En MotoGP, comme partout ailleurs, il y a de la rancœur. Disons plutôt, puisque nous sommes entre gens de bonne compagnie dans un paddock bien normé, que les acteurs qui y évoluent ont de la mémoire. C’est le cas de Cristian Gabarrini qui, avant de s’occuper comme aujourd’hui de Bagnaia chez Pramac Ducati, était aux côtés de Casey Stoner. Tant chez Ducati qu’ensuite chez Honda. Et l’Italien a un fait de course marqué au fer rouge dans sa mémoire : la manœuvre de dépassement de Valentino Rossi sur Casey Stoner dans le fameux « Corkscrew » de Laguna Seca en 2008. Une colère toujours vivace. La preuve…
Ne parlez pas à Cristian Gabarrini du Grand Prix à Laguna Seca en 2008, il pourrait se mettre en pétard. Cet événement a apparemment marqué sa vie professionnelle, passée notamment à évoluer aux côtés de Casey Stoner, dont on s’accorde enfin aujourd’hui qu’il a été sous-estimé. La faute à qui ? La réponse est dans ce qui suit… « Le premier titre, avec Ducati, était totalement inattendu. Stoner a remporté et dominé de nombreuses courses. Celui avec Honda a été la confirmation de sa valeur. Personnellement, je n’ai eu aucun doute. Un pilote qui change de moto et gagne en dominant est très important. »
« Chez Ducati, nous connaissions la valeur de Casey, même si après 2007 les résultats avaient quelque peu baissé » poursuit l’Italien. « Quelqu’un avait des doutes. J’ai souri en apprenant qu’il n’avait gagné que grâce aux commandes électroniques. Casey était brillant dans la conduite de la moto, il comptait très peu sur les commandes électroniques et comptait sur ses sentiments. C’était le talent pur qui, avec n’importe quelle moto, aurait tiré le maximum. »
« A cette époque, la Ducati 800 était vraiment difficile à prendre à la limite. Il se sentait un peu sous-estimé, mais il avait la particularité que la seule chose qui l’intéressait vraiment était d’aller le plus vite possible avec une moto. Le championnat du monde remporté avec Honda était une sorte de revanche pour lui, c’est comme s’il avait dit : « maintenant je vais vous montrer… ». »
» J’étais bien plus en colère que Casey Stoner à l’arrivée »
Ce long et révélateur préliminaire fait, Gabarrini revient sur Laguna Seca dans un entretien à Moto.it : « c’est un souvenir indélébile, à la fin de la course j’étais vraiment en colère, bien plus que Casey… Je reste sur mon idée que le dépassement de Stoner dans « le Corkscrew » par Rossi devait être sanctionné. Aujourd’hui ça ne passerait pas comme ça. Casey a probablement été agacé par Valentino dans cette course parce qu’il avait un rythme plus élevé. »
Mais ce n’est pas tout. Parce-qu’il y a eu aussi Laguna Seca 2013… « J’ai fait une blague et dit à mon patron chez Honda : si Yamaha va protester, envoyez-les moi pour qu’on discute… Un précédent a été créé, mais ces dernières années, des mesures ont été prises sur certains épisodes. Je crois que dans ce sport, les dangers doivent être réduits. Les règles doivent être strictes et appliquées par tous. Je pense que Márquez a ainsi dépassé Rossi comme une provocation, presque une moquerie. Casey n’aurait jamais pensé à quelque chose comme ça, alors que Marc a également une grande capacité psychologique. D’une certaine manière, il lui a fait payer. »
Pour solde de tout compte ? C’est à voir… Gabarrini a sans nul doute la nostalgie de son champion australien, si bien qu’il a une affection particulière pour Jack Miller : « je l’aime comme si c’était un frère cadet, comme avec Casey. Il est arrivé en MotoGP sans préparation à tous points de vue. Il a fait d’énormes changements, 2020 pourrait être l’année de sa consécration. » Un pronostic dont on se souviendra à l’heure des comptes d’une saison qui devrait se lancer à Jerez le 19 juillet…
Marc Márquez passe Valentino Rossi dans Corkscrew en coupant la piste.
