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Pris dans le rythme frénétique de ses activités aux USA alors qu’il habite toujours en France, Valentin Debise n’a plus, ou ne prend plus, le temps de rédiger des communiqués après chacune de ses courses en championnat MotoAmerica.

Toutefois, après un week-end à Pittsburgh où l’ancien pilote Moto2 a connu à la fois le meilleur et le pire, nous avons fait le point avec lui, non seulement pour savoir ce qui s’est passé, mais également pour avoir une idée de son avenir.

Lors de cet entretien, VD53 a tenu à louer l’efficacité des services de la Fédération Française de Motocyclisme…


Valentin, pour les lecteurs qui nous ont rejoint récemment, peux-tu décrire brièvement quels sont tes activités actuelles ?

Valentin Debise: « Comme depuis 3 ans, je cours dans le même team M4 Suzuki Ecstar, en 600cc Supersport dans le championnat MotoAmerica, anciennement AMA. Cette année, je me suis fait mal à Daytona lors d’une course préparatoire et j’ai raté les 2 week-ends de courses suivantes au championnat. À mon retour, j’ai gagné la première course que j’ai faite avant d’enchaîner pas mal de podiums, dont une 2e victoire le week-end dernier lors de la première course à Pittsburgh. Pour le moment, je suis remonté à la 3e place du classement général, après avoir raté 2 week-ends de course, donc 4 courses ».

Donc un bon retour depuis ta grosse chute à Daytona (voir ici), sauf que tu subis une mauvaise chute lors de la 2e course à Pittsburgh. Que s’est-il passé ?

« Il avait plu pendant la nuit et le matin sur le circuit. Le drainage, un peu comme à Silverstone, n’était pas idéal et il y avait un bout de piste sale. J’avais repéré cette zone délicate sur la trajectoire et je passais à côté, mais à un moment, en bagarre, je me suis légèrement décalé et j’ai roulé sur cette tâche. J’ai alors perdu l’arrière lors de la décélération ».

La chute a été sévère puisque tu as perdu connaissance. L’as-tu pressenti au moment où tu as perdu le contrôle de la moto, ou était-ce une chute autre «  comme les autres » ?

« Le problème, c’est que quand la chute est liée à un problème de piste, on ne s’y attend pas. Ce sont donc des chutes qui surprennent un peu plus que, par exemple, quand on perd l’avant suite à une entrée en virages un peu trop limite. Dans ce cas, on le sent venir parce qu’on est en sur-attaque. Mais là, non, je ne m’y attendais pas ».

D’où, probablement, la relative gravité de cette chute…

« Gravité, non. Je pense que la moto m’a envoyé par terre et je suis mal tombé. Avec l’inertie, j’ai tapé le casque sur le sol et j’ai été sonné. C’est juste la force de l’impact sur le sol qui m’a un peu sonné ».

Tu sais déjà si tu es en état de reprendre le championnat, ou pas ?

« Il reste deux courses, une le week-end prochain à New Jersey dans l’État de New York, et la finale qui sera à Barber. Je ne sais pas encore si je vais courir à la prochaine. J’attends de faire des examens lundi. L’année dernière, j’ai eu la chance que le docteur du team m’a fait faire avec un neurologue une baseline de comment réagissait mon cerveau. C’est un test que l’on peut faire n’importe où en France. Je vais donc refaire le même test et on comparera le nouveau, donc après un traumatisme crânien, par rapport à l’ancien, quand j’étais en forme. On verra où je me situe parce que le problème du cerveau c’est qu’on peut parfois avoir des manques d’énergie qu’on ne ressent pas forcément. Il est donc alors fortement conseillé de se reposer au lieu de repartir sur une moto, au risque de faire une sur-chute qui pourrait aggraver la situation encore plus que ce qu’elle est ».

C’est dans ce genre de situation que, comme déjà la dernière fois après Daytona, tu apprécies particulièrement l’efficacité des services de la FFM…

