De façon très régulière, et depuis maintenant deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après chaque Grand Prix (Voir ici).
Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans
est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue
dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent
fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des
joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents
passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du
sport…
Et nous l’en remercions grandement !
Pourrait-on résumer la course de Johann à Austin par « Il a fait le boulot ! » ?
« Oui. C’est évident mais je pense qu’à un moment donné, quand tu fais la course qu’il a faite au Qatar et la course qu’il a faite en Argentine, tu te dis que c’est un peu moins bien. Quelque part, c’est normal, c’est humain. Quand un gars se bat devant et est potentiellement vainqueur d’un Grand Prix sur les 2 premières courses, quand il se bat là où il s’est battu au Texas, tu peux te dire que c’est un peu décevant, mais de toute façon, tu ne seras pas toujours devant. On savait en arrivant au Texas que cette piste là ne serait pas favorable. Cette année, par rapport à tout un tas de paramètres, la piste sale et les travaux pour gratter les bosses qui n’ont pas été considérés comme un succès, l’adhérence était compliquée. Franchement, cela a été un week-end compliqué même si Johann est quelqu’un qui se donne toujours à 110 %. Il a toujours été là quand ça comptait, même si vendredi on n’était pas dans le top 10, ce qui était notre but. Samedi matin, il a profité de la fenêtre météo pour faire craquer, donc on est passé directement en Q2. Là, il fait le 4e temps, mais surtout son idéal time le place 2e, seul pilote avec Marc Márquez à être descendu sous les 2’04. Il est en 2’03.9, Márquez est en 2’03.6 et les autres sont en 2’04. Donc à chaque fois que ça compte, il est là ! Il arrive à se concentrer physiquement, mentalement, à se remotiver, mais malgré cette belle performance en qualification, on savait qu’en course , ça serait difficile de rééditer le Qatar et l’Argentine. Mais comme il l’a très bien dit, quand tu es sur la première ligne et au départ d’une course, tu ne sais jamais comment les choses vont évoluer. Tu te prépares dans ta tête pour atteindre le podium et lui, il était parti pour ça. Et puis, on a vu : il a fait une envolée un petit peu moins réussie que les 2 précédentes car ça s’empile beaucoup dans le premier virage et il a fait attention. Il n’a pas fait un mauvais départ, mais pas aussi brillant que certains. Après, il a roulé dans le groupe qui était celui derrière les pilotes qui se battaient pour le podium et, comme vous dites, il a fait le boulot. Cela n’a pas été facile, il a serré les dents, il s’est battu avec Crutchlow et Dovizioso. Crutchlow a fait une erreur parce que je pense qu’ils roulaient tous au maximum, et pour pouvoir passer Johann, c’était limite pour Cal. Tellement limite qu’il ne s’en est pas sorti. Dovi a attendu longtemps, longtemps, longtemps, et c’est toujours un avantage quand tu es chasseur, derrière. Celui qui est devant finit toujours par montrer ses points forts et ses faiblesses, Dovi l’a passé avec une Ducati qui est quand même un canon en accélération et en vitesse de pointe. Johann avait tout donné et freinait mieux, mais il y avait une telle différence à l’accélération qu’il a préféré de manière intelligente finir 6e et éventuellement profiter d’une petite erreur de Dovizioso qu’il n’a pas faite. Il y a seulement un point entre 6e et 5e, et il a préféré ne pas l’attaquer parce qu’il était en zone de risques à ce moment-là. Et voilà. On est très heureux de ce qu’il a fait parce qu’il est quand même, aujourd’hui, à 8 points du leader du championnat. On arrive maintenant au Grand Prix d’Espagne à Jerez et au Grand Prix de France au Mans qui sont 2 pistes où le package qui est à sa disposition nous paraît plus performant, ça c’est certain. On a vu aussi que sur les 2 premières pistes, on a pu faire jeu égal, voire se battre, avec les 2 Yamaha officielles, mais là, cela a été plus compliqué parce que, notamment dans le domaine moteur qui est quand même un élément important sur un circuit comme Austin, on est un peu derrière. Et à un moment donné, ni Vinales ni Rossi ne sont des manches ! Mais on reste très très positifs parce que prendre 10 points au Texas dans ces conditions là, c’est très bien. Pour la bagarre du premier indépendant, Cal a marqué 0 point et on est revenu à égalité avec lui. Et encore une fois, on n’est qu’à 8 points du leader, Dovizioso, donc c’est vraiment très très serré, et les pistes qui arrivent sont des pistes où Johann normalement va très très vite et où notre package technique devrait être moins handicapé que ce que cela a été à Austin. En tout cas, Johann a fait encore une fois un très bon week-end, avec application, détermination, beaucoup de travail. Il ne lâche jamais l’affaire. Il est capable d’exprimer sa frustration, comme on a vu à la télé quand il secouait la tête, mais il a toujours été plein de respect pour tous ses ingénieurs, qu’ils soient japonais, les ingénieurs suspensions ou les techniciens de Tech3. On n’a jamais vu certaines attitudes que certains autres pilotes ont quand cela ne va pas. Toujours grand respect, grand bonhomme, et qui comprend ce qu’est une équipe, et qui comprend que si une équipe est soudée et se serre les coudes, elle sera plus performante que si ça tire à hue et à dia ».
