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A Valencia s’est tenue une conférence de presse qui a réuni Alberto Puig pour Honda, Paolo Ciabatti pour Ducati, Lin Jarvis pour Yamaha, Davide Brivio pour Suzuki, Pit Beirer pour KTM et Massimo Rivola pour Aprilia.

L’objet de cette réunion était bien sûr de dresser le bilan de la saison terminée et de se projeter en 2020.

Pour faire suite et compléter notre observation de la Yamaha YZR-M1, voici l’intégralité des propos de Lin Jarvis.


De nombreuses façons, cela a été une année de changements pour Yamaha, avec bien sûr Fabio, Franco et l’arrivée du team Petronas, ainsi que le pas en avant fait par Maverick et Valentino depuis quelques temps. Même si vous souhaiteriez plus, où vous situez-vous par rapport à l’année dernière ?

Lin Jarvis : « bonjour à tous. Oui, je pense que votre description est plutôt bonne : une année de changements. Avant la conférence, j’ai regardé notre position en fin d’année dernière à Valencia et notre position cette année à Valencia : pour parler franchement, il n’y a pas une différence gigantesque en terme de positions que nous avons finalement atteintes jusqu’à présent alors qu’il reste une course à faire, mais je pense que l’histoire de cette année est un peu différente. En particulier l’hiver dernier, nous avons évidemment fait des changements internes qui nous ont mis dans une nouvelle direction. Cela a vraiment commencé en fin d’année dernière où nous avons changé le Project Leader. Nous avons maintenant Monsieur Sumi qui nous a rejoint, et plus récemment, nous avons également changé de Direction Générale avec Monsieur « Hank » Ito (ndlr : Hiroshi Ito) comme General Manager. Cela a apporté des corrections à nos erreurs du passé et nous nous sommes fixés une nouvelle direction, comme vous avez pu le voir durant la deuxième partie de la saison : globalement, quelque soit la piste, et même sur les circuits serrés comme le montre l’exemple de Valencia où nous avons quatre Yamaha dans le groupe de tête, nous sommes clairement davantage compétitifs. Nous avons clairement corrigé nos erreurs du passé mais nous conservons des manques. Nous avons en particulier des manques en ce qui concerne la puissance, nous avons des manques en vitesse de pointe, et cela est difficile pour un pilote de se battre, en particulier avec Honda et Ducati plus que tout autre. Car quand vous êtes dans le feu de l’action d’une bagarre en course, si vous n’avez pas la vitesse et vous n’avez pas la puissance, vous pouvez tirer profit des autres parties du circuit mais il est difficile d’obtenir la victoire. Ceci dit, nous avons obtenu deux victoires, bien sûr avec Maverick et y compris lors de la dernière course, mais Valentino il y a également réalisé le meilleur tour chrono durant cette course. Nous sommes actuellement troisième au championnat avec Maverick, et notre mission ce week-end est de sécuriser cette position. C’est le même résultat que nous avons obtenu l’année dernière, sauf que Valentino était troisième et Maverick quatrième. Notre niveau général est donc similaire mais nous sommes bien plus optimistes que nous ne l’étions il y a 12 mois. Et je pense que l’autre fait marquant pour Yamaha cette année sont les performances sensationnelles du nouveau team satellite. Je pense que le team Petronas Yamaha est un ajout très bienvenu dans le paddock : bien organisé, bien financé et une équipe indépendante. Nous collaborons très très bien avec eux, et bien sûr je pense que nous avons vu le phénomène particulier Fabio Quartararo avec ses cinq pole positions. Il n’a pas encore gagné une course mais c’est clairement seulement une question de temps. Je pense que cette collaboration et ces performances des deux jeunes pilotes que sont Franco Morbidelli et Fabio Quartararo aident également par moments à aiguillonner le team d’usine.
Je pense donc que nous sommes actuellement dans une bonne zone et nous travaillons pour le futur. Espérons que 2020 puisse être encore meilleur. »

Vous dîtes que la vitesse de pointe de la Yamaha n’a jamais été la meilleure. Est-ce le principal point sur lequel vous allez travailler pour la moto 2020 ?

