Lors des deux rendez-vous en Autriche, Takahiro Sumi (Yamaha MotoGP Group leader), Davide Barana (Ducati Corse Technical Director), Takeo Yokoyama (HRC Technical Manager), Ken Kawauchi (Team Suzuki Ecstar Technical Manager), Wolfgang Felber (KTM Head of Chassis Development) et Romano Albesiano (Aprilia Racing Technical Manager) ont donc fait le point face à la presse.
Aujourd’hui, nous avons choisi de commencer par Romano Albesiano, Responsable technique Aprilia Racing, au moment où Aprilia s’illustre brillamment sous les caméras avec le podium d’Aleix Espargaró à Silverstone et le recrutement prometteur de Maverick Viñales.
Comme d’habitude, nous reportons en intégralité et sans aucune mise en forme les propos de l’intéressé tenus dans une téléconférence diffusée sur le site officiel MotoGP.com.
Il semble évident que les plus grands progrès faits par une MotoGP en 2021 sont à porter au crédit d’Aprilia et de sa RS-GP. À quel point êtes-vous fier du pas en avant fait cette année ?
Romano Albesiano : « Je suis vraiment fier. Nous avons atteint un bon niveau de performance sur quasiment tous les circuits. Nous nous sommes concentrés sur certains points faibles que nous avions dans le passé et je dirais que nous les avons tous résolus à 90 %. Pour un développement stable dans le futur. »
Il semble en effet que Aprilia possède une base qui
fonctionne sur quasiment tous les circuits. À quel point cela
a-t-il été difficile à atteindre, et à quel point est-ce crucial
pour développer la moto plus en avant ?
« Je pense que c’est fondamental pour le futur. C’est clair !
Par exemple, nous avons opéré des changements majeurs concernant le
moteur, pour des raisons d’agencement, pas directement liés à la
performance, ni à la puissance, mais nous devions le faire. Donc, à
chaque fois que vous faites un grand changement, vous faites un pas
en avant… Mais parfois vous faites deux pas en arrière. Au final,
nous avons réussi à garder plus ou moins le même niveau en termes
de performance moteur. Peut-être avons-nous perdu quelque chose,
mais ce que nous avons perdu a rendu l’action du pilote encore plus
facile. C’est peut-être une des raisons de notre amélioration, et
finalement, nous avons devant nous deux ou trois saisons sans
changements majeurs sur la moto, et nous savons que la performance
d’une moto de course vient du raffinement, généralement pas de la
révolution. Je suis donc assez optimiste pour l’avenir. »
Comment voyez-vous l’évolution du règlement technique
pour la prochaine période de cinq ans du MotoGP, à partir de 2027
?
« J’espère que maintenant que nous avons atteint un bon niveau
de performance, il n’y aura pas de révolution qui nous obligerait à
repartir de zéro (rires). Mais quoi qu’il en soit, il est clair que
nous sommes au milieu d’une révolution, celle de la neutralité en
carbone, qui va affecter l’industrie et les sports mécaniques.
J’espère que dans un futur proche cela affectera les sports
mécaniques d’une manière intelligente, avec par exemple
l’utilisation de l’ecofuel, une essence neutre en carbone, pour des
moteurs conventionnels, sans commencer à utiliser des systèmes
électriques ou hybrides qui augmenteraient les coûts d’une façon
folle et rendraient les choses plus difficiles pour tout le
monde. »
La crise sanitaire a maintenant plus d’une année et
demie : A quel point cela a-t-il affecté le développement ?
Pensez-vous que le développement doit être encore figé l’année
prochaine ?
« Oui, nous sommes encore touchés par cette situation : Parfois
il y a des personnes qui doivent rester chez elles en quarantaine
et parfois nous devons quasiment fermer certains départements.
C’est toujours un problème ! J’espère qu’avec la vaccination de
masse qui augmente rapidement en Europe, et partout dans le monde,
cette chose sera réglée d’ici une année. Je l’espère ! »
Massimo Rivola nous a expliqué que nombre d’ingénieurs
avait rejoint Aprilia, en provenance de multiples endroits :
Suzuki, Ducati, McLaren, Lamborghini, Ferrari, Mercedes, etc. Cela
a-t-il été difficile de faire travailler tout ce monde ensemble
?
