C’est une idée qui en dit long sur la crise à la fois technique et politique que traverse actuellement Yamaha. Elle se révélerait de fait si profonde qu’elle serait assurément durable puisque, en raison du gel des développements majeurs, et notamment sur le moteur, décidés jusqu’en 2022 en raison d’une crise sanitaire qui est aussi économique, les motos ne devraient pas fondamentalement changer jusqu’à cette échéance. Une impasse qui engendrerait comme une panique. Du genre, pour Fabio Quartararo, à réclamer la M1 2019 pour 2021…
Il y a un an, toutes les planètes semblaient aligner pour Fabio Quartararo. Révélation de l’année, abonné aux meilleures places à chaque qualification, il était le poison de Marc Marquez et Yamaha lui ouvrait en grand les portes du team usine. Comme de la meilleure version de sa M1. Une ascension qui connait aujourd’hui une panne, comme les moteurs Yamaha. La gestion de ces derniers a attiré des ennuis au constructeur qui a été sanctionné. Pendant ce temps, les résultats erratiques n’ont pas été suffisants pour contrer la régularité des Suzuki, Joan Mir en tête, avec une GSX-RR adoptant également le quatre cylindres en ligne.
Fabio Quartararo a beau revendiquer trois probantes victoires, il est loin de ses sept podiums de la saison précédente. Pire, il ne peut présenter qu’un seul top 5 au bilan des 12 courses disputées, en sortant ses trois réalisations de son bilan. Une irrégularité rédhibitoire et d’autant plus inquiétante qu’elle s’explique aussi par la technique. Chez Yamaha, on n’y est plus et au vu des marges de manœuvre réglementaires accordées, tout porte à croire que les soucis rencontrés ne seront que superficiellement résolus en 2021.
Une conjoncture dont Fabio Quartararo aurait pris conscience. On rappellera qu’il sera sous les couleurs officielles Yamaha avec Maverick Viñales l’an prochain. De quoi être assuré d’une moto de toute dernière génération. Mais, étonnamment, le Français en pincerait plus, en 2021, pour une M1… de 2019.
C’est Autosport qui cite ainsi celui qui, ce week-end à Valence, va devoir défendre sa seconde place au championnat avant de penser à retrouver la première… « Je suis inquiet. Je veux voir si nous pouvons utiliser la moto de l’année dernière, envisager si c’est possible ou si nous devons garder exactement la même que cette année », a déclaré Quartararo, sur la question du gel du moteur.
« Nous devons changer notre façon de travailler avec Yamaha »
« Mais ce qui est certain, c’est que nous devons changer beaucoup de choses dans notre façon de travailler, pas vraiment dans l’équipe mais en général avec Yamaha » ajoute le tricolore, révélant ainsi un malaise profond. On notera que Franco Morbidelli, le coéquipier de Quartararo dans l’équipe Petronas SRT, pilote actuellement ce qui est essentiellement la M1 2019. Il a remporté deux courses sur celle-ci et il a marqué plus de points de tous les pilotes Yamaha depuis le Grand Prix de Saint-Marin.
Mieux, Quartararo a admis dimanche dernier que la M1 2020 n’avait jamais donné l’impression d’être sa moto dès ses premiers tours de roues lors des essais : « en fait, mes premiers tours avec la M1 2020 sur le sec, je n’avais pas vraiment l’impression que c’était ma moto. Comme je l’ai dit, la M1 2020 a beaucoup changé par rapport à l’année dernière » a-t-il déclaré. « Quand la moto est directement bonne dès la FP1, nous faisons de petits changements et tout est parfait. Mais quand vous démarrez et que c’est difficile, vous êtes perdu ».
Voilà qui a de quoi inquiéter pour la suite des événements, non seulement pour ceux concernant l’épilogue de cette campagne, mais aussi l’entame de la suivante. Comment Yamaha va-t-il considérer la requête de son futur pilote dans le team usine ? Nonobstant les considérations réglementaires, il y a aussi des questions politiques à rebrousser ainsi ce chemin. Dans tous les cas, on ne regarde pas vers le bon sens, qui se trouve devant, et non derrière…