« C’est le principal déficit que nous devons corriger. Je ne dirais pas que c’est le principal point car celui-ci est de maintenir l’équilibre harmonieux du package que nous avons. Nous ne voudrions pas faire un effort pour gagner en vitesse de pointe et perdre dans d’autres domaines. Mais clairement, c’est là où nous souffrons, ce qui provient probablement de la puissance, de l’aérodynamique et de l’accélération. Nous devons donc travailler là-dessus et corriger cela. J’ai regardé la dernière course et nous étions 8 km/h en dessous de nos adversaires lors du dernier Grand Prix en Malaisie, donc c’est là où le principal effort d’ingénierie se produira. »

L’année dernière, vous avez annoncé un Test Team européen et, récemment, il a été annoncé que vous ne continueriez pas avec Jonas Folger mais seulement avec les pilotes japonais. Valentino Rossi a déclaré en être désolé. Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement qui pousserait Yamaha à utiliser seulement des pilotes japonais ?

« D’abord, nous avons toujours travaillé avec des pilotes d’essais japonais : ils ne sont pas utilisés, puis virés, puis repris. Nous utilisons deux pilotes au Japon pour faire ce que j’appellerai les tests de base. Quand des choses sont développées au Japon, nous utilisons notre propre circuit d’essais et parfois aussi Motegi avec Nozane et Nakasuga. Donc ce qu’il nous a manqué par le passé, c’était d’avoir des pilotes de Grand Prix plus rapides pour utiliser ces pièces sur un circuit de Grand Prix, avant de les donner aux pilotes de Grand Prix. L’année dernière, nous avons débuté une nouvelle organisation mais ce n’était pas encore complètement engagé et organisé. Nous avons manqué de gens de YMR et on a utilisé notre propre personnel et nos ingénieurs. Nous avons également utilisé Jonas Folger pour plusieurs de ces tests. Quoi qu’il en soit, nous devions prendre une décision sur ce que nous allions faire dans le futur car l’année prochaine est une année très importante pour nous, pour développer certaines technologies, en particulier pour le moteur. Un des problèmes que nous avons rencontré l’année dernière, c’est que la façon dont nous faisions les tests en Europe avec un groupe de personnes était différente de la façon dont ça se passait au Japon avec un autre groupe de personnes. Il était donc difficile de comparer les mêmes informations et les mêmes ressentis, les mêmes interprétations, car il y avait différentes façons de travailler et différentes approches. Donc franchement, ce que nous avons décidé pour cette année et pour l’année prochaine, c’est d’utiliser le même Test Team : le team japonais fera également les tests en Europe. Ce n’est donc pas un Test Team européen et un Test Team japonais, mais un Test Team qui voyagera jusqu’aux circuits européens et également au Japon. À Sepang, nous avons décidé d’établir un plan final sur ce que nous devrions faire pour l’année prochaine en ce qui concerne l’autre pilote d’essai, celui qui n’est pas japonais. En prenant en compte notre expérience de l’année passée, nous avons décidé, pour des raisons qui nous sont propres, de ne pas renouveler avec Jonas l’année prochaine, car nous n’avions pas l’unanimité de l’ensemble des personnes du groupe qu’il s’agissait définitivement de la bonne solution pour nous. Mais ce n’est pas impossible que nous ayons un pilote d’essais qui ne soit pas japonais. On peut seulement dire que ce ne sera pas Folger, et je dirais simplement : « attendez ! » Nous regarderons autour de nous et nous verrons. Nous avons besoin d’un pilote rapide, nous avons besoin de quelqu’un qui puisse combler l’écart entre le groupe de tests japonais et le niveau d’après. Nous n’avons pas encore décidé. Le seul plan qu’il soit décidé, c’est que nous connaissons notre programme de tests et nous savons que nous déplacerons les motos et le team tout autour du monde. Et espérons-le, nous aurons prochainement un pilote d’essais encore plus rapide qui devraient arriver bientôt. »

Durant la deuxième partie de saison, Valentino a souvent dit que la façon de travailler de Yamaha était meilleure que par le passé. Pouvez-vous nous parler un peu des changements internes et qui ont favorisé la méthode de travail ?

