie ambiance. »
C.M. : Voulez-vous rajouter quelque chose avant que l’on clôture ?
J.Z. : « Révisez bien la marseillaise ! Si on peut la refaire en chœur avec Fabio, je pense qu’il y aura moyen de s’éclater ! »