Comme ses collègues des 5 autres constructeurs, le responsable technique de Honda MotoGP, Takeo Yokoyama, a pu faire le point devant la presse après la première demi-saison 2019.
Voici notre traduction de l’intégralité de ses propos.
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À noter que Honda, Suzuki et Aprilia se sont exprimés à Brno, Ducati, Yamaha et KTM en Autriche.
2019 apparaît comme une année contrastée, avec Marc Márquez largement en tête du championnat mais Jorge Lorenzo malchanceux. Comment analysez-vous votre saison jusqu’à présent ?
Takeo Yokoyama: « Il est plus que vrai que nous avons des sentiments partagés. Pour commencer avec Marc, il a fait un travail fantastique durant la première partie de saison, et de l’autre côté du garage, Jorge a débuté en se blessant cet hiver et n’a pas eu assez de temps pour s’habituer à notre moto. Puis, quand il a commencé à se sentir mieux sur la moto, il a subi de nouvelles chutes et s’est blessé à nouveau. Il est vrai que dans son cas, cela prend plus de temps pour être suffisamment rapide que nous ne l’avions pensé, lui et nous. Mais je suis sûr qu’il reviendra bientôt et qu’il sera assez rapide. Dans le cas de Cal (Crutchlow) et Nakagami, ils ont également bien travaillé. Cal a obtenu deux podiums durant la première partie, et Nakagami progresse à chaque fois et se bat en permanence dans le top 10. Nous sommes donc très heureux de cela. »
Il semble que la Honda 2019 a progressé en vitesse de pointe, mais est-il vraiment possible de comprendre les points forts et les points faibles de celle-ci quand vous avez un pilote aussi talentueux que Marc Márquez qui peut masquer certaines faiblesses, où cela ne compte-t-il pas, à partir du moment où Honda remporte des courses ?
« Masquer, je ne sais pas si on peut dire comme cela, mais en tout cas quand vous avez un pilote comme Marc, qui est un pilote de pointe particulier, un champion, je pense que ce « masquage » peut arriver à n’importe quel constructeur. Je ne veux donc pas démentir que cela soit arrivé, mais c’est pourquoi il est plus important pour nous de travailler avec Marc, car Marc est vraiment très bon pour comprendre la moto. Il travaille sur la moto depuis 6 ou 7 ans donc il peut beaucoup nous aider pour développer celle-ci. Au final, c’est un garçon qui sait parfaitement ce qui est nécessaire pour être encore plus rapide, et cela nous aide beaucoup à poursuivre la bonne direction. »
Vous dîtes que Marc vous donne la bonne direction à suivre. Mais que se passerait-il s’il n’était pas là, s’il partait en vacances, et votre moto convient-elle vraiment à Jorge ? Cal (Crutchlow) dit également qu’elle est difficile à piloter…
« Pour commencer par Cal, nous connaissons son caractère, il est très exigeant et je pense que tout le monde ici sait qu’il aime beaucoup parler (rires). Personnellement, j’aime beaucoup parler avec lui et chaque fois que nous venons à une discussion sérieuse, il est très bon pour nous donner son avis et c’est pourquoi nous essayons d’améliorer la moto aussi pour lui. C’est la même chose pour Jorge. Donc en ce qui concerne les trois pilotes, Marc, Jorge et Cal, nous travaillons pour eux tous, bien sûr. Il n’arrive pas très souvent qu’ils disent tous des directions ou des demandes complètement opposées ou différentes. Mais au cas où cela arriverait, bien sûr, notre priorité est Marc. Parce que Marc est un champion, il peut nous donner le meilleur feedback, et disons que la première priorité est de gagner le titre avec Marc. Si pour une raison ou une autre Marc décidait de partir « en vacances » ou autre chose, nous devons bien sûr continuer à travailler en fonction de la direction des autres pilotes. Mais Marc ne partira pas en vacances, ne vous inquiétez pas ! »
Êtes-vous surpris que le fait que vous ayez gagné en vitesse de pointe grâce à une boîte à air plus grosse a un peu pénalisé le feeling sur le train avant ?
« La vitesse de pointe qui a sacrifié le train avant ? Je ne suis pas d’accord avec ça. Il est vrai que par rapport à l’année dernière, un des points de développement était de progresser en vitesse de pointe, mais bien sûr notre objectif était de ne rien perdre d’autre, et je suis convaincu que nous avons atteint un bon niveau. »
Le contrat avec la MSMA (association des constructeurs) se termine en 2021 et on aura peut-être de nouvelles règles en 2022. À quel point êtes-vous satisfaits des règles actuelles et quels changements pourraient survenir en ce qui concerne les moteurs et l’aérodynamique ?