« Une partie de ces personnes sont revenues chez Aprilia après
avoir quitté la société il y a des années. Nous parlons donc
partiellement de personnes qui ont grandi chez Aprilia et qui
maintenant reviennent. Il y a certaines difficultés car en général
les personnes qui viennent du monde des voitures ont une mentalité
différente. J’ai expérimenté ce genre de situation pendant 30 ans,
donc c’est toujours la même histoire (sourires) mais nous avons des
personnes intelligentes qui ont immédiatement compris les
difficultés du développement d’une moto. Généralement, les gens qui
viennent des voitures pensent que celles-ci sont beaucoup plus
compliquées que les motos, mais sur beaucoup de points ce n’est pas
vrai : C’est l’opposé ! Nous sommes donc très heureux que le
mélange de ces cultures soit super positif pour la société : Nous
avons vraiment fait un grand pas en avant en ce qui concerne la
force du groupe lors des deux dernières années. C’est très
impressionnant ! »
Vous êtes le seul constructeur à avoir développé une
nouvelle moto ces dernières années. Cela implique que votre package
aérodynamique n’a pas été rajouté sur une moto existante. Est-ce un
avantage ?
«Whaou ! Difficile ! (Rires) ! Je n’ai pas de réponse
claire. Nous devions faire ce que nous avons fait. Nous n’avions
pas d’autre choix que de faire un grand saut pour atteindre le
niveau que nous avons maintenant. Quand vous voyez la présentation
d’un package aérodynamique, normalement il y a déjà eu des tests
précédemment, comme l’ajout d’ailerons sur de vieilles motos. Nous
avions donc des informations antérieures à la nouvelle moto qui a
débuté cette saison. »
Mais quand vous définissez une moto, vous prenez en
considération les trois points, le moteur, le châssis et
l’aérodynamique, n’est-ce pas ?
« Ces dernières années, les ingénieurs étaient davantage
informés de l’importance de l’aérodynamique sur l’équilibre global
de la moto, et cela est devenu de plus en plus important grâce aux
ailerons qui sont apparus sur les motos et qui ont engendré des
appuis aérodynamiques plus importants. Ce n’est pas que les forces
aérodynamiques n’étaient pas là avant : Elles étaient là mais
souvent nous n’avions pas pleinement conscience de leur importance.
Donc maintenant la connaissance générale du groupe de conception a
progressé en termes de compréhension globale de la dynamique, de la
mécanique et de l’aérodynamique. »
Vous avez fait des tests avec Andrea Dovizioso mais il
ne roulera pas pour vous l’année prochaine. Qu’est-ce qui serait le
plus utile pour Aprilia en 2022: Un pilote expérimenté ou un jeune
talent ?
« Si je ne me trompe pas, Aleix Espargaró est le plus vieux
pilote MotoGP après Valentino Rossi (rires), donc ce ne serait pas
vraiment parfait d’avoir deux vieux pilotes MotoGP ! Mais c’est une
blague ! Bien sûr, si Dovizioso aimerait rejoindre notre équipe de
courses, nous considérerions cela très sérieusement (ndlr : On
connaît la suite…). Quoi qu’il en soit, l’actualité récente du
MotoGP paraît très favorable aux jeunes pilotes, donc avoir un
pilote expérimenté et un jeune pilote serait très bien. Je ne sais
pas si j’ai répondu à votre question (rires). »
Le travail sur l’essence est-il important pour le
développement de la performance ?
« Nous avons
débuté cette année une coopération avec Castrol BP qui est très
bonne : Ils nous soutiennent d’une façon fantastique et effectuent
un développement continu en ce qui concerne l’essence et l’huile.
Cela fait partie des progrès que nous avons faits cette année en
termes de performance, donc nous pensons que cette collaboration
peut être très fructueuse dans le futur. »