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Enea Bastianini est grand. Rarement une victoire avait été si émouvante, si pleine de sens, si intense. Retour sur ce qui trône déjà comme l’un des exploits de l’année.

Sous les projecteurs de Lusail, « Bestia » a délivré un chef d’œuvre. Lors des qualifications, la Ducati Desmosedici pack 2021 frappée du n°23 franchit la ligne en deuxième place. Une position inattendue qui ouvrait le champ des possibles pour le lendemain.

Dès l’extinction des feux, Enea joue devant et profite de la mauvaise entame de course des autres Ducati. Pol Espargaró, solide leader équipé de pneus soft, mène la danse. Après de nombreux visionnages, le calme et la précision de Bastianini saute aux yeux. Sachant pertinemment que les pneus allaient jouer un rôle majeur pendant la course (Livio Suppo avait vu juste avant le départ), Enea fit preuve d’une grande sérénité, ne précipitant aucun dépassement inutile et gardant la Honda de tête en ligne de mire.

« Masterclass ». Photo : Michelin Motorsport


Cette attitude fait presque peur. Aucun sursaut d’orgueil même quand ce dernier était chahuté, le sang glacé. Un chiffre mérite d’être mentionné : 15,5 secondes. C’est l’écart entre le chrono final de « Bestia », non équipé des dernières avancées made in Borgo Panigale, et celui de Maverick Viñales, vainqueur lors de la manche d’ouverture l’an dernier. Ceci représente un bénéfice de plus d’une seconde par tour (!) par rapport à son propre chrono final de l’an dernier. La progression est stratosphérique.

Certes, ces statistiques sont à prendre avec des pincettes, car la connaissance du matériel et l’acquisition de données augmente d’années en années. Cependant, le delta d’un autre pilote Ducati, en l’occurrence Johann Zarco, n’est pas si important (six secondes de moins que l’an passé), c’est donc significatif.

Cela signifie deux choses simples : Enea a roulé vite, longtemps. Auteur du meilleur tour en course, sa victoire est révélatrice d’un grand talent couplé à une intelligence de course hors pair. Au moment de franchir la ligne, les émotions du team Gresini gagnent bientôt tout le paddock.

Doigt pointé vers le ciel, Enea rend le plus bel hommage possible à Fausto, disparu tragiquement des suites de la Covid-19 en 2021. Nadia Padovani et toute l’équipe peuvent être fiers d’avoir dans leurs rang un tel guerrier, si combatif et charismatique.

Pour l’éternité. Photo Michelin Motorsport


Après son sacre Moto2, certains de ses commentaires concernant Valentino Rossi et Marc Márquez avaient attisé la haine de quelques spectateurs. Si l’on pouvait lui reprocher un excès de confiance (sur le compte de la jeunesse et du moment), il faut admettre que cette victoire est l’œuvre d’un grand pilote qui a réalisé une entame de saison exceptionnelle, pas juste 22 tours.

S’il est essentiel de conserver une certaine mesure dans nos analyses, ce qui est écrit est écrit. Personne ne pourra enlever à « Bestia » l’une des performances les plus significatives de l’ère MotoGP, tout là-haut avec Jorge Lorenzo à Assen en 2013 ou Valentino Rossi sur ce même tracé en 2017. N’y voyez pas là une « enflammade journalistique », mais simplement des faits liés à un contexte particulier qu’il ne faudra jamais oublier, et qui donne toute la saveur à notre sport.

Fausto aurait été fier de voir une si grande performance. Le dernier succès de l’équipe en MotoGP remontait à la démonstration de Toni Elías sur le sol portugais en 2006 ; autre performance légendaire, autre époque. Encore une fois, félicitations à Enea et même si quelques uns ont pu douter de lui (dont l’auteur de cet article), il est l’heure de revoir ses prédictions, ravaler sa fierté et rendre hommage à une victoire XXL.

Énorme. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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