Après avoir déclaré forfait lors des deux dernières manches, en Indonésie puis en Argentine, Marc Márquez fait enfin son retour à la compétition ce weekend à Austin. Auteur de nombreux records sur le circuit texan et dernier vainqueur en date, le pilote espagnol tentera avant tout de regagner la confiance perdue lors de sa dernière lourde chute survenue lors du warm-up à Mandalika.
Nous vous retranscrivons ici l’intégralité de ses propos tenus en conférence de presse ce jeudi.
Marc, on imagine que cela a
été très difficile pour vous de souffrir à nouveau de diplopie.
Cependant, votre récupération a été assez rapide cette fois-ci.
Vous devez être particulièrement soulagé d’être de retour dans le
paddock ?
« C’est vrai que la semaine qui a suivi
la course à Mandalika a été particulièrement difficile pour moi,
mais fort heureusement ma blessure a cette fois-ci été moins grave
que celle qui m’avait affecté l’an dernier [Marc Márquez avait été
contraint de déclarer forfait sur les deux dernières manches de la
saison 2021, déjà en raison d’un problème de dédoublement de la
vision suite à une commotion cérébrale subie à l’entraînement]. A
vrai dire j’ai été très proche de revenir dès la semaine dernière
en Argentine, mais je n’étais pas franchement motivé à l’idée de
prendre le risque de revenir aussi vite. Nous en avons donc discuté
avec le docteur, et décision a été prise que je reste effectivement
chez moi pour continuer à me reposer et à m’entraîner de la
meilleure des manières en prévision de mon retour ici. Cette
semaine une dernière évaluation médicale a été menée et il s’est
avéré que mon problème de vision est désormais réglé. On va donc
voir ce que ça donne. Bien sûr je ne peux pas dire que je suis ici
dans ma meilleure forme, mais nous allons tout de même essayer de
faire de bons FP1 et de se baser sur cela pour réaliser un bon
weekend. »
Nous n’avons pas vraiment eu
l’occasion de discuter de votre chute lors du warm up à Mandalika.
Pouvez-vous nous dire exactement ce qu’il s’est passé
?
« En fait je ne me souviens pas vraiment… Les
seuls souvenirs que j’en ai proviennent des images des médias. Je
dois dire que le GP d’Indonésie a probablement été l’un des pires
GP auquel j’ai participé dans ma carrière jusqu’ici, car j’ai
vraiment chuté trop souvent, et il y a certains accidents que je ne
saurais même pas expliquer, en particulier celui dont j’ai été
victime lors de ce warm up, où j’avais un nouveau pneu à l’arrière.
Et pourtant je suis parti en highside. Mais tout cela fait partie
du passé, et à présent il est temps de regagner de la
confiance. »
Vous affichez des
statistiques exceptionnelles ici à Austin. Dans quel état d’esprit
êtes-vous ? Allez-vous simplement vous contenter de reprendre vos
marques ou venez-vous ici pour vous imposer ?
« La
victoire est possible, mais l’envisager n’est pas la meilleure
façon d’aborder ce weekend. Nous avons été en grande difficulté
lors de notre dernier GP en Indonésie, où j’ai vraiment eu trop de
chutes. Là je ne me suis remis à m’entraîner normalement il y a
quelques jours seulement. L’approche de ce weekend va surtout
consister à rebâtir ma confiance, on verra ensuite ce que ça
donne. »
Comment vous sentez-vous à
l’heure actuelle par rapport à votre état de forme du Qatar en
ouverture du championnat ?
« Je dois admettre que
sur le plan physique je me sens un peu mieux qu’au Qatar, mais sur
le plan de la confiance c’est bien pire en revanche. C’est quelque
chose de logique après un weekend aussi difficile que celui qu’on a
vécu en Indonésie, qui plus est avec cette blessure affectant ma
vision, qui est source d’anxiété pour moi. »
Pensez-vous que le titre
soit toujours jouable ? Le leader du championnat, Aleix Espargaró,
dispose de 34 points d’avance sur vous…
« Le
championnat est bien sûr quelque chose d’important, mais je ne peux
pas dire que ce soit la priorité du moment. »
Les docteurs vous ont-ils
d’ores et déjà donné leur feu vert pour que vous retourniez en
piste ce weekend ?
« Non, car je dois les voir à
13h30. Mais il n’y a pas de suspens si je suis là. C’était un
problème de vision que j’avais, donc soit je vois soit je ne vois
pas. Je suis déjà remonté à plusieurs reprises sur la moto et je
n’ai pas constaté de problème particulier. Nous allons voir comment
ça se passe durant le weekend. »
Avez-vous eu le temps
d’analyser votre chute en Indonésie, et en particulier le rôle joué
par les pneus ?
