MotoE : Interview exclusive de Nicolas Goubert (Directeur exécutif de la Coupe du Monde FIM Enel MotoE)

Après avoir dirigé le service compétition Michelin en MotoGP (entre autres), Nicolas Goubert s’est lancé dans une aventure passionnante il y a un an en devenant le premier responsable pour Dorna de la nouvelle Coupe du Monde MotoE. Il est parti d’une feuille blanche pour mettre sur pieds la quatrième catégorie des Grands Prix, qui a connu un intérêt certains auprès des amateurs, à défaut d’un succès mondial auprès des fans en manque de bruit.

Nicolas, quel est s’il te plait ton bilan d’ensemble de cette première saison ?

« Très satisfait du spectacle que nous avons offert en piste car toutes les courses ont été haletantes jusqu’au dernier virage. Notre objectif était de montrer qu’il pouvait être aussi passionnant de regarder une course de MotoE qu’une course de Moto3, Moto2 ou MotoGP et je pense que le contrat est rempli. »

La moto utilisée, l’Energica Ego Corsa est alimentée par un moteur synchrone à aimants permanents, refroidi par huile, qui délivre jusqu’à 147 chevaux. Cette machine a-t-elle donné satisfaction ?

« Nous avions sélectionné Energica parce qu’ils commercialisaient depuis plus de deux ans une moto électrique sportive (« Energica Ego »). C’était (et c’est toujours) la moto la plus aboutie sur le marché et Loris Capirossi avait été élogieux à son sujet. Nous savions donc que c’était une moto performante et fiable. »

« Nous sommes partis de cette base pour réaliser la Energica Ego en changeant quelques éléments comme la batterie, les freins, les suspensions, les pneus, c’est-à-dire en l’adaptant à une utilisation circuit. »

« Le résultat a été au niveau de l’attente concernant la fiabilité (la panne de Mike à Misano était due à la pompe à eau abîmée dans sa chute de la veille) et a dépassé nos attentes en terme de performance. »

Le progrès le plus souhaitable dans cette discipline est une amélioration des batteries, que l’on attend plus puissantes et surtout moins lourdes. Est-ce en bonne voie ?

« Définitivement, le point faible est le poids des batteries et nous sommes à l’affût des évolutions technologiques. Nous sommes confiants car vu le virage pris par l’industrie automobile, les progrès viendront inévitablement. »

On s’est posé en début de saison des questions concernant la sécurité, puisqu’une moto électrique ne pose pas les mêmes problèmes en cas d’incident qu’une machine fonctionnant à l’essence. Quel est le bilan de 2019 dans ce domaine ?

« Suite à un début d’année perturbé, nous avons mis en place des mesures renforcées concernant la sécurité. Vous aurez certainement remarqué que malgré des chutes parfois spectaculaires en piste, aucune moto ne s’est embrasée et nous n’avons jamais eu besoin d’intervenir avec nos véhicules de sécurité. »

On a couru en 2019 en Allemagne, Autriche, Italie (2 fois à Misano) et Espagne (2 fois à Valence). En 2020, le calendrier évolue avec Jerez, Le Mans, l’Allemagne, l’Autriche et deux fois Misano. Pourquoi ces changements ? Et pourquoi pas plus de 6 courses au total, comme l’année précédente, alors que la Coupe du Monde FIM Enel MotoE devait se développer (« L’objectif étant ensuite de s’étendre au niveau mondial ») ?

« Notre objectif est toujours de se développer et nous passerons de 4 évènements en 2019 à cinq en 2020. Si nous continuons à croître à raison de 20% d’évènement en plus par dans le futur, dans quelques années, ce ne sera plus tenable !!! »

La plus grande course de motos électriques avant la Coupe du Monde était le Tourist Trophy. Elle était ouverte à tous les constructeurs, mais la domination de Mugen (et de son budget écrasant) a incité les organisateurs à renoncer à cette course pour au minimum les deux prochaines années. Quelles réflexions t’inspire cette décision ?

« Pour avoir des courses intéressantes il faut que les performances des machines soient proches. La technologie étant à ses débuts, si vous laissez trop de marge de manœuvre à divers manufacturiers, alors il y a une forte probabilité pour les performantes des machines soient disparates. Nous avons donc préféré initier notre championnat avec un fournisseur unique de moto, en l’occurrence Energica. »

Volkswagen (le plus grand constructeur mondial) a annoncé cesser toute activité en compétition avec des moteurs thermiques pour se consacrer exclusivement à la compétition de véhicules électriques. Penses-tu qu’il en sera un jour de même en moto ? (Ducati appartient à Volkswagen)

« VW est un constructeur généraliste qui possède plusieurs marques dans son portefeuille (comme Porsche par exemple) et donc il n’est pas vraiment difficile pour eux de faire cette annonce, qui ne concerne que la marque VW ! Je reste persuadé que nous verrons cohabiter le moteur à combustion interne et le moteur électrique sur nos routes pour la voiture comme pour la moto pendant de longues années. »