Jorge Martin a tort lorsqu’il dit à la veille d’une course de MotoGP que Pecco Bagnaia est un pilote comme un autre. Entendez par là que l’Espagnol ne prêtera pas cas à son statut de pilote d’usine Ducati, auquel il prétend, lorsqu’il faudra l’attaquer pour une place de mieux au classement. On rappellera que l’on parle aussi ici de la meilleure carte de la marque pour la conquête du titre pilote. Jorge Martin doit se fait une raison : il lui faut rester à distance de l’Italien que les derniers discours du staff de Borgo Panigale ont clairement identifié comme l’intouchable au sein du clan des Desmosedici. Il y est même chouchouté ostentatoirement, la preuve…
Ducati a compris que son pilote désigné favori pour le titre en entame de saison, en raison de la bonne fin de parcours durant la campagne écoulée, qui l’a positionné vice-champion du monde, était aussi un précipité instable. En effet, sa première mi-temps a été faite d’autant d’erreurs que d’exploits et il est symptomatique de constater que, dans une compétition où on loue la régularité, l’Italien n’affiche que des victoires ou des abandons.
Nerveusement, il faut le gérer. Depuis la rentrée, cela semble être fait chez Ducati. Pecco Bagnaia a aussi travaillé sur lui-même en s’installant dans une sorte de déni général. Ainsi, lorsqu’il gagne et remonte au classement provisoire, il fait le sourd, écartant avec autorité toute question sur un possible titre mondial. On notera aussi que lorsqu’il concrétise, ce n’est pratiquement jamais de son fait. Il n’a mis en pratique que les conseils de ses prestigieux ainés que sont Casey Stoner et Valentino Rossi qui vont finir par croire qu’ils poursuivent leur carrière par procuration… Mais c’est sa façon d’échapper à la pression.
Au sein de l’équipe, on ne veut pas plus faire de vagues. C’est dire si, au passage, le discours martial de Jorge Martin a dû agacer chez les rouges. Pecco Bagnaia a besoin de calme, de confiance et de dévouement, son futur équipier devra s’en souvenir et bien regarder ce que fait actuellement Jack Miller à son service… Dans le box, le discours à son égard est toujours flatteur. A l’instar de son chef mécanicien Cristian Gabarrini qui a aussi été celui d’un certain Casey Stoner…
« Je pense que Pecco Bagnaia a atteint une grande maturité, en plus de la vitesse, qui n’a jamais fait de doute »
Sur GPOne, on lit ainsi ses éloges : « je pense que Pecco a atteint une grande maturité, en plus de la vitesse, qui n’a jamais fait de doute ». Il ajoute : « à Silverstone et en Autriche, il a été en mesure de gérer la situation de la meilleure façon possible avec les pneus et avec le package technique, en évitant les erreurs. J’ai été surpris qu’il se soit immédiatement porté en tête, car c’était la chose la plus risquée ». Et il termine : « c’est une nouvelle confirmation de l’atteinte d’une maturité compétitive remarquable ».
Voilà pour la situation présente, mais il y a aussi le sentiment de légitimité qui est le ciment de toute confiance en soi. Et Gabarrini la lui donne en l’identifiant comme le nouveau Casey Stoner de Ducati : « Pecco et Casey sont différents en termes de pilotage, ainsi que de gestion des problèmes. Cependant, ce sont deux talents incroyables, bien que issus de réalités différentes, unis par l’harmonie avec l’équipe. Même pour Stoner, Ducati était une sorte de deuxième famille et c’est bien, car dans les moments difficiles, cet aspect aide beaucoup. Je pense que c’est très appréciable ».
Certes, mais Casey Stoner s’est tout de même fait tout seul en venant de sa lointaine Australie et il n’avait pas une académie avec un illustre mentor derrière lui, pas plus que sa sœur dans le staff… Mais qu’importe, Pecco Bagnaia a besoin de ces discours et de cette ambiance autour de lui qui le met dans une certaine bulle. Cela le rendra-t-il suffisamment fort lorsque l’heure de vérité viendra ? Car en face, il y a un sacré client… « Il faut devancer Fabio Quartararo dans toutes les courses. Rien ne change, il faut toujours y croire, comme lorsqu’il y avait 91 points de retard. Tant que l’arithmétique ne nous exclut pas, il faut essayer » termine le chef mécanicien.