De façon très régulière, et depuis maintenant trois années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après les Grands Prix (Voir ici).
Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans
est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue
dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent
fluctuer, au fil des épreuves, de la déception à la plus grande des
joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents
passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du
sport…
Et nous l’en remercions grandement !
Cette fois, après avoir reporté ses réactions à chaud avant Valence et la fin de son parcours avec Yamaha (voir ici et là), nous avons souhaité connaître quel était son état d’esprit après les premiers essais avec les KTM. A froid, et avec du recul…
Accédez à la première partie de l’interview ici
Est-ce que cela correspond grosso modo aux attentes que vous aviez ?
« Honnêtement, je n’avais pas d’attentes très particulières parce que les 2 pilotes titulaires, Pol Espargaro et Bradley Smith, étaient chez nous quand ils ont décidé de signer chez KTM. Donc on les connaît bien. Chacun d’entre eux a sa spécificité de pilotage et de réglages de moto, et ce n’est pas nécessairement le même style que Johann Zarco et Hafizh Syahrin qui, eux, ont un style assez proche. Donc on était curieux de voir ce que ces derniers feraient sur une KTM. Évidemment, la KTM a fait un podium magnifique qui a fait vibrer tout le monde à Valence, mais c’était dans des conditions climatiques et de piste un peu particulières puisque c’était sous des trombes d’eau. Donc oui, ça correspond plus ou moins à ce à quoi on s’attendait. Maintenant, si je veux être complètement honnête, et j’ai envie de l’être, je m’attendais plutôt à ce qu’on soit à 1,5 ou 1,8 seconde qu’à 2,5. Ça c’est clair, et je pensais que Johann serait plus proche de Pol. Donc ça veut dire qu’il faut encore rouler, s’habituer, et que la moto évolue en possibilités de réglages en fonction des spécificités de chaque pilote. Et comme l’a très bien dit Johann, il faut que chacun fasse un pas en direction de l’autre. On l’a très bien vu avec Lorenzo sur la Ducati : après un an, à la première course de l’année 2018 au Qatar, c’était catastrophique. En Argentine aussi. Donc ça a mis du temps. On se souvient tous de ses victoires au Mugello et à Barcelone mais il y a eu quasiment un an et demi où un pilote fabuleux du MotoGP, triple champion du monde MotoGP, s’est retrouvé totalement dans l’anonymat et derrière des pilotes Ducati sur des motos qui avaient 2 ans d’âge. Donc quand tu passes d’une machine à l’autre, il y a de manière évidente beaucoup de choses à comprendre, à emmagasiner, à digérer, pour pouvoir aller vite ».
Cette semaine, l’équipe Tech3 MotoGP est en Autriche, chez KTM, pour une sorte de retour à l’école. Peut-on avoir quelques détails sur ce que vous y faites ?
« Il y a une dizaine d’années, c’était quasiment systématique : on l’avait fait chez Honda, on l’avait fait chez Suzuki et on l’avait fait au début de notre collaboration avec Yamaha. Ensuite, à cause de certains facteurs économiques, cela a été annulé car cela coûtait trop cher. Donc on faisait ce qu’on appelle le « Schooling-Assembling », et je pense c’était une très bonne chose et une très bonne initiative. C’est-à-dire que l’on envoyait notre équipe technique à l’usine et ils assemblaient les motos sous la supervision des gens de l’usine qui les avaient conçues. Au fur et à mesure de l’assemblage, ils apprenaient les process et tous les points particuliers des motos. Cela ressemblait effectivement à l’école. Donc même si maintenant on connaît un petit peu mieux la moto puisque l’on a fait 2 séances d’essais, à Valence et à Jerez, on est donc toute la semaine au service course de l’usine pour monter et assembler nos motos définitives pour la saison 2019. L’équipe technique prend son temps et il y a beaucoup d’échanges. Après les essais effectués, Guy Coulon, Nicolas Goyon, Alexandre Merhand et Maxime Reysz, peuvent poser des questions plus pertinentes et faire part des commentaires d’Hafizh Syahrin et Miguel Oliveira. On espère que cette moto évoluera pour les premiers tours de roues à Sepang, par rapport aux commentaires et aux informations que l’équipe Tech3 et leurs pilotes respectifs ont fait passer au service course. On est donc à l’usine pour faire le fameux « montage-apprentissage » de cette moto, pour parler français ».
Cela comprend-il aussi la partie électronique, puisque là également les outils sont nouveaux ?
« Oui, bien sûr, puisque l’on a un ECU unique
tout le monde n’utilise pas les mêmes outils pour le gérer, et tout
le monde ne le gère pas de la même manière. C’est pour ça qu’on a
souvent entendu qu’une des récriminations de Valentino Rossi est
que Yamaha s’était moins bien adapté que certaines autres usines
qu’il a souvent nommées, notamment Ducati. Donc oui, on a un ECU
unique mais chacun a ses outils spécifiques pour optimiser sa
gestion.
D’ailleurs, il y avait jusqu’à présent un ingénieur acquisition de
données par pilote chez Yamaha, que ce soit dans l’équipe d’usine
ou dans l’équipe Tech3. Chez KTM, il y en a deux. Il y aura donc
deux « data guys » : un qui sera un peu le boss et
sera en charge de la stratégie, et l’autre qui sera là pour
décharger, manipuler et dépouiller les datas ».
A suivre…