Aujourd’hui, on ne va vous parler ni de Sébastien Gimbert, ni de sa longue et fructueuse carrière, mais de son actualité, qui se concentre actuellement principalement sur celle de son fils Johan, champion de France Supersport 2023.
En effet, à ce point stratégique d’un parcours que l’on souhaite long à ce dernier, père et fils ont décidé de viser le plus haut niveau, c’est à dire les Grands Prix Moto2, délaissant ainsi la voie naturelle se dirigeant vers le Supersport mondial. Pourquoi ? Comment ? Avec quels risques ? On voulait tout savoir…
Sébastien Gimbert : « Aujourd’hui, j’ai rencontré un un team qui m’a énormément séduit, qui s’appelle PromoRacing, qui me propose de prendre Johan dans des conditions particulières, parce qu’ils ne me parlent pas que de faire rouler Johan, ils me parlent de faire de Johan un futur pilote de Grand Prix. C’est à dire qu’aujourd’hui pour ma part, je l’ai emmené là où je pouvais l’emmener. Pour aller au-delà il faut qu’il passe dans une structure comme celle-ci qui est un peu une mini VR 46 espagnole et qui a déjà des accords déjà avec le circuit de Barcelone. Eux, ils continuent le travail pour aller encore au-delà de ce que moi j’ai pu lui apporter jusqu’à aujourd’hui. C’est à dire que là maintenant, si j’arrive à l’emmener là-bas, il va y avoir un travail qui va être créé en Supermotard, en flat track, en mini GP, en karting, avec des grosses motos, pour pouvoir lui permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles afin d’atteindre le niveau qui devrait être le sien dans quelques années. Le but pour moi, c’est qu’il y a 2 ans qui vont être déterminants pour lui, pour que d’ici 2 ans il soit capable d’aller en Grand Prix, et pas que d’aller en Grand Prix, pas de faire ce que moi j’ai pu y faire, c’est d’aller en Grand Prix pour y performer. »
C’est plutôt une bonne nouvelle ça, parce que jusqu’à
présent tout le monde se disait qu’il n’y a pas de relève. Là, il y
a un espoir de relève, on va pas dire qu’il y a une relève, mais un
espoir de relève en tout cas…
« Oui. Alors te dire que ça
va marcher, je n’en suis pas certain, te dire que ça ne va pas
marcher, je n’en suis pas certain, parce que je connais le mien, je
sais sa manière de s’adapter, de travailler. Donc je sais
qu’aujourd’hui ce n’est pas un feignant et on a la possibilité de
le faire. Par contre moi je viens d’un milieu modeste, j’ai gagné
ma vie mais je n’ai pas gagné ma vie comme un pilote de Grand Prix,
j’ai gagné ma vie en endurance et j’ai un magasin d’accessoires
motos mais je ne roule pas sur l’or non plus. Donc si aujourd’hui
si on parle bien de moyens financiers, pour pouvoir mettre un
pilote dans une top équipe, parce que l’idée n’est pas de l’envoyer
là-bas dans une équipe moyenne, j’essaie de tout réunir pour
pouvoir intégrer cette équipe qui nous propose une formation. C’est
une structure qui depuis dix ans ne fait que entre premier et
troisième du championnat. »
Oui, Promoracing est là depuis avant le début du Moto2 et avait même construit un prototype à moteur Yamaha, avant que Honda ne rafle la mise…
« C‘est ça, et ces pilotes là avant ça s’occupaient du RACC (Royal Automobile Club de Catalogne). Je ne sais pas si tu te rappelles, RACC c’était une école de formation qui a fait monter les frères Espargaro, les frères Marquez, et cetera, enfin tous les anciens pilotes espagnols passaient par cette formule de de promotion. Raul Jara, c‘est quelqu’un qui s’est occupé de Dani Pedrosa au tout début, donc ce sont des gens qui connaissent très très bien le milieu et aujourd’hui leur volonté c’est de créer des pilotes qui vont en Grand Prix. »
Les titres remportés par les pilotes RACC dans ce Championnat du Monde MotoGP confirment le succès dans la promotion des jeunes talents motocyclistes initié de longue date par le RACC. Dans ce travail discret, le RACC a eu le soutien d’entités comme la Federació Catalana de Motociclisme ou Monlau Competición, ainsi que de managers professionnels comme Emilio Alzamora, Guim Roda, Dani Amatriain, Ricard Jové ou Dani Devahive, certains d’entre eux également anciens pilotes du RACC.
