Fabio Quartararo n’aura pas réussi à finir sur le podium devant son public au Mans, en dépit d’un rythme de course qui pouvait, sur le papier tout du moins, lui laisser espérer de finir plus haut. Mais le pilote Yamaha a manqué son départ, et l’a payé tout au long des 27 tours de ce GP de France, dans l’impossibilité de dépasser, notamment un Aleix Espargaró particulièrement tenace en fin de parcours.
Le Niçois, toujours leader du championnat à l’issue de cette septième manche de la saison, est revenu sur sa prestation après la course en répondant aux questions des journalistes. Nous vous retranscrivons ici l’intégralité de ses propos, dont la seconde partie, en tutoiement, correspond aux questions formulées par les médias français.
Fabio, vous avez passé la
dernière partie de la course derrière Aleix Espargaró, sans
toutefois parvenir à le dépasser. Était-ce en raison de l’état de
votre pneu avant, ou bien de sa meilleure accélération en sortie de
virage ?
« Ce qu’il faut dire d’emblée, c’est qu’Aleix a été rapide
toute la course. Je ne pouvais tout simplement pas le doubler, mais
cela n’a pas uniquement concerné que les derniers tours, mais la
course dans son ensemble. Nous n’avons pas été en mesure de
dépasser, et nous ne devons notre position finale qu’aux erreurs
des autres pilotes. Il y a eu trois chutes devant moi, et Marc
Márquez est parti large à un moment ce qui m’a donné l’opportunité
de le dépasser. Dans les faits je n’ai procédé à aucun dépassement
de mon propre chef sur cette course. J’étais bien dans les virages
3 et 9, mais dans les lignes droites je perdais vraiment trop de
temps. Le problème est que dès que vous faîtes une erreur au
départ, votre course est terminée. »
Quelles ont été vos
sensations en course aujourd’hui ?
« Mes
sensations aujourd’hui n’ont pas été trop mauvaises, mais elles
n’ont pas été bonnes pour autant. Aujourd’hui j’aurais pu être bien
plus rapide en termes de rythme, mais je n’avais aucune possibilité
pour dépasser. Quand Joan Mir est parti à la faute dans le dernier
virage, Aleix a bloqué un peu l’avant et j’ai pu de suite recoller.
Mais le fait est que je perdais plusieurs mètres en ligne droite,
et ça je ne peux pas le récupérer en virage. Ce circuit est composé
pour sa majeure partie de phases de freinage puis d’accélération,
et c’est pour cette raison que je n’étais pas en capacité de
dépasser. »
Ne pensez-vous pas que cela
soit lié au fait que tous les pilotes sont très agressifs au départ
et dans les premiers tours ?
« Pas du tout. Tout
le monde est agressif dans le premier tour car tout le monde veut
pointer en première position. Mais sur certaines pistes nous sommes
capables de doubler, mais ici ce ne fut pas le cas. »
Etes-vous satisfait de votre
résultat du jour, ou bien juste chanceux d’avoir pu bénéficier des
aléas de la course devant vous ?
« Je ne suis pas
du tout content de ma course. J’ai eu trois chutes devant moi, et
ma position réelle est en fait bien plus en retrait. Ce n’est pas
une question de rythme, car si vous regardez les essais libres nous
avions le meilleur ici, mais durant l’épreuve si vous êtes dans une
position où vous n’êtes pas en mesure de dépasser ou de bénéficier
d’une piste dégagée devant vous, c’est fini. En fait je ne suis
même pas en colère, car c’est une situation à laquelle je commence
à m’habituer cette année. Ce qui est certain c’est que je me donne
toujours à 100%, et il n’y a pas un moment où je ne suis pas à
fond. En fin de course j’ai failli perdre l’avant dans un virage et
Aleix a pu reprendre une demi-seconde, mais en l’espace d’une
poignée de virages j’ai réussi à résorber ce retard, donc en termes
de vitesse nous étions très rapides, mais ce n’était tout
simplement pas possible de dépasser. »
Vous êtes toujours en tête
du championnat du monde des pilotes, mais Aleix n’est plus qu’à
quatre points, alors qu’Enea Bastianini est bien remonté
aujourd’hui grâce à sa victoire, et ne figure qu’à huit unités de
vous. Qui considérez-vous comme votre principal adversaire pour la
suite de la saison ?
« Je dirais Pecco Bagnaia,
car il a été encore une fois le plus rapide ici, et s’il n’avait
pas chuté la situation serait toute autre. Je peux citer également
Enea, car c’est le seul gars à avoir remporté plus d’une course
cette année. C’est l’homme fort du moment, même s’il rencontre des
difficultés sur certaines courses. Il reste tout de même le pilote
le plus régulier aux avant-postes. Quand il a le bon rythme, il
peut gérer ses pneus à la perfection et obtenir le meilleur
résultat possible. »
Pensez-vous qu’avec vos
problèmes pour dépasser vous êtes toujours le favori pour le titre
?
