Au vu des résultats actuels des troupes Ducati, on peut imaginer que leur général en chef Gigi Dall’Igna est à l’apogée de sa carrière. A ceux qui doutaient encore que la marque de Borgo Panigale a maintenant la main mise sur le MotoGP contemporain, la feuille de classement du dernier Grand Prix d’Allemagne les a rappelés à l’ordre, avec huit machines de Borgo Panigale dans les neufs premiers. Du jamais vu à ce niveau de la compétition. Seuls les deux autres constructeurs européens tentent de résister à la déferlante Desmosedici qui a submergé et dissous les deux marques japonaises autrefois dominantes. Mais tout ça n’est pas arrivé tout seul. Et il y a des causes au marasme de Yamaha et de Honda. Un éclairage que fait Gigi Dall’Igna.
Dans un entretien édifiant accordé à La Stampa et repris par GPOne, Gigi Dall’Igna fait un point de situation sur un MotoGP actuel qui ressemble beaucoup pour Ducati au champ de la victoire. Le temps où la marque italienne était raillée, y compris par les observateurs, pour ses ailettes devenues ailerons et autres trouvailles qui sortaient des sentiers battus par les marques japonaises supposées détenir à jamais la lumière, est révolu. Ducati, sous l’impulsion de Gigi Dall’Igna a réussi à changer le logiciel du MotoGP et a ouvert une voie inédite dans l’approche du développement d’une moto.
L’inventivité des uns et l’inertie des autres a donné ce résultat : « nous devons nous sentir satisfaits de ce que nous faisons. En ce moment, nous jouons ce rôle de Red Bull en Formule 1. J’ai dit à mes personnels qu’ils doivent être fiers de ce que nous faisons, car ce n’est pas normal d’obtenir des résultats comme ça. Cela arrive très rarement, surtout dans une catégorie aussi compétitive que le MotoGP ».
Gigi poursuit : « pour obtenir des résultats aussi extraordinaires, le mérite revient à tout le monde : les pilotes, les personnes qui travaillent à la maison, les équipes, le personnel Ducati sur la piste. Ils jouent tous à leur meilleur niveau, comme des champions ».
Gigi Dall’Igna : « ce que vous dit le meilleur pilote, le champion, n’est pas la vérité car son talent couvre les problèmes dont souffre la moto »
Mais ce que récolte actuellement Ducati sur la piste n’est pas seulement le fruit que la marque a semé et patiemment fait pousser dans sa démarche technique et son organisation générale. Sa moisson est aussi exacerbée par des collègues japonais qui, dans le même temps, ont tout laissé en friche. Et avec cette circonstance aggravante que ne manque pas de souligner Gigi Dall’Igna…
L’Italien identifie ainsi clairement la grande faute de Yamaha et de Honda : « leur erreur stratégique a été de suivre un seul pilote, de baser le développement de leurs motos sur les résultats et les sensations de leur champion, donc Fabio Quartararo pour Yamaha et Marc Marquez pour Honda ». Et il explique : « souvent, ce que vous dit le meilleur pilote, le champion, n’est pas la vérité car son talent couvre les problèmes dont souffre la moto. Paradoxalement, pour bien développer un projet, il faut écouter toutes les voix, tous les pilotes ».
Certes, mais à l’heure des comptes dans un championnat, c’est bel et bien un seul pilote qui rafle la mise. Comment va gérer Gigi Dall’Igna cette situation qui pourrait donner un coup de canif au grand esprit de famille actuellement en vigueur chez Ducati ? Une question qui ouvre la réflexion sur les fameuses consignes d’équipe : « j’aime tous mes pilotes et je souhaite qu’ils aient tous la satisfaction qu’ils méritent, mais il est clair qu’à la fin de l’année, un seul sera champion » reconnait Gigi.
Alors, la règle jusque-là sera celle-ci : « l’important, c’est que ce soit un défi juste et équitable, c’est ce qui m’intéresse le plus. Si l’un de nos pilotes se bat pour le championnat contre un adversaire d’une autre marque, nous essaierons de tout faire pour l’aider. Si, en revanche, nous arrivons à la fin de l’année dans une situation similaire à celle actuelle, chacun des pilotes Ducati aura la liberté de jouer ses cartes ». Chiche !