La vie d’Aleix Espargaró dans cette saison de MotoGP et dans son box Aprilia a deux visages. Il y a le côté sportif où tant la marque que le pilote s’entendent à merveille pour confirmer à chaque Grand Prix qui s’écoule qu’ils sont en lice pour ce qui serait une retentissante couronne mondiale. Ils écrivent un moment d’histoire du constructeur de Noale et du groupe Piaggio, ce qui devrait les rendre inséparables pour l’éternité. Et pourtant, pour le moment, il n’y a rien de figer pour l’après cet exercice 2022. Une situation qu’Aleix Espargaró déplore de plus en plus fort…
Aleix Espargaró a de nouveau démontré lors du dernier Grand Prix de France qu’il était professionnellement irréprochable sur la piste avec sa RS-GP. Au Mans, il est monté sur son troisième podium consécutif en MotoGP ce qu’aucun pilote Aprilia n’a jamais fait dans l’histoire de la marque. Il compte quatre podiums à ce stade de la saison, dont une victoire en Argentine. Au Mans, il a maintenu derrière lui le leader du classement général et Champion du Monde en titre Fabio Quartararo à qui il a repris quatre points pour le suivre à présent de 16 unités.
Le parcours est ainsi sans reproche et, chez Aprilia, Massimo Rivola loue son pilote de 32 ans dans les murs depuis 2017. Il le comble d’éloges, mais ne l’amène toujours pas à la table pour signer un nouveau bail. Les conditions demandées par Aleix Espargaró ne sont pas folles et ont été révélées par son manager Albert Valera qui s’occupait avant de Jorge Lorenzo et qui est aussi service de Pedro Acosta comme de Jorge Martin. Ainsi Aleix Espargaró aimerait un contrat de deux ans avec un salaire de 2 millions d’euros qui est équivalent à ce que touche actuellement Maverick Viñales. Actuellement, Aleix Espargaró émarge à 1,5 millions d’euros.
Après sa prestation dans la Sarthe, Aleix Espargaró en a remis une couche sur cette situation avec son employeur : « vous connaissez tous l’estime que j’ai pour Aprilia, je veux rester, le renouvellement me donnerait plus de sérénité » a déclaré l’Espagnol alors que l’adrénaline de la course faisait encore effet. « Je me sens chez moi ici, mais en réalité ce n’est pas ma maison et donc je ne décide pas ». Et il ajoute : « Si Aprilia laisse partir un pilote qui fait ce que je fais, ce serait la plus grosse idiotie de l’histoire du Championnat du Monde. Je n’ai pas encore parlé à Massimo Rivola et je ne sais pas quoi dire sur le contrat. Ce que je demande me semble très normal, je sais où je suis et mon âge, mais je pense que le mot juste dans ce cas est respect ». Et au nom de ce respect, il veut une réponse au plus tard à Barcelone, lors du Grand Prix de Catalogne.
Sur ce qui ressemble fort à un ultimatum, Massimo Rivola préfère répondre avec humour, ce qui n’est jamais sans risque avec le bouillant espagnol… « Son renouvellement est une priorité et nôtre attitude n’est pas une tactique, même si sans certitude Aleix Espargarò s’en sort très bien… Alors peut-être le maintiendrons-nous sur les nerfs jusqu’à Noël… Sérieusement, son renouvellement avec nous ne tardera pas à venir ». Une approche légère qui n’amuse en tout cas pas le manager Valera. Dans une conversation avec The-Race.com , il ne cache pas qu’avant de commencer à discuter avec Aprilia, « on pensait que ça allait être plus facile, en raison de tout ce qu’Aleix donne à l’usine. Nous sommes un peu surpris et déçus de ne pas être parvenus à un accord jusqu’à présent ».
Aprilia fait attendre Aleix Espargaró mais aussi Joan Mir
« Nous ne demandons pas une grosse augmentation, juste quelque chose qui fait qu’Aleix se sente un peu plus valorisé » précise-t-il. Il est difficile pour Valera de comprendre qu’Aprilia ne cesse d’insister sur l’importance d’Espargaró dans son projet et qu’en même temps, ils ne leur proposent pas de contrat à signer : « ils l’appellent ‘El Capitan’ mais ils ont besoin montrer qu’il est le capitaine par écrit, c’est tout. Nous sommes conscients du marché et des contraintes budgétaires d’Aprilia, mais nous demandons simplement quelque chose qui a du sens pour les deux parties ».
Alors, pourquoi cette attente et cette sorte de dialogue de sourd ? Peut-être parce Suzuki va partir et que deux bons pilotes sont maintenant à la recherche d’un box. Il s’agit d’Alex Rins et de Joan Mir et le manager de ce dernier, Paco Sanchez, a reconnu qu’il était en contact avec Aprilia : « nous parlons à tous ceux qui, selon nous, ont une bonne moto et peuvent payer le salaire de Joan Mir ». Oui mais voilà… « Nous sommes sans rien, nous n’avons pas de travail, et nous ne sommes donc pas en position de force. Cela nous fait très mal de prendre les choses pour acquises. Quand je vois sur Joan qu’il aurait déjà signé avec Honda, ou que nous sommes très proches de Yamaha… ça nous fait très mal et Aprilia ne répond pas à mes messages ».
La conclusion revient à Aleix Espargaró qui fait ce constat : « le marché des pilotes est fou. On dirait que chaque pilote est plus rapide. C’est vrai, mais j’ai lu une interview intéressante avec Dall’Igna la semaine dernière dans laquelle il disait : chaque pilote est rapide dans ce championnat, mais connaître la moto à la limite et en connaître chaque détail fait toute la différence. Pour les pilotes, mais aussi pour les équipes, il ne faut pas réfléchir une ou deux fois, mais trois ou quatre fois avant de remplacer un pilote ». Sans aucun doute et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les orphelins de Suzuki.