Chez Ducati, après cinq Grands Prix, on boit du petit lait en même temps que l’on sable le Prosecco. En effet, les podiums s’enchainent, les doublés arrivent et deux victoires sont à l’actif de Jack Miller, à Jerez et en France. De son côté, son équipier Pecco Bagnaia a mené le championnat, un classement général où il apparaît avant le Grand Prix d’Italie à un point seulement du leader Quartararo. Un bilan dont le staff peut se réjouir. Il peut aussi la revendiquer cette satisfaction après avoir été mis sur la sellette à la suite des départs de Petrucci, et, surtout, de Dovizioso. Une remise en question réussie, et ce n’est pas rien dans ce monde où la compétition est exacerbée…
Et puis il y a eu cette sortie de Dovi regrettant dans le box Ducati des relations humaines froides et à la limite de la déconsidération. Une approche qui avait reçu un certain écho auprès de retraités de la marque, donnant l’impression d’un complexe de supériorité technique entretenu chez Ducati, jusqu’à être sourd aux commentaires des pilotes.
Avec la bonne humeur, la liesse, la solidarité et la spontanéité des relations aujourd’hui affichées par la paire Miller-Bagnaia, cette image est battue en brèche. En plus d’un succès sportif, Ducati peut se targuer d’une victoire morale. On s’y sent bien à Borgo Panigale où l’on soutient sans faille ses ouailles. Le parcours de Jack Miller est à ce titre comme un cas concret.
Paolo Ciabatti, le directeur sportif, celui-là même qui avait dû cet hiver persuader que Ducati respectait ses pilotes, contredisant ainsi l’idée contraire avancée par Dovizioso, n’est pas le dernier à le souligner : « avoir commencé 2021 avec deux neuvièmes places pour le problème physique l’avait déçu. L’opération, qu’il a subi immédiatement, signifiait qu’à Portimao il n’était pas encore à 100%. Dans cette situation, quand il a poussé, il est tombé et cela a rouvert sa blessure, et il a été « recousu » dans la clinique mobile. De son propre aveu, Jack avait des doutes sur sa capacité à inverser la situation ».
Et c’est là que le staff Ducati a fait la différence : « nous avons fait comprendre à Jack que ce qui lui était arrivé, avec le départ compromis par un problème physique, pouvait se produire. Et nous lui avons répété que, face à tant de courses encore à jouer, notre confiance en lui était inchangée. La victoire est venue au meilleur moment, je pense qu’elle l’a débloqué et l’a sorti d’une spirale négative ».
Ciabatti fait aussi cet aveu sur son double vainqueur à ce stade de la saison : « il fait partie de ces pilotes qui ont été catapultés en Europe dans leur enfance, et « déracinés » de leur environnement, sans famille à proximité. Donc, d’un point de vue humain pour Jack, la présence d’une deuxième famille est vraiment importante. Il est plus avec nous qu’avec sa famille ! Quand nous sommes aux courses, malgré son bureau et son camping-car, il dort souvent dans le garage pendant que les mécaniciens travaillent car c’est un environnement où il se sent choyé et en sécurité. Il a été aidé en cela par le soutien psychologique de Lucy Crutchlow, la femme de Cal. Il leur est très attaché. Ce qui manquait à Jack, c’était la capacité de croire en ses propres moyens ».
Ciabatti Ducati : « il faut garder les pieds sur terre »
Les autres pilotes Ducati ne sont pas oubliés : « en hiver, Pecco Bagnaia a réussi à travailler sur lui-même et il est arrivé au Qatar convaincu de ses propres moyens, gérant la responsabilité de ces couleurs. C’est un pilote extrêmement lucide, froid et attentionné, ce ne sont pas les compétences de tout le monde. Lui et Jack sont jeunes, donc ils rendent l’environnement très agréable et ils se respectent mutuellement. Beaucoup ».
« Enea Bastianini est un pilote que nous surveillons depuis de nombreuses années. Il a eu une carrière faite de hauts et de bas, mais il a beaucoup de potentiel et un talent naturel, c’est instinctif. Luca Marini est également très talentueux, mais il est plus réfléchi. Nous le voyons avec nos ingénieurs : c’est super analytique, passe plusieurs heures à étudier les données et a une approche simple. Et puis il y a aussi Jorge Martin, qui a réalisé un résultat exceptionnel au Qatar. Ils sont tous talentueux, à l’avenir ils feront tous de grandes choses ».
Paolo Ciabatti termine sur Motosprint en clôturant le chapitre Dovizioso flanqué de Petrucci : « il était temps de tourner la page. Certaines relations à long terme ne peuvent plus inciter les deux parties à donner ce petit plus. C’était douloureux et désagréable de prendre cette décision, mais je suis convaincu que c’était le bon choix. Jusqu’ici les résultats nous donnent raison, mais la saison est longue, il faut garder les pieds sur terre, sans perdre de vue le but ». A la fin de ce mois de mai, ce sera le grand rendez-vous national au Mugello pour Ducati.