Casey Stoner et Jorge Lorenzo. Deux monstres qui ont
marqué la fin des années 2000 et le début des années 2010, cette
fameuse ère sacrée. Malgré de nombreuses batailles et dépassements,
les deux se sont toujours respectés. La rivalité entretenue était
similaire à celle entre Valentino Rossi et
Dani Pedrosa à la même période, ferme mais
cordiale. D’ailleurs, les deux sont en bons termes à l’heure
actuelle et l’un n’a jamais caché son admiration pour l’autre. Mais
dans une époque si tendue, lequel des deux était le meilleur ?
Éléments de réponse.
Cette analyse se divisera en deux parties. Tout d’abord,
l’appréciation statistique, puis, l’étude plus poussée avec des
exemples à l’appui. Et bien sûr, la conclusion, avec notre
élu.
I) Lorenzo a-t-il une chance ?
Contrairement à une pensée assez répandue en France, les
statistiques sont tout de même significatives. Il est vrai que le
vieux continent est assez réticent aux chiffres à tout va, mais les
mathématiques ont un avantage non négligeable : elles sont
impartiales.
De ce point de vue, Stoner bénéficie d’une
longueur d’avance. Sur la période 2008-2012, soit les années
partagées par nos deux champions, l’Australien domine d’une tête.
Certes, Jorge a été champion du monde deux fois, et
finalement, c’est peut-être la seule statistique qui
compte. Pour le reste, Casey s’est imposé 27 fois
contre 17 pour Jorge. Le Majorquin totalise 37
podiums, et fait mieux que les 30 de Stoner. Le bilan des
pole positions est étonnement serré, alors qu’on connaît la vitesse
légendaire de Stoner : 30-26 en faveur de
l’Australien. Les meilleurs tours en course sont aussi du
côté de l’hémisphère sud, avec 23 unités contre
16. Il faut rajouter à cela que Lorenzo a couru plus
souvent, et s’est présenté au départ à 85 reprises contre
81 pour Stoner.
Maintenant, il s’agit bien sûr de contextualiser ces
données. De manière la plus objective possible, il semble
que le contexte était assez nettement favorable à Stoner, au moins
pour la comparaison. Tout d’abord, le temps fort de sa carrière
s’étend – selon nous – de 2010 à 2015, tandis que celui de Stoner
ne s’est jamais arrêté de 2007 à 2012, plus centré sur la
période. Gardez en tête que Lorenzo n’était qu’un rookie en 2008.
Ce petit décalage de deux ans est à prendre en
compte.
Ensuite, l’environnement était lui aussi plus
« aisé » pour Stoner. L’argument selon lequel la
Ducati était intrinsèquement moins performante que la Yamaha se
tient, mais Casey était champion du monde en titre en
2008 : ainsi, on ne peut pas être surpris et retenir
ceci contre Lorenzo, qui, lui, découvrait une machine d’usine.
Cependant, cet effet s’atténue en 2009 et 2010, nous vous
l’accordons. De plus, l’Espagnol dut faire face à Valentino
Rossi en personne, ce qui est encore une toute autre
affaire. Puis, lors du passage chez la firme ailée en
2011, Stoner savait où il allait. Honda Repsol était – encore – une
institution assez respectable et respectée, qui se donnait les
moyens de réussir en alignant trois top pilotes, à savoir Casey,
Dovizioso et Pedrosa. D’ailleurs, il y a trouvé une
machine très performante et sans doute plus que la YZR-M1 partagée
par Ben Spies et Jorge Lorenzo
(demandez à l’Américain après Valence 2011). Cela
ne va pas aider la conclusion, mais nous avons tendance à dire
« égalité » quant aux statistiques après avoir pondéré,
d’autant plus qu’hormis les victoires, la différence est
relativement faible sur un volume de courses comme celui-ci.
II) Un débat étonnement serré
Nous avons beau retourner la question dans tous les sens, difficile
de trouver une réponse rationnelle. Stoner était le plus vite, le
plus explosif mais également le plus à même de commettre des
erreurs. Lorenzo avait l’avantage de la régularité et de la
constance, et cela était assez important à l’époque. Côté piste,
les deux ont croisé le fer à de multiples reprises mais là encore,
impossible de trancher. Il n’y a pas un dépassement, un freinage en
particulier qui fait pencher la balance. Stoner en a placé des
beaux, nous pensons par exemple à cet extérieur dans la cassure de
la ligne droite de départ à Laguna Seca en 2011. Mais
Lorenzo avait du répondant, comme au Mugello, toujours en 2011,
avec un bijou de dépassement entre Casanova et Savelli.
Les deux nous ont gratifié de grands moments comme à Silverstone en
2012, avec une magnifique passe d’armes qui sent le QI
course à plein nez. De toute manière, il s’agit de deux
des meilleurs pilotes de tous les temps quand l’on évoque les
batailles rapprochées. Si tout le monde voit pourquoi dans le cas
de Stoner, c’est un attribut très sous-coté du pilotage de Lorenzo.
Quand il gagnait, l’Espagnol était souvent devant mais il excellait
aussi en paquet, jusque très tard dans sa carrière
(Spielberg 2018, où il fait la leçon à un Márquez encore en
forme).
III) Conclusion
La vraie différence entre les deux est sans aucun doute dans l’état
d’esprit, et le comportement vis-à-vis de la presse. C’est sur ce
point, en partie, que nous trancherons. Lorenzo a
infiniment mieux géré son image, son mental – et ses rivalités –
que Stoner, plus discret par nature. L’étude de l’histoire
des sports mécaniques est formelle : le silence paie rarement.
La vraie question est : si vous étiez directeur d’un
team, qui voudriez-vous engager ?
Si nous avons besoins de résultats immédiats peu importe la
machine, Stoner. En revanche, et dans l’absolu, Lorenzo est
la réponse la plus rationnelle. Avec Jorge 2008-2012, vous
êtes sûrs de faire grand bruit, d’avoir quelques exploits a minima
et surtout, de bien figurer sans trop d’absences,
assurément le « point faible » de Stoner en
carrière (quatre saisons pleines en MotoGP seulement).
La réponse à cette question fait appel à vos préférences, c’est
évident, d’autant plus que les deux ont d’énormes qualités. Pour
qui opteriez-vous si vous aviez à faire un choix ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Box Repsol