Dans cette nouvelle rubrique, nous n’allons pas
directement évoquer les Grands Prix motos. À la place,
nous allons plonger dans l’histoire de la plus prestigieuse course
au monde : Le Tourist Trophy. La simple
évocation de ce nom donne des frissons à certains passionnés. Petit
rappel, pour les nouveaux. Le « TT » est
une course mythique, prenant place chaque année sur l’île de Man,
une petite dépendance autonome située entre l’Angleterre et
l’Irlande du Nord. Elle se déroule sur un circuit de plus de 60 km,
tracé à même les routes, depuis 1907.
Le sujet du jour est assez parlant. Le plus grand pilote de
l’histoire du Tourist Trophy, tout simplement.
Pour certains, Joey Dunlop est un dieu, un diamant
brut. Y’en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler, comme dirait
l’autre. En réalité, c’était un peu de tout ça.
Nous parlons aujourd’hui d’un mythe qui mange à la table des
Valentino Rossi, Giacomo Agostini
ou Mike Hailwood. Joey, de part sa nature réservée
incarnait quelque chose de spécial. Ce petit truc qui le rendait
plus vivant, « comme nous ».
Entre 1976 et 2000, il écuma la Snaefell Mountain
Course. Par trois fois, il réalisa le triplé
Junior-Formula-Senior, les trois plus grandes catégories d’antan.
Il maîtrisait chaque virage, chaque bosse. Il donnait l’impression
de planer au dessus de la piste, constamment à l’attaque.
Il y a tellement à dire. Sa popularité, dans le monde motard,
dépassait sans doute celle des noms cités précédemment. Vainqueur
au Tourist Trophy à 26 reprises (24 au Grand Prix
d’Ulster), il est unanimement considéré comme la plus
grande légende de son sport. John McGuinness, l’un de ses
« élèves » et autre monstre sacré de la montagne, déclara
en 2017 :
« Si je devais atteindre les 26 victoires, j’arrêterais. Je ne
voudrais pas le dépasser. »
Imaginez tel scénario en MotoGP. Une fois le cuir
tombé, l’Irlandais du Nord devenait calme, réservé et souriant. De
son vivant, il contribua énormément à la situations des orphelins
des Balkans, une cause qui lui tenait à cœur. Son association
existe encore de nos jours, recentrée à l’échelle de l’île de
Man.
Vous l’avez peut-être deviné : Joey n’est plus avec nous
aujourd’hui. Un grave accident survenu lors d’une obscure course en
Estonie, et puis plus rien. Les funérailles furent particulièrement
touchantes. À l’image d’Ayrton Senna, nous étions
tous pour Dunlop. Plus de 50 000 personnes défilèrent dans
Garryduff ce jour-là. Le Motard venait de
mourir.
Personne ne semble en mesure d’aller chercher le record de l’icône.
Si ce jour venait à arriver dans trente, cinquante ou cent ans, des
larmes couleront inévitablement sur les joues du vainqueur.
À plus, Joey.
« Il y a un flou vert, et un flou gris. J’essaye de rester sur le
flou gris. »
Photo de couverture : Christof Berger