« Johan ne fait pas partie du Collectif Vitesse de la Fédération parce qu’il a 18 ans, alors que moi je fais partie des pilotes “fédéraux” : s’il n’y avait pas eu la fédération derrière moi, je n’aurais jamais fait la carrière que j’ai pu faire. J’ai eu la chance de pouvoir être pilote de l’équipe de France, donc ça a été pour moi la chance de ma vie. Là, en fait, la fédération a essayé pendant un moment plusieurs solutions. Alors bonnes, pas bonnes, je n’en sais rien et je ne suis pas là pour juger, mais je suis simplement en train de dire qu’aujourd’hui en tout cas, ce qu’ils sont en train de mettre en place avec le MiniGP et les futurs champions, c’est la bonne solution. Par contre, aujourd’hui, le problème c’est qu’on a un gamin qui n’est pas rentré dans ce Collectif, Johan parce qu’il a 18 ans, et là on a besoin de la Fédération, on a besoin des acteurs majeurs de la moto pour pouvoir permettre à Johan d’accéder à ce niveau-là. Parce que malgré tout ça pourrait être aussi une chance pour lui d’y arriver et peut-être aussi de permettre à la France de briller dans un futur proche. »
Comme Johann Zarco et Fabio Quartararo, Johan a
paradoxalement fait l’essentiel de sa formation en dehors de la
France, mais reste avant tout un pilote
français…
« C’est ça, il a commencé
en Espagne et ça fait 2 ans aujourd’hui qu’il est en France, là où
il a appris à rouler sur la 600, mais ce qui est un peu fou, c’est
que c’est grâce au championnat de France, grâce à son titre de
championnat de France, mais aussi grâce à ce que la Fédération a
mis en place, comme la wildcard gérée par Christophe Guyot, que ces
gens-là ont été intéressés par Johan. Aujourd’hui, le niveau est
relevé et les pilotes français intéressent, alors que ce n’était
pas le cas jusqu’à maintenant. Jusqu’à maintenant, c’était plutôt
si tu étais espagnol ou italien, là maintenant ce n’est seulement
le cas. Alors OK, ce n’est peut-être pas la Fédération qui
l’emmènera dans une équipe fédérale, mais la fédération peut nous
aider à intégrer une équipe qui permettrait justement à Johan,
pilote français sous licence française, d’intégrer peut-être plus
tard les Grands Prix. Il y a 6 ans, Johan attaquait la moto. En 6
ans, il a énormément évolué, il a énormément appris et il peut être
à la porte des Grands Prix. Il y a une carte à jouer et il faut la
jouer. J’ai un budget à réunir et j’espère que les acteurs majeurs,
c’est à dire la Fédération, un organisateur de Grand Prix comme
peut l’être Claude Michy ou nos industriels
nationaux dans les hydrocarbures y seront sensibles. S’ils
n’investissent pass à travers Johan, ça va m’être difficile de le
mettre en championnat d’Europe
Moto2. »
Tu en es où de ton budget pour aller en championnat
d’Europe?
« Alors j’en ai réuni une
bonne partie mais aujourd’hui il m’en manque. En plus, on a des
dates butoirs qui arrivent très prochainement donc il faut que
j’arrive à trouver ce budget là assez rapidement. Donc je suis en
train de me démener, et je ne te cache pas que je travaille jour et
nuit pour essayer de réunir ce budget, mais franchement ce n’est
pas facile, parce qu’on arrive dans un moment où tout est
compliqué. Trouver de l’argent aujourd’hui ? Bah ce n’est pas
simple. »
Ca rejoint la deuxième question que j’allais te poser,
c’est à dire s’il y a une date butoir, quand est-ce que tu vois la
décision finale prise ?
« Je pense qu’à la mi-novembre on saura si Johan va sur
du Moto2 ou du 600 Supersport, mais honnêtement que ce soit l’un ou
l’autre, c’est déjà une très très belle aventure. Attention, je ne
néglige pas les 600 Supersport, parce qu’on peut peut-être revenir
comme le fait Manuel Gonzalez, mais je trouve
qu’aujourd’hui, à l’âge de Johan, franchement il y a quand même
autre chose à tenter. »
Comme le dit justement Sébastien Gimbert, ne pas viser le plus haut ne correspondrait pas au mental d’un compétiteur, surtout si celui-ci a rapidement et brillamment franchi les premières marches du long et difficile escalier. Souhaitons que les décideurs soient sensibles à cette opportunité et que Johan puisse au moins défendre ses chances dans l’anti-chambre des Grands Prix…