Dans cette rubrique, nous n’allons pas directement
évoquer les Grands Prix motos. À la place, nous allons
plonger dans l’histoire de la plus prestigieuse course au monde :
Le Tourist Trophy. La simple évocation de ce nom donne des frissons
à certains passionnés. Petit rappel, pour les nouveaux. Le «
TT » est une course mythique, prenant place chaque
année sur l’île de Man, une petite dépendance autonome située entre
l’Angleterre et l’Irlande du Nord. Elle se déroule sur un circuit
de plus de 60 km, tracé à même les routes, depuis 1907.
Dans la famille Dunlop, je demande le frère.
Robert, dans l’ombre de
Joey, n’était pas moins talentueux. À coup sûr, l’un
des destins les plus incroyables de l’histoire de la moto.
Né en 1960 à Ballymoney, il baigne dans le monde
des courses sur route depuis sa tendre enfance. C’est sur des
circuits courts que se révèle son talent à la fin des années 1970,
avant de passer professionnel au début des années 1980.
Rapidement, le Manx Grand Prix puis le
Tourist Trophy lui tendent les bras. À la suite
d’une incroyable chevauchée, il s’empare de la première place du
classement « newcomers junior » (les rookies) avec
le nouveau record en 125cc.
C’est l’explosion. Tout réussit au populaire Robert, sans doute
plus à l’aise devant les caméras que son frère Joey. Pendant qu’il
enchaîne les succès sur son tracé fétiche, celui de la
Cookstown 100, il devient internationalement connu.
1989 marque un tournant dans sa carrière. Non content d’avoir
remporté sa première « vraie » course au TT catégorie 125cc, ou «
ultra lightweigh », il triomphe à l’occasion du
Grand Prix de Macao, devant des machines plus
puissantes.
On le sait : La vie, pour ces pilotes, ne tient pas à grand-chose.
Ainsi, l’impitoyable loi du Tourist Trophy ne
favorise personne, même les plus braves. Durant l’édition 1994,
l’irlandais du nord est victime d’une effroyable accident au guidon
de sa Honda RC45.
Certains l’ont vu mort, mais pas lui.
Miraculeusement et au plus grand étonnement des médecins, Robert
était bien vivant mais dans un sale état. Le diagnostic est sans
appel : Avec une jambe en miettes, une pléthore d’os cassés et
autres traumatismes, il ne pourra plus jamais piloter.
Ses fils William et Michael n’ont
encore que neuf et six ans, mais doivent vivre avec un père
handicapé à vie. C’était mal connaître le bougre. Deux ans plus
tard, le revoilà déjà sur une moto. Dans la souffrance et
l’incapacité de se servir de sa jambe, il court dans la douleur
mais monte à nouveau sur le podium du TT en 1997, avant de
remporter l’épreuve 125cc en 1998.
Le tour de force ne plaît pas à tout le monde, et son cas sera même
discuté par l’Assemblée d’Irlande du Nord, à cause d’évidents
problèmes d’assurances et d’éthique. Robert dit vouloir mettre un
terme à sa carrière fin 2004, mais il n’en est
rien.
Quelques nouvelles opérations plus tard (toujours en lien avec son
accident de 1994), il remonte sur la plus haute marche du podium
lors de la North West 200 2006. Sa 15e victoire sur le
triangle sera la dernière.
Dunlop décida de prendre le départ de la course de trop. À
48 ans, il s’aligna à la North West 200 2008, aux côtés de
ses deux fils en catégorie 250cc. Robert s’était interdit de
reprendre le guidon d’un quart de litre, plus puissant et lourd
qu’une 125cc.
En qualifications, Robert serre son moteur et commet une
erreur irréparable. Son levier d’embrayage est situé du
même côté que le frein avant, car adapté à son physique diminué.
Dans la précipitation, il se trompe de levier et chute lourdement à
terre, à environ 300 km/h.
Darren Burns, juste derrière, ne peut l’éviter et percute le corps
à pleine vitesse. Robert décède de ses blessures à l’hôpital le
plus proche. Son deuxième fils Michael remporte tout de même la
course à la suite d’une bataille légendaire, qui mérite un article
à part entière.
Robert Dunlop fut enterré à côté de son frère, dans la
terre de Ballymoney. Une terrible perte, qui met en avant
le dévouement et la passion d’un homme. Peu importe les blessures,
la souffrance, Robert courrait. Un drogué d’adrénaline, mort de sa
passion. Une vie vécue, magnifique et respectable à tous
points de vue.
Photo de couverture : Christof Berger