Alors que la saison 2022 approche désormais à grands pas, la première manche étant prévue à présent dans moins de deux semaines au Qatar, Shinichi Sahara, le responsable du projet MotoGP de Suzuki, a répondu aux questions des journalistes.
Parmi les sujets abordés : la recherche d’un nouveau team manager, le développement de la nouvelle Suzuki, les négociations autour des futurs contrats des pilotes, les problèmes récurrents de l’équipe en matière de qualifications, ou bien encore l’arlésienne du lancement d’une équipe satellite.
Nous retranscrivons ici l’intégralité de ses propos sans la moindre mise en forme.
Shinichi, Suzuki est à la
recherche d’un nouveau team manager. Pouvez-vous nous en dire plus
sur l’identité de votre futur remplaçant ?
«
Je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet car tout est encore
en discussions. Cela prend plus de temps que ce que j’escomptais,
mais nous ne sommes pas en panique. Tout est sous contrôle au
niveau du management du team. Mais pour le moment nous préférons
garder la confidentialité sur ces tractations, mais nous ferons
bien sûr toutes les annonces nécessaires auprès de nos fans et de
nos partenaires en temps voulu. Je ne souhaite donc pas m’exprimer
sur ce sujet tant que rien n’a été clairement décidé. »
Vous êtes à la recherche d’un team manager,
et d’un autre côté vous êtes en négociations avec vos pilotes. Vous
ne disposez pas d’une personne dont le rôle serait de s’occuper de
ça. Est-ce que cela rend les choses plus difficiles pour vous et
Suzuki ?
« Les pilotes et moi nous échangeons
régulièrement des informations. Il nous arrive parfois, et pas
qu’en ce moment, de parler du futur entre nous. Cela arrive pour
ainsi dire toutes les semaines, et je dois dire que c’est quelque
chose d’assez normal pour moi. Par le passé nous avions notre
ancien team manager, Davide Brivio, qui avait pour habitude de
négocier directement avec les pilotes dans le cadre des contrats.
Dans mon cas, je me concentre essentiellement dans le fait de
fournir aux pilotes une moto compétitive, car notre objectif
premier est de nous battre de nouveau pour le championnat.
»
« Je me concentre essentiellement dans le fait de fournir aux pilotes une moto compétitive »
Est-ce que le front device
installé sur la Suzuki apporte désormais toute
satisfaction ?
« Ce système ne fonctionne que
lors des départs nous concernant, et nous ne pouvons pas l’utiliser
lors des runs de nos pilotes. Nous ne prévoyons pas d’évolutions le
concernant, en tout cas pas pour cette année. »
Avez-vous une date limite
pour confirmer ou infirmer la composition de votre line up pour la
saison prochaine ? Vous allez peut-être attendre de voir leurs
performances cette saison et de vous faire une idée sur le niveau
de forme des autres concurrents ?
« Je ne me suis
pas fixé de date limite. Comme je vous l’ai dit nous continuons de
nous parler régulièrement, mais il n’est pas encore l’heure de
prendre une décision. Je pense d’ailleurs qu’une décision
n’interviendra pas avant cet été. »
« Aucune décision ne sera prise pour les pilotes avant l’été »
Par le passé vous avez été
en charge du développement des motos de tourisme. Chez les autres
constructeurs présents en MotoGP, on a pu voir de nombreuses
innovations techniques être implantées sur les motos de course
avant d’être déclinées sur les motos de série, hormis chez Suzuki.
Est-ce qu’il y a des technologies que vous souhaiteriez voir
transférer de vos machines engagées en MotoGP sur celles destinées
au grand public ?
« Par le passé, quand je
travaillais en effet sur les motos de série, j’ai en effet pu
assurer le transfert de technologie entre le monde de la
compétition et celui du tourisme, notamment sur la GSX-R1000. Cette
moto avait beaucoup de systèmes similaires à ceux présents en
MotoGP. Mais en ce qui concerne le futur, et comme vous le savez,
la Dorna souhaite renforcer l’aspect durable en rendant la
discipline neutre sur le plan carbone. Chez Suzuki nous voulons
donc devenir des leaders au niveau des nouvelles technologies qui
vont être créées afin de pouvoir ensuite faire des ponts avec les
motos de série dans ce domaine. »
Etes-vous satisfait des
essais officiels que Suzuki a menés ce mois-ci ?
« Je suis très optimiste quant aux résultats de ces essais, car
nous avons pu constater des progrès significatifs. Mais nous savons
pertinemment qu’il est trop tôt pour se réjouir. Les progrès ont
surtout porté sur de nouveaux items au niveau du châssis ainsi que
sur la puissance du moteur, qui affiche désormais plus de chevaux.