« Pour nous, pour Honda, c’est très similaire à ce que Romano Albesiano a dit : on a discuté au sujet de l’aérodynamique mais cela concerne plus l’année prochaine et je pense que beaucoup de personnes savent que le règlement est déjà fixé pour l’année prochaine. Et nous sommes très heureux de cela. Mais à part cela, par exemple pour les moteurs, après 2021, on n’a pas discuté beaucoup. Nous savons qu’il est temps de le faire mais le point de vue de Honda est que nous sommes plutôt satisfaits du règlement actuel d’une façon générale. Bien sûr, il y a quelques détails qui devront être précisés mais nous somment plutôt heureux de la situation, et s’il y a quelques discussions ou propositions sur la table, nous sommes ouverts à cela. »
Hier, nous avons parlé à Takaaki Nakagami et sa situation n’est pas encore complètement finalisée pour l’année prochaine. Il souhaite une moto 2020 et dit que HRC lui propose une 2019…
« Concernant Taka, nous sommes très, très heureux de ce qu’il fait. Il est dans la famille Honda depuis de nombreuses années et nous en sommes très heureux. Mais pour le contrat de l’année prochaine, nous sommes encore en négociation et je ne peux vraiment pas beaucoup parler de cela. Nous prendrons une décision en regardant le panorama global des activités de compétition. »
Pouvez-vous nous parler de votre châssis recouvert de noir ?
« Je peux dire que cette chose noire et du carbone (rires). Si je ne me trompe pas, nous l’avons essayé à partir de Jerez avec Bradl en wildcard et nous avons déjà modifié la rigidité 4 ou 5 fois. Je pense certains d’entre vous ont vu que Marc et Jorge l’ont essayé. Il y a toujours du positif et du négatif, mais je dirais que nous en sommes au milieu de notre étude pour savoir quels sont les bénéfices de ce matériau. Évidemment, nous avons appris avec le bras oscillant en carbone l’année dernière mais quand nous appliquons le carbone sur la partie avant du châssis, les performances changent. Ce n’est pas la même chose qu’avec le bras oscillant, donc nous en sommes encore au milieu de notre étude, et quand nous saurons exactement la meilleure façon de l’utiliser, je pense que vous verrez tous nos pilotes avec. »
D’après vous, pourquoi est-il si difficile à Jorge Lorenzo de piloter votre moto ?
« En raison de son style de pilotage, nous nous attendions à ce qu’il ne soit pas facile pour lui de s’adapter à la moto Honda, ni pour nous de faire la moto la mieux ajustée pour lui. Mais en plus de cette prédiction, il a été blessé à deux reprises. Et comme je l’ai dit, à chaque fois qu’il commençait à se sentir bien, à l’aise, il se passait quelque chose de malchanceux: un ou deux accidents de plus, une autre blessure. Nous sommes donc dans une spirale négative. Mais dans la vie, une fois que vous aurez traversé la spirale négative, seules de bonnes choses se produiront. Vous verrez donc, bientôt. »
Il est très impressionnant de voir les angles pris par Marc récemment : 65° de manière répétée au Sachsenring. Où est la limite ?
« (Rires) honnêtement, oui, 65° c’est beaucoup et c’est impressionnant. Pour parler franchement, quand nous avons décidé la MotoGP, nous ne nous attendions pas à ce qu’un pilote atteigne les 65°. C’est pourquoi quand Marc prend cette inclinaison, il touche quelque chose, comme le carénage ou le repose-pied. Où est la limite ? Je ne sais pas exactement. Peut-être que dans 4 ou 5 ans, Marc en sera à 70°. Je ne sais pas. Du point de vue d’un ingénieur, avec des calculs théoriques ou quoi que ce soit, je suis désolé mais je n’ai pas la compétence pour vous répondre.Il faudrait peut-être demander aux personnes de chez Michelin (rires). »
Aimeriez-vous que le règlement se libéralise concernant le nombre de cylindres du moteur ?
« Cela pourrait être intéressant (rires). Mais pour parler franchement, nous n’avons jamais parlé de cela récemment. Il est vrai que nous avons travaillé sur des V5 dans le passé et c’était un projet très intéressant. Nous avons appris beaucoup de choses du passé. Donc je ne sais pas quoi vous répondre : peut-être que oui, peut-être que non. Si quelqu’un le proposait ou si cela devait arriver en 2022, que le nombre de cylindres soit libre, alors peut-être que nous penserions sérieusement à abandonner le 4 cylindres. »
Pourquoi ne vous intéressez-vous pas à la Coupe MotoE ? Croyez-vous que ce n’est pas le futur ? N’avez-vous pas la technologie ? Ou ne souhaitez-vous pas être un pionnier dans le domaine ?