On a vu que les Yamaha officielles étaient en net progrès, et il semble que cela soit lié à l’électronique. C’est d’ailleurs un domaine au sujet duquel nous avons interviewé un de vos ingénieurs récemment (voir ici). Pensez-vous que vous allez en bénéficier ?
« Alors, on en a énormément parlé dans le passé, le statut de l’équipe satellite chez Yamaha, jusqu’en 2018, je précise, c’est d’utiliser le matériel qui a un ou 2 ans d’âge, et généralement, les évolutions sont très rares, voire n’arrivent pas dans la saison. Donc nous, depuis le Qatar, on fait avec le matériel qui est à notre disposition. On n’a rien vu arriver et on ne nous a rien promis pour les prochains Grands Prix, donc on aura la même moto qu’on avait au Qatar, en Argentine et au Texas. Ce qui se passe dans le box à coté, j’ai toujours tendance à dire que cela ne nous regarde pas. Dans le passé, ils ne nous ont jamais vraiment dit en détail quelles étaient les évolutions qui arrivaient dans le team officiel, et vu le contexte actuel, ils ne nous le diront encore moins, c’est évident. Mais je sais qu’ils travaillent d’arrache-pied car Rossi et Vinales ont tapé du poing sur la table après les essais hivernaux et les 2 premières courses, et on a vu qu’il y avait du mieux. Oui, l’électronique est maintenant un élément primordial. On sait aussi que leur moteur est différent, donc aujourd’hui, je pense que leur package bloc propulseur, et ça inclut l’aspect mécanique et l’aspect électronique, et clairement un peu au-dessus du nôtre. Mais loin de moi l’idée de m’en plaindre et de faire la pleureuse, ce n’est ni mon style, ni celui de Johann. Les choses sont claires. Elles sont comme ça. Johann les connaît, moi je les connais, Guy Coulon les connaît, Nicolas Goyon les connaît, et personne ne se plaint ! On fait le mieux qu’on peut avec ce qu’on a. Aujourd’hui on est juste derrière Viñales et devant Rossi après 3 courses, donc ça veut dire que ce que l’on a fonctionne. Johann sur la M1 qui est louée à Tech3, ça fonctionne, et je n’ai aucune raison de me plaindre. Il est normal que l’usine développe et que ce soit ses pilotes qui aient en premier les évolutions. C’est le travail de leurs ingénieurs et je leur dis bravo car on a vu un net pas en avant de fait sur les 2 Yamaha officielles ! On est sincèrement et honnêtement contents pour eux, même si ça n’impactera malheureusement pas Tech3. Mais de notre côté, nous sommes déjà très contents du matériel que nous avons, qui nous permet d’être en tête du classement des pilotes indépendants, à égalité avec Cal, et également en tête des Rookies avec Hafiz. C’est très positif et on espère que l’on va continuer dans cette dynamique. On se prépare pour Jerez où on espère que l’on va encore se battre devant, comme on l’a fait l’année dernière et comme on l’a fait sur les premières courses de cette année ».
Austin MotoGP Championnat : Classement
1 | Andrea DOVIZIOSO | Ducati | ITA | 46 |
2 | Marc MARQUEZ | Honda | SPA | 45 |
3 | Maverick VIÑALES | Yamaha | SPA | 41 |
4 | Cal CRUTCHLOW | Honda | GBR | 38 |
5 | Johann ZARCO | Yamaha | FRA | 38 |
6 | Andrea IANNONE | Suzuki | ITA | 31 |
7 | Valentino ROSSI | Yamaha | ITA | 29 |
8 | Jack MILLER | Ducati | AUS | 26 |
9 | Tito RABAT | Ducati | SPA | 22 |
10 | Danilo PETRUCCI | Ducati | ITA | 21 |
11 | Dani PEDROSA | Honda | SPA | 18 |
12 | Alex RINS | Suzuki | SPA | 16 |
13 | Hafizh SYAHRIN | Yamaha | MAL | 9 |
14 | Pol ESPARGARO | KTM | SPA | 8 |
15 | Aleix ESPARGARO | Aprilia | SPA | 6 |
16 | Jorge LORENZO | Ducati | SPA | 6 |
17 | Franco MORBIDELLI | Honda | ITA | 6 |
18 | Takaaki NAKAGAMI | Honda | JPN | 5 |
19 | Scott REDDING | Aprilia | GBR | 4 |
20 | Alvaro BAUTISTA | Ducati | SPA | 4 |
21 | Karel ABRAHAM | Ducati | CZE | 1 |
22 | Thomas LUTHI | Honda | SWI | |
23 | Bradley SMITH | KTM | GBR | |
24 | Xavier SIMEON | Ducati | BEL |