Ce qui a été très positif, c’est que la direction prise pour le
développement de la moto s’avère correcte compte tenu des résultats
de ces essais, donc cela nous incite à aller encore plus loin sur
ce point. »
« La direction prise au niveau du développement de la moto s’avère correcte compte tenu des résultats des essais »
Pensez-vous que le front
device soit un dispositif légal ? Certaines personnes dans le
paddock semblent en effet remettre en question la légalité de
celui-ci…
« Aucune idée. Je sais que d’autres
constructeurs ont essayé d’utiliser ce système lors des essais. Si
cette technologie nous permet d’être plus rapides, alors nous nous
devons de l’essayer. Cela nous demande aussi d’avoir plus de budget
pour pouvoir développer ce dispositif. Je ne sais pas vraiment
cependant si c’est la bonne façon pour nous d’avoir plus de vitesse
dans les lignes droites. »
« Si la technologie du front device nous permet d’être plus rapides, alors nous nous devons de l’essayer »
Quelle est la philosophie de
Suzuki en termes de contrat avec ses pilotes ? Cherchez-vous à
signer des contrats sur le long terme ou bien allez-vous vous
aligner sur ce qui se fait chez la plupart des autres équipes, à
savoir des contrats d’un an ?
« Rien n’est
encore fixé. Je pense cependant que nous allons conserver la trame
qui a été la nôtre jusqu’ici au niveau des contrats, à savoir des
engagements d’une durée de deux ans. Mais on pourrait très bien
revoir cela durant les négociations. Mais de principe nous
souhaitons rester sur des contrats de deux ans. »
Lors des essais officiels on
a pu voir deux philosophies de développement s’affronter chez les
constructeurs : celle propre à Suzuki et Yamaha d’un côté, qui
ont privilégié de menues innovations techniques pour améliorer
l’existant, et de l’autre Ducati et Honda qui ont apporté de
véritables évolutions sur leurs machines. Pensez-vous que votre
moto conserve encore suffisamment de marge de progression pour
rester au niveau de ces machines ?
« Je ne
sais pas pour Yamaha, mais en ce qui nous concerne nous restons
assez conservateurs afin de progresser sans risque dans des
domaines tels que l’accélération et le freinage sans pour autant
compromettre nos points forts. C’est notre façon de faire. Nous
espérons que cela soit suffisant pour faire face à nos
adversaires. »
Ces dernières années vous
avez rencontré de nombreux problèmes pour vous qualifier sur la
première ligne de la grille. Pensez-vous que vos pilotes vont
pouvoir se battre pour de meilleures places sur la grille cette
année ?
« Nous allons essayer de nouvelles
stratégies au niveau des qualifications, des stratégies que nous
avons d’ailleurs déjà mises en œuvre lors des deux dernières
manches la saison dernière, à Portimão et Valence. Nous avions
alors déjà perçu une amélioration, mais ce n’est pas si simple, car
il faut que nous regardions aussi ce qu’on peut faire du point de
vue des pilotes et de la moto. C’est vrai que dès qu’on se retrouve
avec plusieurs pilotes devant nous sur la grille, on se retrouve
dans une position délicate pour faire de bons temps au tour. Je
pense que pour faire de meilleurs chronos nous devons par exemple
tout simplement prendre la piste bien plus tôt. Cela paraît simple
comme solution mais il s’avère que c’est efficace. »
Vous n’avez que deux pilotes
sur la grille MotoGP. Est-ce que la création d’une équipe satellite
est à l’ordre du jour chez Suzuki ?
« Je n’ai
jamais vraiment varié quant à l’idée d’avoir une équipe satellite.
Je pense que cela serait très positif pour nous, mais la décision
dépend beaucoup de la politique de la maison-mère. Mais il est
clair que je vois beaucoup d’avantages à détenir une équipe
satellite sur le plateau : pouvoir lancer de jeunes pilotes,
récolter plus d’informations, avoir plus de chances d’inscrire des
points etc. Mais ce n’est pas une décision qui nous revient, et il
nous faut aussi trouver une équipe qui réponde à nos attentes, or
la plupart sont déjà engagées avec d’autres constructeurs, donc il
faut prendre notre mal en patience. »
« Je n’ai jamais varié quant à l’idée d’avoir une équipe satellite »
Ces deux dernières années
ont été très difficiles en raison de la crise sanitaire, à plus
forte raison pour les constructeurs japonais. Maintenant que la
situation semble s’améliorer, est-ce que les ajustements en termes
d’organisation auxquels vous avez procédés vont perdurer à
l’avenir ?
« En 2020 nous avons remporté le
championnat, mais personnellement je n’avais pu assister qu’à une
seule course, au Portugal à l’occasion de la finale de la saison.
Tout s’était très bien passé avec l’équipe, mais c’est vrai que par
moment je n’avais pas toutes les remontées d’informations
nécessaires. J’ai donc pris conscience que je devais assister à
plus de courses en 2021, tout en passant également beaucoup de
temps à l’usine au Japon pour m’assurer du bon développement de la
moto. J’ai la chance d’avoir des collègues en qui ‘ai une grande
confiance, mais rien ne remplace le contrôle direct des opérations.
La crise sanitaire a rendu tout cela plus difficile, donc j’espère
qu’on pourra avoir un retour à la normale très rapidement.
»