En regardant les courbes des sept premiers du Grand Prix d’Argentine, on constate que celles-ci se divisent en deux groupes. Mais peut-on vraiment l’expliquer ?
Commençons par Marco Bezzecchi et Johann Zarco, non seulement par ce qu’il
s’agit des deux premiers du GP, mais surtout parce que leurs
courbes sont très caractéristiques.
Pour le pilote de l’équipe Mooney VR46, c’est du très classique,
avec un meilleur tour réalisé au sixième passage puis un
ralentissement très progressif, sans même parler du dernier tour
pour assurer.
On notera quand même deux choses intéressantes, à commencer par une
mise en action ultrarapide en 1’48.429, de loin supérieure à celles
de tous ses adversaires. Précision, en Argentine la ligne
d’arrivée n’est pas la ligne de départ, ce qui explique son premier
tour seulement deux secondes plus lents que les suivants.
À l’inverse, Johann Zarco a fait son premier tour en 1’50.942, mais surtout nous présente une courbe d’une platitude étonnante. Plus rapide que le vainqueur à partir du 16e tour, le pilote français a fait preuve d’une régularité époustouflante lui permettant d’effectuer la fin de course que l’on connaît…
Mais qu’en est-il des autres ?
Alex Márquez
est clairement à ranger du côté de Marco Bezzecchi…
D’ailleurs, ces courbes sont tout à fait classiques, avec un
meilleur temps dans le 6 premiers tours puis une lente usure du
pneu arrière.
Sur le mouillé, le pneu avant ne s’use quasiment pas et pourrait
même faire la distance de plusieurs courses.
Idem pour Franco Morbidelli…
Jorge Martín est globalement à classer avec Johann Zarco.
Alors, est-ce à dire que le pilotes Pramac, Johann Zarco et Jorge Martín, sont l’exception qui confirme la
règle ? Qu’ils ont trouvé un réglage magique pour favoriser la fin
de course ?
Que nenni, car si on regarde la courbe de Jack Miller…
…elle est globalement conforme à celles de Johann Zarco et Jorge Martin, mais aussi celle de Fabio Quartararo.
Devant de telles différences de comportement, nous avons donc
cherché une explication technique ou, à défaut, des hypothèses.
Nous avons donc contacté plusieurs techniciens du paddock, ne
serait-ce que pour réviser les bases suivantes :
– Si, sur le sec, les pressions minimales sont de 1,88 bars à
l’avant et 1,7 bars, elles sont de 2 bars à l’avant sur le
mouillé.
– Contrairement à ce qui se passe sur le sec, personne ne roule
plus bas à l’avant sur le mouillé, et très peu à l’arrière.
– Au contraire, plus la piste est mouillée, plus une pression haute
du pneu est nécessaire, de l’ordre de 200 grammes, afin de réduire
l’empreinte au sol et d’augmenter la pression au sol.
Face à notre demande d’explication, nos interlocuteurs nous ont gentiment fait comprendre qu’une multitude de facteurs intervenaient dans les chronos observés, et qu’il était quasi impossible de trouver le pourquoi du comment, sans avoir en main toutes les données de tous les pilotes, ce qui est naturellement impossible. Réglages géométriques et électroniques de la moto, niveau d’attaque du pilote, trafic en piste, pressions et températures initiales des pneumatiques, etc., etc., etc., interviennent dans le chrono final, et c’est donc la tête basse que nous allions conclure cet article quand nous avons trouvé une corrélation entre la forme des courbes et certaines données: la mise en action lors des deux premiers tours.
Quelles qu’en soient les raisons (mise en action, trafic, pression du pneu arrière), de Marco Bezzecchi en 1’48.429 à Fabio Quartararo en 1’54.330, les chronos des deux premiers tours sont très disparates, mais correspondent bien aux formes des courbes observées ensuite : Comme si en concédant du temps lors des premiers tours, les pneus arrière étaient moins martyrisés et offraient une meilleure régularité ensuite.
Premier tour |
Deuxième tour |
|
Marco Bezzecchi | 1’48.429 | 1’46.362 |
Johann Zarco | 1’50.942 | 1’47.241 |
Alex Marquez | 1’49.169 | 1’46.238 |
Franco Morbidelli | 1’50.251 | 1’46.469 |
Jorge Martin | 1’52.200 | 1’47.289 |
Jack Miller | 1’52.316 | 1’47.350 |
Fabio Quartararo | 1’54.330 | 1’47.408 |
En soumettant ce qui n’est qu’une hypothèse à certains de nos
interlocuteurs, nous n’avons obtenu qu’un simple « c’est
possible » pas réellement convainquant.
D’habitude, « les courbes nous parlent », mais
aujourd’hui pas vraiment. Désolés.
Le mot de la fin revient donc à Johann Zarco : « C’était drôle parce que la télévision italienne m’a dit que j’avais eu une bonne stratégie en attendant au début et en revenant fort sur la fin. Mais je leur ai dit que je n’attendais pas au début (rires) ! »