« Il est vrai que ce fut une
lourde chute en Indonésie. Je dois dire que nous avions alors eu
des problèmes avec l’arrière tout le weekend. Rien n’y a fait, y
compris mettre davantage de poids sur l’arrière. Ensuite nous avons
chaussé des pneus neufs, mais cela a fait peser une forte pression
sur l’avant, ce qui a du reste provoqué ma chute en qualifications
lorsque j’ai perdu l’avant. Lors du warm up je me souviens que nous
étions encore en train de procéder à des ajustements pour essayer
de comprendre comment nous pouvions améliorer notre situation. Cela
a été une arlésienne durant tout le weekend, et au final j’ai eu
cette chute à un endroit où je ne m’attendais pas du tout à avoir
un accident. Fort heureusement je n’ai eu que ce problème de vision
à déplorer, et j’ai été indemne sur tout le reste du corps. Alors
même si j’ai dû manquer cette course en Argentine, je me suis senti
assez chanceux suite à cet accident. Je pense que la raison de
cette chute fut liée à différentes carcasses auxquelles nous ne
nous sommes pas bien adaptés. Nous ne sommes pas parvenus à ajuster
nos réglages pour ces nouvelles carcasses. C’est vrai que lors des
essais hivernaux nous avions été très rapides là-bas, et nous
n’avions pas rencontré le moindre problème. Mais lors du weekend de
course la situation était totalement différente avec toutes ces
carcasses à notre disposition. »
Quelle est votre approche
pour ce weekend ?
« Comment je l’ai dit, notre
approche ne peut pas être de viser la victoire. Il faut simplement
que je regagne de la confiance. J’ai vraiment vécu une semaine
difficile après l’Indonésie, à tel point que je n’ai pas voulu
courir en Argentine. Maintenant il est l’heure de regagner en
confiance, mais si je ne le sens pas je ne vais pas absolument
chercher à attaquer, car je pourrais encore être la cible d’un
accident inattendu comme ce fut le cas à Mandalika. »
Cela fait deux fois en
quelques mois que vous êtes touché par ces problèmes de
dédoublement de la vision. Les docteurs vous ont-ils indiqué que
vous étiez peut-être dorénavant plus sensible à ce type de lésion
que par le passé ?
« Cela fait deux fois en effet
que je suis victime de ce problème de diplopie en l’espace de six
mois. J’ai effectivement demandé aux docteurs si cette pathologie
avait des risques de devenir chronique. J’ai même demandé s’il ne
fallait pas que j’arrête de courir pendant un an. Mais le fait est
que l’impact reçu lors de ma chute a été énorme, et dans les faits
si un pareil accident se reproduit, que ce soit ce weekend ou dans
un an, cela reproduira les mêmes effets. C’est un nerf qui est très
sensible à ce type de chocs qui est la source de ce problème de
vision. C’est mon talon d’Achille, mais si je suis là c’est pour
courir. Je ne peux pas être ici en me disant qu’il ne faut pas que
je chute sinon je vais encore avoir ce problème. Je sais que je
prends des risques, mais au final c’est ma passion et je souhaite
courir, pas songer à ma blessure. »
Avez-vous eu peur de ne plus
pouvoir courir justement après cette nouvelle période de diplopie
?
« Ce qui m’a vraiment fait mal ce n’est pas la
diplopie en elle-même, mais le fait que ce soit encore une fois le
même trouble qui me touche. Quand j’ai ressenti les premiers
symptômes de dédoublement de la vision, je me suis dit que je
repartais encore pour trois mois de convalescence, et c’est quelque
chose qui m’a fait peur car même dans la vie de tous les jours ce
n’est vraiment pas pratique d’avoir ce genre de lésion. Mais
lorsque je suis allé voir le docteur j’avais déjà la sensation que
c’était moins grave que l’an dernier, et cela a été confirmé. La
première semaine a été difficile à vivre, mais déjà lors de la
deuxième ça allait mieux jour après jour. Quand j’ai regardé le GP
d’Argentine depuis mon canapé, ma vision était redevenue normale.
Maintenant si je suis là c’est parce que ma passion est plus grande
que ma souffrance. Je vais donc poursuivre mon chemin pour
progresser et me battre pour le titre, même si tout de suite je ne
suis pas en mesure de le faire. Pour l’instant la priorité est
vraiment de regagner en confiance. »
Vous dites que vous ne vous
êtes pas senti prêt pour faire votre retour dès l’Argentine. Nous
n’avons pas vraiment l’habitude de vous entendre dire cela. Vous
sentez-vous plus timoré à présent ?
« Je pense que
c’est une façon de penser assez normale sachant que j’ai accumulé
les blessures ces deux dernières années. Je n’étais pas motivé pour
aller en Argentine, mais je n’étais pas motivé non plus pour venir
ici à Austin, mais les gens autour de moi m’ont vraiment poussé à
aller de nouveau m’entraîner. Puis petit à petit j’ai retrouvé de
la motivation et maintenant je suis prêt à courir. C’est mon
premier weekend de retour, et je pense que déjà lors du prochain ça
serait mieux car courir est notre passion à tous, c’est notre
carburant. »
Nous fêtons ce weekend la
500e course organisée par la Dorna. Quel GP vous a le plus marqué
au cours de ces trois dernières décennies ?
« Il y
a beaucoup de courses qui me reviennent à l’esprit, mais celle dont
je me souviens le plus est celle où Jorge Lorenzo et Valentino
Rossi se sont battus jusqu’au dernier virage en Catalogne en 2009.
Je me souviens de chaque tour de ce GP. »