Jorge Martín est revenu pour AS.com sur cette incroyable semaine qu’il a vécue entre les deux Grands Prix. Blessé au poignet gauche le vendredi à Brno et opéré le samedi à Barcelone, il était en piste le vendredi suivant en Autriche, se qualifiait second le samedi et terminait sur le podium dimanche. Un exploit qui a fait beaucoup parler et sur lequel il s’est confié. Voici la traduction de l’interview réalisée par Mela Chércoles.
Héros, Superman… Quel autre
surnom peut-on te donner?
Je ne sais pas… Martinator ? (Rires) Ce surnom va me rester, je ne
peux rien y faire…
Que peux-tu dire d’une
journée ou d’une semaine comme celle-ci ?
Cela a été quelque chose d’incroyable. La semaine a été très dure
mais je suis parvenu à arriver jusque-là. Déjà terminer en première
ligne, mais en plus remonter sur le podium, un an après ce qu’il
m’est arrivé l’année dernière, c’est incroyable. Je suis très
content. C’est dommage que nous n’ayons pas pu nous battre avec les
KTM car il nous manque beaucoup, beaucoup de moteur. On voyait que
dans la ligne droite on me mettait cinquante mètres et je devais
tout récupérer aux freins. Mais je pense que j’ai été compétitif
même si je n’ai pas beaucoup roulé du week-end. Les réglages
n’étaient pas parfaits, mais j’ai réussi à rouler vite. La course a
été super rapide et je pense que j’aurai mes chances à Silverstone
vu que j’irai mieux.
Comment as-tu surmonté la
douleur et comment l’as-tu gérée ?
Le Warm Up a été très, très dur, car cela me faisait plus mal que
jamais. Mais ils m’ont fait une piqûre dans les fesses, et avant de
prendre le départ, j’avais plus mal là qu’à la main ! J’ai surtout
souffert dans les virages à gauche et dans les gros freinages.
Seulement, c’était le seul endroit où je pouvais compenser pour
récupérer, donc je ne pensais pas à la douleur, je pensais juste à
revenir. Le plus dur a été de me battre avec Masiá et Arenas et de
surmonter la douleur, car ils allaient deux ou trois dixièmes moins
vite et Bezzecchi s’échappait. Dès que je pouvais les doubler je le
rattrapais, mais ils me doublaient à nouveau et cela a été ainsi
durant toute la course. J’ai vu qu’Enea arrivait, mais je suis déjà
content d’avoir terminé sur le podium.
De quelle façon as-tu dû
changer ton style de pilotage ?
Et bien je l’ai changé un peu dans les virages à gauche en essayant
de ne pas trop arriver sur les freins et au contraire d’ouvrir
rapidement les gaz en sortie de virage car c’est là que j’avais le
moins mal. Dans les virages à droite j’arrivais fort sur les
freins, mais pas à gauche et c’était plus le cubitus que le radius
qui me faisait mal, car c’est là que se trouve l’œdème. La zone est
très violette et plus sensible et nous travaillons dessus pour voir
si je peux me sentir mieux.
Dans ce cas, qu’est-ce qui
est le plus difficile : gérer la douleur ou bien la tête qui nous
fait prendre moins de risques par peur de la chute ?
Au début j’ai attaqué en donnant tout ce que j’avais, mais lorsque
j’ai vu qu’il restait encore douze ou treize tours, que Bezzecchi
s’échappait et que je n’arrivais pas à le rattraper alors que je
donnais tout, là j’ai eu une baisse de régime et je me suis dit «
s’il faut que je galère comme cela à chaque tour restant, je ne
vais pas tenir. » A d’autres moments je me suis dit « je termine
quatrième et je prends les points » mais cela m’est peu arrivé. Je
suis parvenu à me surpasser et je pense que nous avons fait de
l’excellent travail.
Que dis-tu aux gens qui
pouvaient penser que c’était une folie de venir rouler et qu’il
fallait que tu restes chez toi afin de ne pas aggraver ta blessure
et de te sentir mieux à Silverstone ?
J’ai vu Pol (Espargaró) très mal à l’hôpital mardi et je me suis
dit « nous sommes des gladiateurs. » Cela m’a marqué. Je reconnais
que ce jour-là je pensais que c’était impossible, je n’avais pas
prévu de venir en Autriche. Au final, terminer là où je termine est
quelque chose d’impossible à comprendre pour les gens qui ne font
pas de sport, mais il y a eu beaucoup de travail derrière. Cela a
été une rééducation très rapide.
Tu allais arriver à
Silverstone avec trente points de retard, et tu en auras finalement
douze. Cela va beaucoup te motiver, non ?
Je savais que cela allait être très dur de ne pas être présent et
de devoir regarder la course depuis chez moi en sachant que
Bezzecchi avait de grandes chances de gagner sur cette piste.
C’était probable que j’allais avoir vingt-huit points de retard,
mais ce n’était pas non plus une catastrophe car le Championnat est
encore long. C’est cependant bien mieux de n’arriver qu’avec douze
points à rattraper.
A Brno, Canet et Di
Giannantonio se sont rapprochés au Championnat, et là ils sont plus
loin alors que le week-end a été si difficile pour
toi.
Pour Canet je m’y attendais, mais je voulais que Diggia soit loin
car dernièrement c’est un peu compliqué entre lui et moi. Mon
objectif était de casser le groupe afin qu’il ne vienne pas. Je ne
voulais pas non plus d’Enea, mais il avait un rythme incroyable. Je
crois que c’est important qu’ils restent derrière, surtout que dans
ces conditions, ne pas me battre avec eux me motive beaucoup.