« Je dirais que plus que tout, une approche avec l’esprit ouvert est le plus grand changement. Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, et je l’ai dit l’année dernière à la même conférence, nous avons globalement suivi une mauvaise direction à partir de 2016. Nous avons débuté cette saison 2016 de façon exceptionnellement bonne, avec Maverick qui a remporté plusieurs courses. Nous paraissions bien, mais nous étions au début de la mauvaise direction. Puis nous avons suivi cette direction alors que nos adversaires se sont améliorés en travaillant dans des domaines différents, alors que nous nous sommes progressivement perdus. C’est une réalité. Une partie de nos problèmes, c’est que nous avions des îlots internes (dans l’organigramme de Yamaha). Quand vous avez un groupe et une société, vous devez idéalement utiliser toutes les ressources de chaque groupe individuel pour collaborer ensemble et travailler ensemble. Je pense que nous ne faisions pas cela : nous avions un groupe châssis qui travaillait pour le châssis, un groupe électronique qui travaillait sur l’électronique, un groupe moteur qui travaillait sur le moteur. Mais pour travailler ensemble, nous n’étions pas dans la situation de voir la moto dans sa globalité, et le groupe de tests dans sa globalité. Je pense que c’est parce que nous étions en difficulté dans certains domaines et que certains groupes se refermaient sur eux-mêmes. Et je pense que la remise à zéro que nous avons effectuée l’hiver dernier a apporté une approche d’ouverture différente : OK, nous sommes en difficulté mais nous savons maintenant où nous avons commis des erreurs et nous avons besoin de tout le monde à bord pour trouver des solutions. Nous avons besoin d’une collaboration et d’une coopération. Nous avons donc maintenant une approche complètement différente concernant notre engineering et je pense cela a été la chose la plus importante. Pit (Beirer) parlait plus tôt d’une remise à zéro, et pour nous, cela a vraiment été un bouton de reset. »
« La plupart des ingénieurs sont toujours les mêmes mais cette façon de gérer différente implique que la façon dont nous travaillons est vraiment différente. Maintenant, nous avons davantage une mentalité à regarder sous toutes les pierres. Là où nous sommes en difficulté, cherchons une solution, et si la solution n’est pas en interne, cherchons-la en externe. C’est le changement principal. »

Durant cette année, vous avez apporté de nouvelles pièces mais on a également vu que Maverick Viñales s’est uniquement concentré sur ses réglages de course. Pourquoi avez-vous autorisé cela ?

« Tout d’abord, je pense qu’en ce qui concerne ces questions techniques, il y a eu une conférence technique il y a quelques semaines. Je ne suis donc pas vraiment le plus qualifié pour donner des réponses avec des détails concernant des questions techniques. Mais je pense que le problème auquel vous faites face quand vous apportez de nouvelles pièces, c’est qu’il y a toujours du bénéfice et du déficit en même temps. Et comme nous avons deux pilotes, ils ne choisissent pas et ne prennent pas automatiquement les mêmes décisions en même temps. Nous travaillons également sur des objectifs à court terme et à long terme. »
« Dans le cas de Maverick, c’est un bon exemple, il a peut-être choisi de ne pas utiliser ces pièces car à cette époque il essayait vraiment de se retrouver lui-même. Et je pense qu’il a complètement réussi, en ne changeant pas de motos, en se concentrant sur son groupe et en utilisant les outils qu’il avait à sa disposition. Et finalement, il a réussi à améliorer sa régularité et ses performances en course, et il est maintenant troisième du championnat. Au final, nous sommes ici pour faire des courses, pour essayer de gagner des courses, et il y a toujours un compromis entre s’entraîner et essayer de nouvelles pièces. Vous savez, regarder le team d’usine et le team satellite est également une comparaison intéressante, car Fabio, en début de l’année, était l’un des plus réguliers alors qu’il avait la moto avec les plus basses spécifications. Mais il est également régulier car il ne changeait rien (sur la moto) : il était concentré sur lui-même, sur apprendre la nouvelle catégorie, sur régler parfaitement la moto. C’est parfois un désavantage d’être dans le team d’usine car vous pouvez avoir trop de choix. Vous devez donc continuer à travailler pour le futur mais vous devez aussi faire le meilleur choix à chaque course pour faire des résultats le dimanche. »

Comment évaluez-vous les performances de Maverick cette année et est-ce une priorité pour Yamaha de le conserver au-delà de l’année prochaine ?

