Gigi Dall’Igna est un personnage incontournable dans le paddock des Grands Prix puisqu’il est le Général en chef de l’armée rouge Ducati à présent redoutable et redoutée. Mais il ne se démarque pas seulement par sa fonction. Il détonne aussi par une personnalité froide d’aspect mais bouillante à l’intérieur. Il vaut mieux suivre ses indications et ses convictions car s’y opposer, c’est assurément perdre la partie à terme. Demandez au pourtant résilient Dovizioso. Il s’est heurté à plus têtu que lui. Un trait de caractère que celui qui est affectueusement surnommé « barbichette » par Johann Zarco revendique.
Les résultats parlent en sa faveur et rarement au terme d’une saison de MotoGP les indicateurs ont été autant au vert chez les rouges de Ducati. Le seul point noir est ce titre des pilotes encore raté, et ça dure depuis le dernier acquis en 2007. Mais le grand patron de la marque Ducati Claudio Domenicali ne fait pas la fine bouche : il est heureux de la tournure des événements et du travail de son responsable de la compétition.
Mais avant d’en arriver là, il a fallu travailler dur et soulever des montagnes. Une force que Gigi Dall’Igna a bien ancré en lui : « je suis têtu. Parfois cela m’amène à dépasser les limites, d’autres fois c’est un côté de moi qui représente une limite, car cela vous fait perdre du temps quand vous vous entêtez sur des choses qui ne sont objectivement pas justes », a-t-il déclaré sur MowMag. Un entêtement qui l’a aussi aidé à s’imposer à Borgo Panigale où l’on apprend que l’accueil a été assez froid… « Quand j’ai rejoint Ducati, j’étais probablement plus considéré comme un ennemi que comme un patron. Cela signifie que je peux bien gérer les gens, l’entreprise. C’est fondamental dans le MotoGP d’aujourd’hui ». On rappellera qu’avant, Dall’Igna avait le bonheur d’Aprilia.
Gigi a donc des convictions qui le poussent à encourager ses patrons à sortir des sentiers battus, à arpenter de nouveaux horizons. Mais derrière, il n’y a pas que des considérations stratégiques. Il y a aussi une philosophie de la vie. Une pensée qu’il décline en parlant du nouveau challenge de son constructeurs qui est le MotoE, et son idée de toujours, faire du Moto3…
Gigi Dall’Igna envie KTM et Honda
Il dit ainsi : « je pense que le MotoE est une opportunité intéressante et importante pour le développement de la moto. Cela représente un défi technologique compliqué, plus que le MotoGP du point de vue du raisonnement qu’il faut pour le faire bien fonctionner. Je ne pense qu’à l’aspect valorisation et gestion de l’énergie. Bref, il laisse place à l’imagination humaine pour trouver un espace pour donner de nouvelles formes à la pensée ». Tout un programme, en effet.
Mais il y a aussi ce Moto3 qui le titille : « c’est la chose la plus intelligente qu’un constructeur puisse faire. Participer dans les classes inférieures permet aux pilotes de grandir et d’avoir leur confiance. L’exemple est la chaîne d’approvisionnement de KTM, comme celle de Honda. Ils ont un privilège, ce serait très important pour Ducati. Et encore plus que le Moto2, je pense que la clé est le Moto3. C’est là que les pilotes sont bien compris. Les relations que j’ai eues avec Lorenzo, Bautista et d’autres, que j’ai eues depuis le début, sont irréprochables par la suite ».
L’idée de la filière est sous-jacente dans cette approche où KTM semble avoir un coup d’avance en structurant un incubateur de talents qui sont ensuite suivis tout au long de leur carrière. Là aussi, c’est un enjeu économique et stratégique fort. Un terrain où Ducati est absent. Mais la marque s’affirme actuellement comme ayant la meilleure moto. Elle inverse donc pour le moment le sens de l’offre et de la demande. En attendant, Gigi Dall’Igna a aussi les pieds sur terre en rappelant ce qui devra être fait en 2022 : « nous nous sentons maintenant bien préparés pour franchir le dernier pas et les attentes ne sont que grandes. Gagner le championnat du monde est difficile, mais nous mettrons tous notre âme pour ramener le titre des pilotes à Ducati, car il a manqué depuis trop longtemps. Il est désormais interdit de se tromper ».