De façon très régulière, et depuis maintenant deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après chaque Grand Prix (Voir ici).
Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans
est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue
dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent
fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des
joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents
passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du
sport…
Et nous l’en remercions grandement !
Peut-on dire un mot sur Fabio Quartararo qui, à 19 ans, a ravi tous les passionnés français ce week-end à Barcelone en remportant le Grand Prix des Moto2 après la longue traversée du désert qui a fait suite à son arrivée fracassante en championnat du monde ?
« Bien sûr ! C’est clair que cela a été un magnifique moment de
sport, pour tout le monde, mais bien entendu plus particulièrement
pour toute la colonie française qui était venue en masse à
Barcelone. Je dirais peut-être même qu’ils étaient plus nombreux
que les fans espagnols. Pour tout le monde, mais aussi pour nous et
pour moi, cela a été un moment très fort parce qu’on n’a pas
beaucoup, en France, de pilotes qui sont capables de gagner des
Grands Prix. On savait que Fabio avait un talent hors du commun et,
sans vouloir en quoi que ce soit tirer la couverture à moi puisque
je n’ai rien fait pour qu’il fasse ce qu’il a fait, j’ai toujours
dit que pour moi, c’était le pilote français que j’ai vu arriver en
championnat du monde qui avait le talent brut le plus fort. J’avais
même dit à son papa qu’il me faisait dresser les poils. On se
souvient des performances qu’il a faites en CEV et de ses premières
courses en Moto3 mondial, après que l’on ait mis en place la
Quartararo Rule pour lui permettre d’attaquer la saison avant les
16 ans réglementaires. C’est dire si tout le monde, FIM, Dorna,
IRTA, avait conscience qu’un phénomène était en train de débarquer
sur la vitesse. Puis, pour des raisons que j’ignore car je n’ai
jamais fait partie de son entourage proche, ni technique ni au
niveau du management, les résultats n’ont pas été à la hauteur de
ce qu’on était en mesure et en droit d’attendre. Mais le fait que
même si cela a été long, cela arrive, et c’est arrivé à Barcelone
en Moto2 qui est peut-être la catégorie la plus difficile des 3
catégories qu’on a en championnat du monde, le fait d’avoir fait la
pole qui était un moment magique, puis de transformer cette pole en
victoire et d’avoir fait cette course qu’il a faite, en ayant la
vitesse et en étant, en tout cas vu de l’extérieur, plus facile et
plus à la limite que ses poursuivants, avec le Mano a Mano avec
Oliveira qui est quand même un cador, c’était magnifique ! Et
ce qui nous a incroyablement bluffé, c’est qu’à un moment donné il
a décidé de hausser le ton et d’accélérer le rythme. Il a alors
ouvert un écart incroyable, et Oliveira, en pilote d’expérience, a
vu qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour lui répondre et à
assurer sa 2e place. Là, Fabio a fait une course de grand champion,
ce que tout le monde espérait. Maintenant, ce n’est plus de
l’espoir, c’est la réalité : c’est fait et c’est quelque chose qui
lui est acquis à tout jamais ! Il a fait toute sa course sans
faire une seule erreur et il ne s’est retourné que dans la dernière
partie du dernier tour, preuve qu’il était concentré et qu’il était
sûr de lui. Il était non seulement fort en pilotage mais aussi fort
dans sa tête. Il a terminé sa course en vainqueur, en très très
beau vainqueur. L’énergie qu’il a montrée en célébrant dans le parc
fermé, ça ne peut pas ne pas te mettre les larmes aux yeux !
Parce que tu te dis que là, il exprime toute la jubilation et le
bonheur de gagner, mais aussi toute la frustration de ces courses
et de toutes ces années où il n’a pas pu faire ce qu’il avait envie
de faire. Ça veut dire que c’est quelqu’un qui vit pour la course,
et c’est ce qu’il faut, car le talent ne suffit pas.
C’est très bien de voir qu’après Johann qui a dominé la catégorie
Moto2, on a un pilote qui peut non seulement jouer devant mais qui
peut aussi éventuellement gagner le titre dans un futur proche.
Cette Marseillaise a été hyper émouvante pour tout le monde, y
compris pour tout le monde chez Tech3, et pour ma pomme.
En tout cas, un grand bravo à lui parce qu’il a gardé cet influx,
cette niaque, cette envie, cette motivation, et il a fait une
performance sublime ! Ce qu’il a fait là, c’est de la trempe
des très grands. Ce que j’espère, c’est qu’il devienne un très
grand parce qu’il a tout pour le devenir. Bravo
Fabio ! »
Retrouvez tous les autres débriefings d’Hervé Poncharal ici !