Dans cette rubrique, nous n’allons pas directement évoquer les
Grands Prix motos. À la place, nous allons plonger dans l’histoire
de la plus prestigieuse course au monde : Le Tourist
Trophy. La simple évocation de ce nom donne des frissons à
certains passionnés. Petit rappel, pour les nouveaux. Le
« TT » est une course mythique, prenant
place chaque année sur l’île de Man, une petite dépendance autonome
située entre l’Angleterre et l’Irlande du Nord. Elle se déroule sur
un circuit de plus de 60 km, tracé à même les routes, depuis
1907.
Toutes les grandes histoires sont similaires, de près ou de loin.
Après s’être intéressés au protagoniste principal
Joey Dunlop ainsi qu’à son frère Robert, anti-héros
charismatique, penchons-nous sur l’oublié Steve
Hislop. Troisième acteur d’une saga épique, l’écossais
incarne parfaitement le rôle du génie de l’ombre, respecté de
tous.
Il ne vous dit sûrement rien et c’est normal : Son nom n’a pas
traversé les époques comme certains évoqués précédemment. Pourtant,
quel pilote. L’histoire, pour le moins tragique, débute en 1962.
Steve naît dans une famille ouvrière, dans le petit village de
Chesters.
Située au Sud de l’Écosse, la bourgade est directement en contact
avec les courses sur route, véritable religion en Grande Bretagne.
Son père pousse ses deux enfants Steve et
Garry à faire de la compétition.
Seulement un an sépare les deux larrons, qui traînent toujours
ensemble. Malheureusement, la faucheuse ne tarde pas à frapper à la
porte des Hislop. En 1979, le père Sandy décède d’une crise
cardiaque, alors que ses deux fils ne sont pas encore majeurs.
La nouvelle est terrible, mais les enfants sont d’ores et déjà
piqués par l’adrénaline. Ainsi, les courses se poursuivent jusqu’au
drame. En 1982, Garry Hislop meurt dans une
épreuve sur le circuit de Silloth, au Nord de
l’Angleterre.
Steve est terrassé. À seulement 20 ans, c’est dur à encaisser. Ce
dernier se réfugie dans l’alcool et sombre dans une violente
dépression. Après un an de galère et d’errance, Steve renaît de ses
cendres. Il s’inscrit au Manx Grand Prix
(antichambre du Tourist Trophy), et déjoue les pronostics en
terminant deuxième.
Rapidement, son nom se fait connaître régionalement. À l’instar
de bon nombre de ses camarades, Steve est un excellent pilote sur
circuit. Au cours de sa carrière, il remportera par deux fois le
très relevé championnat BSB.
En 2002, année de son deuxième titre BSB, il réalise un tour de
force inédit à Donington. Avec sa Ducati modifiée, il réussit à
tourner plus vite que les MotoGP de Biaggi, Rossi et consort.
À peine croyable.
Certes, son aptitude sur circuit n’est pas à discuter. Revenons
tout de même sur la course routière qui fit sa légende.
Nous sommes au départ du Tourist Trophy 1992. Carl
Fogarty, sur une Yamaha sponsorisée par Loctite, fait
figure d’épouvantail. « Foggy » connaît bien Hislop : Ce sont les
meilleurs ennemis, animés par une haine de la défaite sans pareil.
« Le Haggis volant », lui, doit se contenter
d’une Norton 588 beaucoup moins performante, pour rester
correct.
La machine de Fogarty n’était pas très saine, mais tout de même
supérieure à celle de son rival. Durant cette course dantesque, les
deux hommes ne se lâchent pas d’une semelle.
Devant un public médusé, nos héros battent le meilleur chrono de
l’histoire du TT tour après tour, sur deux humbles machines. Au
final, « Hizzy » passe la ligne en tête huit
secondes devant Carl Fogarty, qui prend le record. Le troisième, en
la personne de Robert Dunlop, termine à plus de deux minutes. Cette
course, souvent décrite comme la plus grande de toute l’histoire du
Tourist Trophy, entre immédiatement dans l’histoire.
Au cours de sa carrière, notre écossais s’imposa à 11 reprises au
TT. Malheureusement, le pire était à venir. En 2003, Hizzy fut
victime d’un accident à bord de son propre hélicoptère, qu’il
aimait piloter. Une fois de plus, le monde des courses sur routes
fut attristé, amputé de l’une de ses plus brillantes étoiles.
De la dépression et l’alcoolisme à la victoire au Senior TT.
Le parcours de Steve Hislop est fantastique,
héroïque. Un talent torturé, qui n’a rien à envier aux
meilleurs pilotes moto de tous les temps.
« Hizzy aurait pu gagner le Tourist Trophy tous les ans. »
Carl Fogarty
Photo de couverture : Christof Berger