« Oui, tout à fait ! C’est vrai que la FFM a fait un sacré boulot en ce qui concerne les assurances. On le sait, c’est un sujet qu’ils prennent à cœur depuis des années et qui est particulièrement important quand on pilote à l’étranger. En France, avec le système médical en place et les assurances que l’on a, les hôpitaux soignent tout de suite n’importe qui. Aux États-Unis, ce n’est pas la même histoire. Quand on doit rentrer dans un hôpital alors que l’on est blessé, la première chose qu’ils demandent, même si on doit être soigné tout de suite et qu’on pisse du sang, c’est de remplir des papiers, de faire des photocopies de pièces d’identité, et de vérifier que l’on va pouvoir payer. Une fois qu’ils sont sûrs que l’on va pouvoir payer, alors ils nous prennent en charge. Dans mon cas, comme d’autres pilotes qui roulent aux États-Unis avec l’assurance de la FFM, je leur donne les coordonnées téléphoniques qui sont au dos de ma licence, et les 2 fois où cela m’est arrivé, ils appellent et le problème est réglé en 2 minutes. Je suis alors pris en charge et tout se passe au mieux. Les 2 fois où cela m’est arrivé, j’ai également dû me servir des rapatriements, et là, pareil : la personne en charge des contacts avec l’hôpital et d’organiser mon rapatriement a pu tout effectuer très rapidement et facilement. La première fois, cette personne m’a même rappelé pour s’assurer que tout allait bien. Je suis donc très satisfait, et même fier, d’avoir un support comme ça derrière moi. Il ne faut pas oublier que l’on pratique un sport à risque et il est très important d’être sûr que l’on sera bien soigné en cas de pépin ».

Donc licence FFM obligatoire pour tous les pilotes français qui courent à l’international…

« Franchement, j’ai même conseillé à mes coéquipiers américains de se renseigner pour savoir s’il leur était possible de prendre une licence FFM. Je ne sais pas si c’est possible, mais ça montre mon niveau de confiance. Personnellement, j’ai une licence FFM FIM et le championnat MotoAmerica est agréé FIM, donc il y a peut-être une possibilité. Ils ont un peu de mal à y croire, donc ils ne se sont pas renseignés. Mais ils ont tort car pour donner un ordre d’idée, si je veux être assuré à hauteur de 100 000 € pour courir aux USA, il faudrait que je paye 10 000 € par an. Avec ma licence FFM, je suis couvert à hauteur d’environ 300 000 €, alors que je paye moins de 1000 €. Le prix est donc ridicule par rapport aux avantages offerts par cette licence ».

C’est un bel éloge… Es-tu aidé financièrement par la FFM ?

« Non, car je ne fais ni un championnat mondial, ni un championnat européen. Mais ça ne m’empêche pas de les remercier, car ils le méritent ».

Revenons-en au sport proprement dit. Quels sont tes projets pour l’année prochaine ?

« Mon team veut me garder, mais j’ai fait 3 ans avec eux en Supersport. On s’entend vraiment très bien, mais je pense que pour moi, il est temps d’évoluer en 1000cc. Est-ce que ce sera avec eux ou avec quelqu’un d’autre, je ne sais pas encore. Mais j’ai fait une saison qui se passe plutôt bien, je suis régulier, je fais mon travail sérieusement et je suis pas mal dans n’importe quelles conditions. Donc je discute avec 2 ou 3 personnes et il n’y a pas de raison que je ne trouve pas un team en 1000cc avec une bonne moto ».

Vu d’Europe, il est difficile de se rendre compte de l’impact du championnat MotoAmerica aux États-Unis. Ça se développe bien ?

« Il faut savoir que Dorna est impliquée dans le MotoAmerica. Elle apporte donc son savoir-faire dans l’organisation du championnat, tout comme la FIM. Le schéma des courses est donc maintenant exactement pareil qu’en MotoGP. Il y a les shows d’avant-course, avec des présentations de pilotes, des interviews, des inside, et les courses sont diffusées en direct, tout comme les podiums et les conférences de presse sur Facebook pour que tout le monde puisse les regarder. Le niveau des retransmissions est très haut, et ça c’est donc très positif.
Par contre, le point négatif est que les droits télé appartiennent à Bein Sport depuis 2 ans. Mais c’est avant toute une chaîne de football, et pas de sport mécanique, et donc les gens qui veulent nous regarder doivent prendre un abonnement qui est assez coûteux, seulement pour regarder le MotoAmerica. Donc ça, ça bloque le grand public. Mais de ce que j’ai entendu, le fournisseur télé pourrait changer prochainement et les courses pourraient passer sur une chaîne gratuite. Si on arrive à ça, avec la même qualité d’image, je pense que le championnat va exploser. C’est comme ça aux USA : d’une année à l’autre, ça peut exploser ! J’espère vraiment que ce sera le cas, car si on génère beaucoup plus de vues, on générera aussi beaucoup plus de partenariats ».

Crédit photos : Brian J. Nelson

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