Rarement on aura vu en conférence de presse un vainqueur de course aussi peu heureux de sa victoire !
En effet, Andrea Dovizioso, au terme de ce Grand Prix d’Australie remporté sous la pluie, n’a pas caché qu’avec le niveau de compétitivité montré cette année par les Ducati, il regrettait de ne pas réellement pouvoir défendre ses chances pour le titre lors de la dernière manche à Valence.
Même si jamais rien n’est écrit d’avance, il ne fait aucun doute dans l’esprit du pilote italien qu’avec 21 points de retard, seul un fait de course pourrait lui apporter la consécration.
Ses propos, et ses nombreux silences, transpirent de regrets et d’un fatalisme certains, et contrastent avec la joie du vainqueur exprimée sur le podium quelques minutes auparavant…
Comme à notre habitude, nous reportons ici l’intégralité des propos du pilote de façon brute, donc sans aucune mise en forme ou déformation journalistique.
Avec cette 6e victoire , vous ne pouviez pas passer un meilleur week-end, n’est-ce pas ?
Andrea Dovizioso : « oui, c’est vraiment bien d’être en mesure de vous répondre ‘oui’, car nous avons fait un week-end parfait. Nous avons été très rapides dès la première séance d’essais, quelles que soient les conditions, et c’est très difficile d’être fort et rapide, d’être au sommet lors de toutes les séances et dans toutes les conditions. Le team a fait un super travail car nous avons amélioré sur le sec séance après séance, et nous avions un bon rythme pour la course. Nous étions en mesure de nous battre pour la victoire. Et sur le mouillé, nous savions que notre moto fonctionnait très bien. L’adhérence était vraiment faible durant la course et pire que durant les essais, peut-être parce qu’il y avait beaucoup de gomme au sol après les séances d’essais et les courses des Moto2 et Moto3. Au début, j’ai pris mon temps pour redevenir coulé, car je n’étais pas si confiant et si à l’aise que lors des essais. Donc j’ai pris mon temps, et heureusement, personne ne m’a poussé derrière. J’ai donc pris mon temps pour essayer de comprendre mes points positifs et améliorer mes points négatifs. J’ai pu rattraper Jorge qui était très rapide aujourd’hui, et j’ai dû rester très concentré pour rester avec lui. »
Vous êtes encore à 21 points derrière Marc Márquez pour le championnat…
« Je ne m’attendais pas à être aussi
compétitif ce week-end. Et lors de nombreux week-ends durant cette
année, personne ne s’attendait à ce que nous soyons là. Nous devons
donc garder les choses positives comme nous l’avons fait avant de
venir ici, et essayer d’être rapides. C’est la première chose.
Après cela, nous pourrions parler de stratégie mais nous ne pouvons
pas faire de stratégie : nous devons juste essayer de gagner et
nous savons que Valencia n’est pas le meilleur endroit pour nous.
En particulier, Marc y est vraiment fort. Mais cette année, tout
peut arriver durant un week-end, vous ne connaissez jamais la
météo, donc… nous savons que c’est difficile, mais…
Nous sommes relax, nous étions relax avant ce week-end et nous nous
rendrons à Valencia d’une manière relax et essaierons d’y faire le
maximum. »
Avez-vous regardé sur les écrans géants pour savoir où se trouvait Marc ?
« Mmmm… je ne pouvais pas très bien voir les écrans car l’adhérence du train avant était très faible. J’ai dû rester concentré toute la course, donc j’ai vu que Marc était quatrième, mais je ne savais pas s’il était proche de Zarco. Mais quand j’ai doublé Jorge, j’ai vu sur son panneau que le pilote derrière lui était Zarco, donc c’était positif. »
Comment imaginez-vous l’état d’esprit de Marc en ce moment ? Subit-il plus de pression ?
« Je ne le pense pas. Même aujourd’hui,
après un week-end difficile, il arrive quatrième, comme il l’a fait
cette saison. Il a fait une saison incroyable et même quand il est
dans une mauvaise situation, il fait une bonne position. C’est
pourquoi il est premier au championnat. Nous allons à Valencia et
c’est un bon circuit pour lui, et je pense que Honda y a bien
travaillé. Je pense aussi que nous pouvons y être compétitifs, mais
pour gagner 21 points, il faudrait qu’il se passe quelque chose.
Donc…
Oui, la pression lors de la dernière course, en Espagne, et
assurément elle est plutôt lourde, mais … (Dovi fait la moue) il
l’a déjà fait dans le passé. »
Vous avez échappé à la première balle de match. Comment abordez-vous la course de Valence ?
« Comme je l’ai dit avant, nous avons tous fait parfaitement et ce n’était pas facile. Je suis très heureux de cela, pour montrer à tout le monde notre travail et que nous pouvons vraiment être compétitifs sur ce circuit difficile, sur le sec et sur le mouillé. Mais comme je l’ai dit avant, nous avons beaucoup de points à rattraper à Valencia et je pense que Marc sera compétitif dès le début. Ce sera donc difficile mais la seule chose que nous pouvons faire est d’essayer d’aborder Valencia de la même façon qu’ici, et d’essayer d’être rapides et compétitifs, et d’essayer de gagner la course. Ce que Marc peut faire est dans ses mains, pas dans les miennes. »
Est-ce que cette victoire rend votre résultat en Australie encore plus regrettable ?