« Du point de vue de Honda, bien sûr, cela peut représenter le futur. Nous ne pouvons pas le nier et c’est pourquoi nous observons avec une grande attention ce qui se passe en MotoE. Mais si vous me demandez si Honda est prêt à participer immédiatement, nous devons répondre « non » pour le moment car nous sommes Honda Motors et si nous décidons de nous impliquer dans ce championnat, nous voulons le faire convenablement, pas à moitié ou en débutant seulement parce que nous devons débuter. Il y a évidemment la technologie chez Honda, mais nous ne sommes pas prêts à nous aligner en compétition convenablement. Et tant que nous ne sommes pas prêts, nous ne voulons pas nous lancer dans ce championnat. »
Êtes-vous favorable pour autoriser une évolution moteur en cours de saison ?
« Nous devons considérer cela d’un point de vue global car bien sûre, si vous autorisez les constructeurs à changer les spécifications moteur en cours de saison, cela peut aider quelqu’un qui aurait pu commettre une erreur en début de saison. Et si vous permettez de commettre une erreur en hiver, alors vous pouvez redevenir un peu plus compétitif, mais si vous n’en avez pas commis, vous devez être un peu plus conservateur : on ne peut pas faire de changement radical concernant le moteur en hiver ! Donc honnêtement, si cela était permis, cela pourrait peut-être être bon pour les ingénieurs car nous pourrions prendre plus de risques en hiver, si vous commettiez une erreur vous pourriez vous récupérer en milieu de saison. Mais d’un autre côté, nous aurions besoin de plus de ressources, d’argent pour le développement et peut-être de personnels. Donc pour le moment, je ne peux pas dire oui ou non, et si cela est mis sur la table, nous devons vraiment y penser avec attention. Puis nous voterons. »
Ducati utilise un système qui baisse l’arrière de leur moto au moment du départ. Honda a déjà utilisé cela en Superbike il y a 15 ans. Cela pourrait-il à nouveau être le cas en MotoGP prochainement ?
« Pour Honda, ce n’était pas seulement il y a 15 ans en Superbike. Si vous vous souvenez, quand Álvaro Bautista pilotait pour Gresini Honda, il avait l’habitude d’en utiliser, mais ce n’était pas positionné à l’arrière mais sur la fourche à l’avant. Oui, nous comprenons cette technologie et si nous avons besoin de l’utiliser, nous le ferons, mais nous n’avons rien testé pour le moment. Donc nous verrons. »
Les pilotes disent qu’ils préfèrent courir que faire des tests. Vous, c’est probablement le contraire, mais peut-on imaginer développer une moto uniquement lors des courses et avoir des essais réduits ?
« Même avec les opportunités de test, en particulier avec les pilotes officiels, la façon dont nous devons développer la moto devrait évidemment changer. Mais la quantité de développement que nous devons faire ne serait pas réduite. Je ne le pense pas. Car évidemment, un constructeur à des pilotes d’essais et ceux-ci participent de plus en plus au développement de la moto. Dans notre cas, Stefan Bradl est vraiment bien et nous donne de bons retours. Actuellement, ses retours sont très similaires à ceux des pilotes officiels, Marc, Jorge, Cal et Nakagami. Donc honnêtement, s’il est décidé que nous ayons plus de courses et moins de tests, c’est OK pour Honda. Nous pourrions développer la moto avec une approche différente mais la même quantité (de travail) et au même niveau. Mais ce serait OK pour nous. »
Lors des dernières 8 heures de Suzuka, Honda paraissait pouvoir se battre pour la victoire mais cela n’est pas arrivé. Vous courez après la victoire depuis 2015. Allez-vous changer votre approche et changer de pilotes pour l’année prochaine ?
« Tout ce que je peux dire, c’est que HRC fait beaucoup d’efforts et que nous continuerons à en faire pour l’année prochaine. Mais je ne suis pas vraiment la personne appropriée pour parler des 8 heures de Suzuka ou du Superbike. Si vous demandez à Kawata San ou Kokubo San ou Sato San, ils sont tous ici et si vous voulez que je vous prenne un rendez-vous, je peux le faire (rires). »
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À noter que Honda, Suzuki et Aprilia se sont exprimés à Brno, Ducati, Yamaha et KTM en Autriche.
Crédit photo : MotoGP.com