« Je l’ai brièvement mentionné mais je pense que Maverick n’a pas commencé l’année d’une bonne manière. Après les cinq ou six premiers Grands Prix, ses résultats ont montré qu’il peinait et, à cette époque, Valentino le surpassait. Valentino a obtenu de bonnes deuxièmes places en début d’année et a presque remporté la course à Austin. Maverick était un peu perdu mais je pense que nous avons alors reçu le bénéfice des changements que nous avions faits dans le team pour lui, comme nous avions introduit Esteban Garcia comme chef d’équipe et Julian Simon en tant que analyste des performances du pilote. Graduellement, ce groupe a commencé à travailler ensemble et a commencé à s’accorder. Maverick a alors pris sa propre décision de se concentrer uniquement sur ses réglages et sur sa course, donc je pense qu’il est vraiment encourageant de l’avoir vu améliorer ses performances au fil de l’année. Une autre chose que je loue vraiment, c’est qu’il a amélioré ces départs. Car ce que nous pouvions typiquement voir de Maverick, c’est qu’il était dans une bonne position sur la grille de départ, puis qu’il rétrogradait immédiatement au début de course. Il a passé du temps et produit des efforts sur ce point, nous avons fait des changements techniques et il a amélioré ces départs en éliminant ce point faible. Donc oui, je pense qu’il a définitivement retrouvé sa place dans le team d’usine et qu’il a montré son potentiel en étant le seul pilote Yamaha ayant gagné deux courses cette année. Et je serais certainement heureux de l’avoir avec nous en 2021 et plus. »

Pouvez-vous nous partager votre sentiment au sujet du retrait de Jorge Lorenzo ?

« Nous avons évidemment une relation vraiment spéciale avec lui puisque nous sommes restés ensemble neuf années, ce qui est presque extraordinaire et en tout cas très inhabituel pour une marque : un contrat de neuf années ininterrompues avec un pilote ! Il nous a rejoint quand il était très jeune en démontrant son talent et promettant (de belles choses). Et quand il est arrivé, il a obtenu la pole position pour sa troisième course avec nous et a finalement remporté trois championnats du monde. Je pense donc qu’il a eu une carrière fabuleuse et c’était très heureux durant la conférence de presse qui s’est tenue hier car il y avait énormément de personnes présentes : tous les pilotes, tous les médias et les teams managers. Je pense qu’il s’est agi d’un devoir de respect montré à son égard, et je pense que la façon dont il a mené cette conférence était superbe. Je pense qu’il a montré à quel point Jorge avait mûri en tant que personne et à quel point il s’était impliqué dans ce sport. Lors d’une interview hier, je me suis rappelé que lorsqu’il est arrivé la première fois, c’était un jeune garçon avec une tête de bébé, et vous voyez maintenant qu’il s’agit d’un athlète très mature et talentueux, avec une carrière fabuleuse. Nous considérons donc vraiment le temps qu’il a passé avec nous de la meilleure manière qu’il soit, car il s’agit du garçon qui nous a procuré nos trois derniers titres mondiaux. »

Pensez-vous que les résultats de Fabio Quartararo sont ce qui a incité Maverick Viñales à progresser ?

« Je ne pense pas que cela a été la principale chose, le principal moteur ou la principale motivation. Je pense nous avons fait des changements durant l’hiver dernier en ce qui concerne son équipe. Maverick est quelqu’un qui a besoin de se sentir comme à la maison: il a besoin de sentir que tout le monde travaille pour lui et avec lui, comme un groupe soudé. Je pense donc que cela a été la principale raison pour laquelle ses résultats ont progressé. Dans le passé, il avait également eu un très bon chef d’équipe avec Ramon Forcada et Wilco (Zeelenberg) était son analyste de performance : deux personnes superbes et très compétentes mais il n’y avait pas ce sentiment d’une excellente cohésion de groupe. Je pense donc que cela a été la principale stimulation. Ceci dit, je pense que durant la première partie de saison, quand Maverick peinait avec quelque chose, le fait que Quartararo soit là, devant lui, est devenu une frustration et un élément moteur pour lui. Parfois il venait et disait : « ce n’est pas possible ! Je dois être le plus rapide chez Yamaha ! ». Je pense donc que cela l’a aiguillonné mais que ce n’est pas la raison principale. »

Crédit Photo : MotoGP.com

 

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