« Je ne suis vraiment pas le favori. La chose
seule que je puisse faire, c’est ne pas faire d’erreur. Si je n’en
fais aucune, on peut être dans le coup, car notre rythme est bon
sur tous les circuits où nous nous rendons. Si vous prenez Jerez
j’étais le plus rapide avec Pecco, et même chose ici, mais le fait
est que dès que vous commettez la moindre petite erreur, vous le
payez très cher. Je me souviens que l’an dernier Pecco s’était
qualifié en 11e position lors de la première épreuve disputée à
Portimão, et il avait été en mesure de réaliser plusieurs
dépassements [le pilote Ducati avait alors fini à la deuxième place
en course], et lors de la seconde course courue l’an dernier au
Portugal j’étais dans la même situation, et je n’avais pas réussi à
remonter [sic, Quartararo s’était qualifié en septième position au
GP d’Algarve, et avait chuté en course]. Franchement je ne sais pas
ce que je peux faire de plus, car je suis à la limite partout, mais
je ne peux rien faire car dès que les autres remettent les gaz en
sortie de virage ils s’échappent. C’est pour cette raison que je ne
me considère pas comme le favori cette année. »
Avez-vous donc rencontré des
problèmes de pression au niveau du pneu avant en course
?
« Un peu, mais cela n’a pas été un gros souci.
J’ai bien senti que la pression avait augmenté, mais c’est une
piste où cela ne représente pas un gros problème. Si je n’ai pas pu
dépasser, cela n’était pas à cause de la pression de mon pneu
avant. »
On te sent frustré, tu as eu
des difficultés à faire la différence aujourd’hui avec ta moto
?
« Ce n’est pas une question de faire la
différence, mais plutôt de réussir à se créer des opportunités de
dépassement. Par exemple Takaaki Nakagami m’a passé dans la ligne
droite et j’ai pu de suite le reprendre dans le troisième virage,
mais c’est parce qu’il venait tout juste de me passer et que
j’étais vraiment juste derrière lui. Mais dès qu’un pilote se
retrouve à cinq ou dix mètres devant moi, c’est impossible de
tenter quelque chose car tout le monde freine tard. On est dans le
championnat du monde MotoGP, et on ne peut pas faire beaucoup
plus. »
Quel est ton état d’esprit à
l’issue de cette course ? Une très grosse déception ?
« Je ne peux pas dire cela, car nous avons été les plus rapides
durant tout le weekend, mais le fait est qu’il ne suffit que d’une
petite erreur pour gâcher ton résultat final en course. C’est plus
de la frustration qu’une déception, car au final je ne suis même
pas énervé car c’est une situation à laquelle je suis en train de
m’habituer : je m’habitue au fait de ne pas avoir le droit à
l’erreur. C’est autant d’expérience prise, et bien sûr ce ne sont
pas de bons moments à passer, mais c’est comme ça et il va falloir
être plus fort. »
On a vu effectivement qu’ici
tu as été le plus rapide durant la course. Est-ce à dire que 50% du
résultat à l’arrivée se joue au départ, et que si tu n’es pas
devant d’entrée de jeu tu ne peux rien espérer de concret sous le
drapeau à damier ?
« C’est très compliqué. Je
dirais que pour certains pilotes c’est du 50-50, mais pour moi
c’est plus du 90-10. Je n’ai pas le droit à l’erreur au départ, on
l’a d’ailleurs bien vu aujourd’hui : j’ai certes fini quatrième,
mais trois pilotes devant moi sont tombés, et Marc Márquez a fait
une erreur devant moi. Mon résultat intrinsèque est donc plus
proche d’une huitième position. C’est très difficile pour nous de
faire un dépassement, et je n’en ai pas fait un de toute la course,
et je dirais même que je n’arrive pas à m’amuser en course, je ne
parviens pas à retrouver le plaisir que je peux éprouver lors des
essais. »
Que s’est-il passé au départ
?
« Aucune idée, je ne sais pas. Bien sûr avec le
holeshot device on n’a pas pu partir comme d’habitude sur l’avant,
mais pour autant je n’ai pas eu la sensation d’avoir manqué mon
départ. »
Les deux circuits qui
arrivent [le Mugello et la Catalogne] sont plutôt des circuits
rapides, et par conséquent favorables aux Ducati. Mais il ne faut
pas non plus exclure Yamaha si on se fie aux résultats de l’an
dernier, où tu as gagné en Italie et longtemps joué la gagne en
Espagne. Finalement est-ce plus compliqué pour toi sur des circuits
typés stop-and-go comme ici au Mans, ou plutôt sur des tracés comme
Barcelone ?
« Au Mugello cela va être dur, car
l’année dernière c’était une autre situation. Il va falloir faire
une qualification de fou, mais je sais que les Ducati ont fait un
grand pas en avant. Je sais aussi que là-bas j’arrive souvent à
faire la différence et que je suis très rapide sur ce circuit,
l’idée va donc être de faire de très bonnes qualifications, un très
bon départ et un très bon premier tour. Il ne faudra faire aucune
erreur. A Barcelone je pense que cela sera un peu mieux car c’est
un circuit un peu plus technique avec un peu plus de virages. Le
grip n’y est certes pas exceptionnel, mais il y a aussi une forte
dégradation des pneus, donc on ne peut de toute façon pas profiter
pleinement de l’adhérence à notre disposition durant toute la
course. »
Les seules satisfactions du
weekend ce sont finalement l’accueil du public français, comme
toujours exceptionnel, ainsi que ton classement au championnat, où
tu occupes toujours la première place…
« Je ne
sais même pas comment j’arrive à me maintenir en tête du
classement, car on a vraiment des difficultés. C’est vrai que le
plus beau ce weekend était de voir tous ces fans présents dès le
jeudi, de les voir vraiment nous soutenir. »