« Oui, je suis très en colère à propos de Phillip Island. Et ce qui s’est passé à Phillip Island, bien sûr j’aurais pu marquer plus de points si je n’avais pas fait l’erreur que j’ai commise au deuxième tour, mais les Ducati n’étaient pas rapides là-bas. Personne n’était rapide, c’est la réalité. Donc si nous n’étions pas rapides, c’est que cela correspondait à la réalité. Vous ne pouvez pas changer la réalité ! Donc oui, aujourd’hui je ne suis pas aussi heureux de cette victoire que pour les autres victoires, parce que oui, nous ressentons que nous sommes forts, et si vous regardez le championnat avec un peu de recul… (silence), c’est la réalité. Donc tout le monde peut faire les choses un petit peu mieux mais je pense que nous devons être très heureux de ce championnat cette année. »
Jorge Lorenzo est-il le meilleur coéquipier que vous ayez eu dans votre carrière ?
« (Rires). Je l’ai dit l’année dernière dès Valencia : je me suis immédiatement senti bien avec lui, car contrairement à ce qui est arrivé dans le passé, il n’a pas essayé de faire des mauvaises choses contre moi, ou essayé de créer une situation étrange dans le box. Il est extrêmement concentré sur lui-même et sur son travail avec l’équipe. C’est comme si je ne le ressentais pas comme un coéquipier, car chacun regarde son chrono tout le temps sur les écrans, vous faites la comparaison, son style de pilotage est différent, chacun peut apprendre de chacun, mais je n’ai aucun problème avec ça. Il a son caractère mais il ne me crée aucun problème. Donc de ce point de vue, assurément ! Car je suis un garçon calme et je ne veux pas créer une situation étrange avec quiconque. Je suis heureux de cela.Donc de ce point de vue, assurément ! Mais j’ai eu de la chance car j’ai eu également de bons coéquipiers dans le passé. Pas tout le monde (rires) mais… à cette époque, c’était une histoire complètement différente. La situation était que nous luttions pour la place chez Ducati et il est arrivé ce que chacun a pu voir (rires). Déjà, je pense que Jorge est un garçon intelligent, ce qui explique ce qui s’est passé aujourd’hui. Je pense qu’aujourd’hui, il était vraiment à la limite. J’ai perdu l’avant quand j’étais tout seul, il a perdu l’avant quand il était tout seul, l’adhérence était très faible, si vous vouliez attaquer il n’y avait pas de marge pour essayer de jouer. Donc je pense qu’il a très bien piloté jusqu’aux trois quarts de la course, je l’ai vu essayer et faire quelques erreurs car il manquait un peu d’adhérence à l’arrière, ce qui lui créait plus de problèmes à l’avant. J’ai pu le voir dès le premier tour, donc je savais tout dans les détails, alors qu’il ne pouvait pas me voir. Il était donc plus rapide à certains endroits mais j’étais plus rapide à d’autres. Je pense qu’aujourd’hui, avec des conditions différentes, il aurait davantage pu se battre que ce qu’il a fait aujourd’hui, mais je pense que nous avons attaqué au maximum jusqu’à quatre tours de la fin. »
Vous êtes maintenant très rapide sur beaucoup de circuits, sur le mouillé et sur le sec. Diriez-vous que la Ducati est une moto parfaite ?
« Malheureusement, une moto parfaite n’existe pas. Chaque moto a ses caractéristiques, positives et négatives. Pour avoir un très bon bilan, vous devez être rapide sur chaque circuit, dans toutes les conditions. Cette année, notre base est assurément meilleure. Si nous sommes seconds au championnat, assurément, notre moto est bonne. Mais la façon dont vous gérez le week-end et la façon dont vous gérez la moto fait encore une grande différence. Notre moto n’est pas facile, vous n’avez qu’à demander à Jorge : cela lui a pris du temps pour s’adapter à une moto complètement différente que celle avec laquelle il pilotait jusqu’à maintenant. Vu de l’extérieur, quand vous faites un bon résultat, la moto paraît très bonne, mais avec mon expérience, je peux dire que ce n’est pas comme ça. Un pilote rapide peut masquer les points négatifs de la moto. Il est donc impossible, vu de l’extérieur, de connaître exactement où sont les points positifs et négatifs de la moto. Quoi qu’il en soit, notre moto est très bonne, et les résultats vraiment réguliers. Malheureusement, parfois, nous avons fait 9e ou 10e, ou 13e à Phillip Island, et cela nous a coûté dans notre lutte pour le championnat. Mais cela dépend de la façon dont vous voulez regarder : nous avons gagné six courses. »
Dans les jours à venir, allez-vous penser aux deux points que vous est perdus dans la dernière ligne droite, avec Redding et Pedrosa ?
« (Rires). Oui, mais c’est la course. Je suis rentré dans le virage devant eux et je n’avais plus aucune motricité. J’ai essayé de tout faire avec mon style et ma stratégie, mais je n’avais aucune adhérence. C’est la compétition ! Chacun doit faire un résultat pour lui-même. Maintenant, c’est facile de dire « dans certaines course, j’aurais pu… ». À Assen, j’ai terminé cinquième et j’aurais pu terminer troisième avec la vitesse que j’avais. Sur certains autres circuits, j’aurais pu finir un peu mieux, mais dire quelque chose comme ça ne changera pas le nombre de points. Le championnat est comme ça (il tape du poing sur la table), ce que chacun a fait. Comme je l’ai dit avant, je ne me sens pas extrêmement heureux de la victoire d’aujourd’hui, car nous nous sentons forts mais nous n’aurons pas tellement de cartes à jouer lors de la prochaine manche. Mais ce que Marc a fait cette saison est quelque chose d’incroyable, comme par le passé. Ceci est la réalité, et si nous n’avons pas pu faire de meilleurs résultats, cela signifie que nous n’avons pas pu être meilleurs. Donc si Marc remporte le championnat, cela signifie qu’il était le meilleur dans ce championnat. »
Crédit photo : MotoGP.com