Fin 2018, Hervé Poncharal et l’équipe Tech3 se sont lancés dans le challenge de quitter Yamaha pour KTM, un challenge très osé puisque le constructeur autrichien ne possède que 2 ans d’expérience en catégorie reine, et qu’en conséquence ses RC16 sont pour le moment un peu moins performantes que la plupart de leurs adversaires.
Et ne le cachons pas, les premiers tests à Valence et Jerez n’ont pas été très rassurants, les productions de Mattighofen se révélant de façon logique adaptées à Pol Espargaró, donc un peu brutales et rétives (voir les propos de Guy Coulon à ce sujet).
Depuis, le département compétition de l’usine KTM a pris en considération l’arrivée de cette nouvelle équipe et proposé une copie déjà corrigée lors des tests MotoGP qui viennent de se terminer à Sepang.
Il était donc intéressant de recueillir le point de vue d’Hervé Poncharal à ce sujet, et nous l’en remercions.
Accédez à la première partie ici
Est-ce que ces tests dominés par Ducati le dernier jour sont significatifs ?
« Bien entendu, le classement montre une hiérarchie des
valeurs, mais il ne faut pas trop trop trop le prendre au pied de
la lettre en pensant que ça, ça va être la saison. Pourquoi ? Parce
que les temps se sont faits sur un tour, avec un pneu
supplémentaire relativement soft qu’avait donné Michelin, le matin
entre 10 heures et 11 heures ou la piste était entre 35 et 40
degrés. Tout le reste du temps, on a roulé entre 55 et 60°, et ça
fait une différence énorme. On sait que Marc Márquez n’a pas poussé
outre mesure pour les raisons que l’on connaît. On sait que Lorenzo
n’est pas là. On sait que Cal Crutchlow est encore en
convalescence. Donc pour moi, les Honda n’ont pas montré leur vrai
visage. On sait aussi que Maverick a roulé très vite mais que
Valentino était très vite dans son tour chrono, avant de se louper
un peu dans le T4. Il aurait donc été plus près s’il avait fait son
tour rapide dans de meilleures conditions. Donc plus que ce
classement, ce qu’il faut voir c’est le tour par tour, et ce qu’on
a vu, c’est que entre Ducati, entre Yamaha, entre Honda et Suzuki,
qui sont les 4 usines les plus affûtées et les plus performantes
aujourd’hui, les écarts sont infimes. Donc je ne pense pas qu’au
Grand prix du Qatar on aura 4 Ducati aux 4 premières positions.
C’est possible, mais peu vraisemblable.
Aujourd’hui, les Ducati sont vraiment très très fortes mais ce
n’est pas nouveau. Les Honda sont plus fortes qu’elles ne l’ont
jamais été. Pour en avoir touché quelques mots à Cal et l’avoir vu
rouler, j’en suis presque sûr.
Lorenzo n’était pas là mais on a vu à Jerez qu’il était vite dans
le coup. Marc, quand on connaît le handicap qu’il a, et ayant fait
ce qu’il a fait, il s’est économisé et ça va payer.
Rins a fait une démonstration incroyable ! Au tour par tour,
sur la moyenne des chronos de ces 3 jours, c’est lui le plus vite.
Alors attention à Álex Rins !
Donc ce sera une saison très très très ouverte et il ne faut pas
prendre le classement que l’on a eu à l’issue de la 3e journée
comme étant ce qui va se passer cette année. D’ailleurs, même si
l’on dit qu’il fait toujours le rabat-joie, Dovizioso l’a dit dans
ces commentaires : il est très très content mais attention, il y a
encore du boulot et ce n’est pas aussi évident que la feuille des
temps le montre ».
À quel point est-il difficile de se rendre compte depuis l’Europe du travail de forçat effectué par les pilotes durant ces essais en Malaisie ?
« On a eu ponctuellement des moments où la température montait à
38° dans les box avec une très forte humidité. J’avais des amis qui
étaient venus et qui ne suivent pas le MotoGP de très très près,
mais ils m’ont dit « les gars, ce ne sont plus des athlètes,
ce sont des surhommes ! ». On ne le dira jamais assez,
cela concerne absolument tous les pilotes MotoGP ! Et c’est
pour cela que c’est encore plus bluffant quand vous voyez ce qu’ils
arrivent à faire. Márquez, Crutchlow, Rabat ! Rabat, quand on le
voit descendre de la moto, il est encore très handicapé de sa jambe
blessée ! Et vous avez vu le nombre de tours qu’il a fait ?
Rien qu’en étant dans le box, les mécaniciens étaient trempés. Avec
la transpiration, les T-shirts noirs étaient devenus blancs le
soir. Quand les motos rentrent, tu peux pas t’en approcher à moins
de 2 mètres sans être en eau. Donc tu imagines pour les pilotes,
avec le cuir, les protections partout, quand il faut faire tous les
efforts qu’ils font sur un circuit où il y a des enchaînements où
il faut jeter la moto et où tu as deux freinages ou tu passes de
330 à 60 km/h… Et ils enchaînent les runs en s’arrêtant jusqu’à
midi pour manger une banane, un bol de riz et des barres de
céréales. Tous les jours, ils alignent entre 40 et 70 tours en
fonction des pilotes, et ils sont toujours suffisamment lucides
pour faire des commentaires précis. Ils sont toujours capables de
pousser dans la seconde et demie du meilleur chrono absolu. Ce sont
donc des performances physiques excessivement impressionnantes, et
c’est vrai que si tu n’es pas au bord de la piste ou dans le box à
ressentir cette chaleur avec cette humidité qui te liquéfie, tu ne
te rends pas compte de ce qu’ils vivent. Ce sont vraiment
d’incroyables athlètes, avec en plus une motivation pour remonter
sur la moto à chaque fois et une précision dans l’analyse du
commentaire technique alors que le corps est fatigué. C’est
vraiment bluffant ! Tu ne peux pas ne pas être en admiration devant
ces gars là en les voyant travailler, surtout dans les conditions
des essais hivernaux à Sepang ».
Avant les tests au Qatar, il y a quand même quelque chose de très important pour KTM…
« Oui. Là, on est passé directement de Malaisie à l’Autriche, donc de 38° à moins quelque chose, où on a une présentation de l’intégralité de la famille Red Bull KTM dans les 3 classes, Moto3, Moto2 et MotoGP. Tous les pilotes qui portent les couleurs Red Bull KTM seront présents à la présentation qui aura lieu à Mattighofen, au siège de l’usine KTM, ce mardi 12 février. On va tous présenter nos nouvelles couleurs. Je pense que ce sera surtout Red Bull KTM Tech3 qui présentera de nouvelles couleurs, parce que les autres, sans vouloir déflorer quoi que ce soit, seront très proches de ce avec quoi ils ont roulé en 2018. Mais nous, étant la nouvelle écurie qui arrive, on aura une décoration similaire en Moto2 et en MotoGP, mais au niveau des couleurs ce sera très différent de ce qu’ont les teams usine. Vous pouvez imaginer que je les ai vues, et je trouve ça magnifique. C’est très technique, c’est très classe et très élégant. C’est beau et ça me plaît ! Alors évidemment, le principal pour une moto de course est d’être devant, en première ligne ou dans le parc fermé pour un podium. Ça, on verra, mais si vous pouvez l’amener dans le parc fermé, et qu’en plus elle est belle, vous avez bouclé la boucle ».
On rappelle que les couleurs devraient être proches de celles du team Toro Rosso F1.