Lorsque Ducati est arrivé en MotoGP, les constructeurs japonais, qui étaient alors dominants, ont considéré la marque italienne comme un faire-valoir dont le seul intérêt était d’apporter une touche d’exotisme au plateau. Mais pour la compétition proprement dite, les gens sérieux venaient du pays du soleil levant. En 2022, les mêmes vivent leur crépuscule tandis que l’aube rouge se lève avec une Desmosedici qui ne cesse d’étonner par des innovations permises par le règlement mais auxquelles personne n’avait pensé. Une fessée qui n’est pas subie de bonne grâce et au sein de l’association des constructeurs MSMA, on s’est ligué contre cet homologue devenu encombrant. Gigi Dall’Igna confirme avec cette mise au point édifiante…
Ducati a-t-il le tort d’être un trop bon élève dans une classe où il ne fait pas bon bousculer une hiérarchie dont le mérite ne détermine pas seulement le classement ? Car le poids financier, économique et politique compte aussi. On rappellera pour ce qui va suivre que le règlement n’impose aucunement les ailerons et autres dispositifs d’aide à l’envol et autres correcteurs d’assiette. Ce qui veut dire, pour ceux qui se s’affirment actuellement heurtés par leur existence, qu’ils peuvent absolument s’en passer. Malheureusement pour eux, le même règlement autorise à travailler sur ces éléments, à y investir, à les mettre au point, et à en faire des opportunités pour être plus performant.
Si l’on est un tant soi peu honnête avec soi-même, on reconnait que l’adversaire a bien œuvré et on assume ses choix. Au lieu de ça, en MotoGP, les perdants réclament de changer les règles qui doivent ainsi correspondre à leur vision et effacer les défaites subies. Quant à faire référence à la moto de série à satiété, on rappellera que le MotoGP est une affaire de prototype. Une belle compétition est réservée aux machines issues de la production et elle s’appelle le WSBK Superbike.
Cela étant posé, Ducati se retrouve dans cette MSMA face à cinq autres constructeurs qui l’ont joué façon « bande organisée » pour signaler que le Front Ride Height Device était l’innovation de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase mais aussi l’initiative qui a mis le feu aux poudres. Car la marque italienne n’a pas chômé depuis que Gigi Dall’Igna s’est mis en tête de la faire progresser. Son œuvre, il peut la contempler en 2022. Lors des onze premières courses, Enea Bastianini a remporté trois victoires, Pecco Bagnaia autant, presque tous les pilotes à l’exception de Marini et Di Giannantonio, équipés de sa moto sont montés sur le podium au moins une fois, et huit pole positions sont recensées au total. Certes, c’est un Fabio Quartararo avec une Yamaha qui mène le championnat. Mais il s’agit d’abord d’un exploit individuel comme le faisait Marc Marquez du temps de sa splendeur chez Honda. Le surdoué parti, on sait ce qui se passe, et ça ne se passera pas chez Ducati…
Ducati : « ce n’est pas juste que le dispositif FRHD soit interdit après 2022«
Alors, le blason de Borgo Panigale qui est bien moins grand que ses adversaires sur le marché de la moto, ne fait plus rire les honorables états-majors. Il est temps de le faire rentrer dans le rang et la première offensive d’envergure a été cette interdiction du FRHD en vue de 2023. Ceci alors que le règlement actuel l’autorise, tandis que la détermination des éléments qui motiveront son bannissement sont en cours d’élaboration. Mais la décision est déjà prise. Depuis, en MotoGP, on sait que la frappe préventive y est aussi possible.
Une action qui a son corollaire : la mise à l’écart politique. Sur Speedweek, Gigi Dall’Igna révèle : « les relations avec les autres constructeurs se sont beaucoup améliorées pendant la pandémie. À l’époque, nous discutions beaucoup ensemble lors de réunions en distanciel. Grâce à ces discussions, nous avons trouvé de bonnes idées pour le championnat ». Et puis la saison 2022 est arrivée : « mais depuis que nous avons commencé à utiliser le Front Ride Height Device, il est devenu difficile de maintenir une bonne relation au sein de la MSMA ».
Gigi Dall’Igna le regrette : « je ne peux pas déterminer les règlements moi-même ou seul. Je ne peux qu’essayer de comprendre les règlements et faire les choses qui sont permises ». Et comme ces innovations sont permises, il y a un sentiment d’injustice qui commence à monter en puissance : « ce n’est pas juste que le dispositif FRHD soit interdit après 2022. Mais quand tout le monde est contre moi, j’ai les mains liées ». Et il termine : « je ne peux rien faire, j’ai dû accepter ce changement ». Alors que Ducati n’a jamais enfreint aucun règlement.
On notera que depuis que le coup d’état du FRHD a réussi, ceux qui l’ont fomenté portent à présent l’estocade sur les ailerons. Mais Carmelo Ezpeleta, patron de Dorna, a apparemment sifflé la fin de la récréation en rappelant que le règlement restera tel qu’il est jusqu’en 2027, comme cela été convenu par tous les constructeurs à l’époque de son adoption.