Début mai, Philipp Oettl
s’est imposé pour la première fois de sa carrière sur le tracé de
Jerez, offrant ainsi à l’Allemagne sa première victoire dans la
catégorie depuis Sandro Cortese en 2012. L’Allemand, qui venait
tout juste de fêter ses 22 ans, s’est ainsi offert un très beau
cadeau d’anniversaire !
Pilote discret mais pourtant toujours aux avant-postes,
Philipp Oettl progresse d’année en année au sein de
l’équipe Sudmetal Schedl GP Racing en jouant très souvent
placé. Nous l’avons rencontré afin de découvrir son parcours et sa
carrière dans un entretien exclusif.
Quand as-tu commencé à
rouler ?
J’ai toujours été entouré de motos puisque mon père (Peter Oettl,
ndlr.) était pilote, et j’adorais cela. Pour moi, regarder une
course le dimanche, c’était comme Noël ! Je voulais absolument
rouler moi aussi, alors mes parents en ont discuté et ont décidé
que je ne commencerais pas avant l’âge de cinq ans. Le jour de mon
anniversaire, nous avons appelé mon père qui était en déplacement
et je lui ai demandé « où est ma moto ? » Cela a commencé
ainsi.
A quels championnats as-tu
participé avant d’arriver en Mondial Moto3 ?
J’ai pris part aux championnats autrichiens de SuperMoto car je vis
au Sud de l’Allemagne, près de la frontière, or les courses
allemandes étant souvent loin, c’était plus pratique d’aller en
Autriche. Le niveau y était très élevé car ce sont les terres de
KTM. J’y ai eu quelques succès, puis en 2009 nous avons décidé avec
mon père de participer à l’ADAC Junior Cup. J’ai terminé deuxième
et suis ensuite parti pour le Championnat Allemand 125cc en 2010.
J’ai également participé aux sélections de la Rookies Cup,
uniquement pour tester la moto et non pour véritablement
participer, mais j’ai finalement été pris et y suis resté jusqu’à
mon arrivée en Mondial.
Tu es arrivé dans le
Championnat du Monde Moto3 en 2013. Raconte nous comment se sont
passées ces années.
Lors de ma première année j’ai été très régulier, et ai même passé
un cap après la pause estivale en me battant devant. Je suis
parvenu à terminer quatre fois dans le top 10 lors des dernières
courses. Malheureusement ensuite en 2014 j’ai commis pas mal
d’erreurs et cela a vraiment été la pire année de ma vie. A la fin
de la saison, ma carrière était considérée comme terminée. Mes
mauvais résultats m’empêchaient de convaincre des teams et des
sponsors de me suivre. Finalement nous sommes parvenus à trouver de
l’argent et une moto pour faire la saison 2015 dont nous avions
besoin. Nous avons bien progressé, jusqu’à monter sur le podium
pour la première fois à Indianapolis, ce qui a forcément aidé pour
2016. Cette année-là a été bonne, mais je me suis fracturé le
poignet, ce qui m’a pas mal handicapé, et ensuite en 2017 cela a
été l’épaule. Et aujourd’hui nous en sommes là.
Quel bilan tires-tu de ces
dernières années ?
Ces trois dernières années n’ont pas été faciles, j’ai pas mal
souffert, mais j’ai aussi énormément appris et cela m’a rendu plus
fort. Je sais que c’est ma sixième saison, mais parfois il faut du
temps pour y arriver, et spécialement pour les pilotes allemands.
Lorsqu’en plus tu enchaînes les blessures, cela n’aide pas. Mais
aujourd’hui je me sens bien.
Je ne crois pas en la chance. Pour moi on récolte ce que l’on sème.
Il peut bien sûr y avoir des facteurs qui entrent en jeu, mais tout
repose principalement sur nous-mêmes. C’est à nous de provoquer
notre chance, comme nous pouvons également provoquer notre
malchance.
Cette chance tu l’as
provoquée à Jerez puisque tu t’es imposé pour la première fois.
Qu’as-tu ressenti lorsque tu as passé la ligne d’arrivée en tête ?
Et lorsque l’hymne allemand a retenti ? Il se fait plutôt rare en
Grand Prix…
C’était une sensation parfaite, surtout en ce moment où je me sens
vraiment bien avec mon équipe. Les deux premières courses ont été
compliquées, nous n’avons pas marqué de points, alors c’était
génial d’en marquer beaucoup et de cette façon. Au-delà de son
importance, la victoire a aussi été pleine d’émotion car c’est ma
sixième année et nous avons connu des saisons difficiles.
J’ai revu la course et c’est vrai qu’à la télévision on avait
l’impression que Bezzecchi était très proche de moi, mais sur le
moment je n’ai pas eu cette sensation, donc j’ai imprimé mon rythme
et fait ma course.
Pour ce qui est de l’hymne, c’est vrai que c’était assez nouveau
pour tout le monde de l’entendre (rires). Mais je pense que c’est
quelque chose qui est plus important pour d’autres pays, pour moi
la véritable émotion a été lorsque j’ai franchi la ligne d’arrivée
et que je suis ensuite allé au parc fermé.
Tu t’imposes enfin pour ta
sixième année dans le Mondial. Où as-tu trouvé la motivation durant
tout ce temps ?
C’est vrai que j’ai parfois douté de moi-même, surtout après mes
blessures. Lorsque tu te bats devant pour enfin décrocher ta
première victoire, que tu chutes, que tu te casses le poignet et
qu’il te faut beaucoup de temps pour t’en remettre, le doute
arrive. Ensuite la clavicule… Mais je suis parvenu à faire de
bonnes courses alors j’ai oublié les mauvaises et cela m’a
motivé.
Ton père est propriétaire
et team manager de ton équipe, quels sont vos rapports sur les
Grands Prix ?
Mon père a beaucoup d’expérience, déjà en tant que pilote, et
ensuite en tant que manager, puisqu’il l’a souvent été. Au début,
il me conseillait beaucoup, mais depuis que je suis en Mondial, il
le fait moins car j’ai plus d’expérience. Nous essayons de séparer
le professionnel du personnel. Bien sûr, ce n’est pas simple car
c’est mon père, mais sur un Grand Prix c’est avant tout mon patron
et nous travaillons ensemble dans la même direction. Cela me va et
je suis très heureux comme cela. J’ai une bonne équipe, du bon
matériel, d’excellents mécaniciens et nous faisons des résultats.
Je n’ai rien besoin de changer.