La saison de rookie de Brad Binder en MotoGP, par Florian Ferracci, Jerez 1 : « Brad se régalait et ça faisait plaisir à voir »

Champion du Monde Moto3 en 2016, puis vice-Champion en Moto2 sur KTM l’an dernier, le Sud-Africain Brad Binder se lance cette année dans le grand bain de la MotoGP. Face à lui se trouvent les deux autres rookies de la catégorie Iker Lecuona (KTM Tech 3) et Álex Márquez (Repsol Honda).

Pendant cette saison ô combien différente, l’un de ses mécaniciens, l’ancien pilote de haut niveau Florian Ferracci, nous explique de l’intérieur de leur équipe officielle Red Bull KTM comment s’est passé le premier Grand Prix sur le Circuit de Jerez – Ángel Nieto.

Lors de la journée de test, le mercredi qui précédait le Grand Prix, Brad a roulé en 1’39.016 à 1.223 de Maverick Viñales. Comment s’est déroulée cette journée ?

« On a tous repris nos marques car il s’agissait des premiers tests officiels après la pandémie. On a pris ça calmement, très méthodiquement, et ça s’est poursuivi comme ça tout au long du week-end. »

« On s’est rendu compte lors de la première journée qu’en matière de réglages on avait une très bonne base. Donc par la suite, nous n’avons pas révolutionné la moto. On s’est contenté de ne faire que de petits réglages, et là on s’est rendu compte que Brad était très constant. On a vu qu’il était très entraîné physiquement car il ne souffrait pas de la chaleur. On peut dire qu’on est parti du bon pied. »

Excellent troisième de la deuxième séance d’essais libres, Binder terminait dixième du premier jour, en 1’37.923 à 0.573 du leader Marc Márquez. Un bon vendredi, à priori ?

« C’était très bien, d’autant plus que l’écart était minime par rapport au premier. L’après-midi, on a travaillé sur les réglages pour la course car on s’est douté qu’on allait avoir les mêmes conditions le dimanche. Donc l’après-midi on n’a pas passé de pneus, au contraire, pour les préserver pour la FP3 et la qualif. »

« Brad continuait d’être content de la moto. Il se régalait et ça faisait plaisir à voir. Quand il descendait de la moto il avait le sourire, il était super content. »

« Pour lui tout était nouveau dans cette catégorie. Il n’avait aucune expérience de cette moto et c’était du bonus. A le voir, on aurait cru que c’était le jour de Noël, c’était incroyable. Il était vraiment content. »

Finalement, Brad terminait seizième des essais libres après la FP3, en 1’37.655 à 0.849 de Fabio Quartararo. Étiez-vous déçu ?

« Oui, on va dire qu’il y avait une petite part de déception parce qu’on espérait intérieurement, aussi bien lui que nous, qu’il passe directement en Q2. Mais le niveau est tellement relevé que ça en est incroyable : ils sont 20 pilotes dans une seule seconde et il faut vraiment se battre, c’est un truc de fous ! Je n’en reviens pas moi-même. Je suis dans la course depuis longtemps, mais il faut vraiment tout donner, on ne peut pas se permettre de ne pas être à fond tout le temps. »

« Brad aurait bien aimé aussi se qualifier en Q2, mais on s’est dit que ce n’était que partie remise. Ça aurait été sympa que lui et Pol se qualifient, mais ça viendra. »

En Q1, Binder a manqué la qualification en Q2 pour un dixième face à son coéquipier Pol Espargaró. Avec les forfaits de Rins et de Crutchlow, il était onzième sur la grille. Étiez-vous satisfait dans votre équipe, pour sa première qualification en MotoGP ?

« Si on voit comme ça à froid que c’est sa première qualification, on est contents. Mais on voyait qu’il avait un meilleur potentiel que ça. Et d’ailleurs quand on regarde le classement général des essais, on voit que son meilleur temps a été de 1’37.396 en Q1, ce qui lui aurait valu la cinquième place sur la grille s’il l’avait réalisé en Q2*. C’était plus vite que le 1’37.493 que Pol avait réalisé en Q2. »

*Jack Miller était cinquième en Q2 avec un chrono de 1’37.453.

« Donc c’était vraiment positif et on y croyait. Mais il y avait forcément une petite pointe de déception en constatant qu’il manquait la Q2 pour un dixième. Mais nous on était super contents, sachant que c’est sa première année, qu’on n’a pas fait tant d’essais que ça cet hiver. On a vu qu’il avait un super potentiel et on y croyait. »

Septième au sixième tour de la course, il suivait le bon groupe sans forcer, était-ce aussi impressionnant pour vous que pour nous spectateurs ?

« Ah oui. Là, franchement, on a été épatés ! Il se maintenait dans ce groupe avec Pol, Morbidelli, Dovizioso, Miller, Rossi et Bagnaia. C’est un vrai talent. On n’y croyait pas, on voulait se pincer pour s’assurer que c’était bien vrai. Et il avait l’air de suivre le rythme facilement. On était, comme on dit, sur un nuage. »

Une sortie dans un bac à sable a fait perdre beaucoup de temps à Brad, qui avec le déclenchement de l’anti-patinage dans les graviers terminait finalement treizième. Globalement, votre toute jeune équipe a-t-elle été satisfaite par le premier GP de Brad ?

« D’abord, on a eu très peur. Moi, j’étais au panneautage et je ne l’ai plus vu passer. On a pensé qu’il était tombé. Puis je l’ai vu repasser dans la ligne droite, après avoir perdu 26 secondes. »

NDLR : Au 6e tour, Binder (n°33) était à 3 secondes :

Au 7e tour, il était à 29 secondes :

Au 25e tour (arrivée), il était toujours à 29 secondes du premier :

« Sa motivation et sa ténacité nous ont impressionnés. Il a tout donné pour remonter. Il roulait comme les premiers, à la même vitesse que les pilotes de devant. Il a réalisé son meilleur tour en course en 1’38.909, et beaucoup d’autres tours très rapides.

« Concernant ta dernière question, globalement on est satisfait de cette première course. On espérait qu’il serait dans les points, ce qui aurait été bien pour un rookie sans expérience. Puis pendant le week-end on s’est mis à y croire de plus en plus.

« Évidemment, il y a eu une petite pointe de déception. Mais il a constaté qu’il avait le potentiel de finir – je ne dirais pas dans les cinq premiers – mais dans les dix premiers régulièrement. Et comme il l’a dit lui-même, il aura une deuxième chance, dès ce week-end. »

Florian, masqué au centre, accueille Brad Binder qui vient de réaliser le troisième temps en FP2 (voir tableau à gauche de l’écran)

Photos © Polarity Photo pour KTM

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