Le week-end dernier, Valentin Debise a marqué l’histoire du FSBK, le championnat de vitesse français, en s’inscrivant dans la manche d’ouverture au Mans dans deux catégories et en remportant les quatre épreuves concernées (Voir ici) !
Cette pratique, aujourd’hui complètement abandonnée, était usuelle en Grand Prix à l’époque du Continental Circus, les pilotes cherchant alors autant les primes d’engagement que la notoriété.
Selon les recherches de nos amis pointilleux du forum Pit-Lane.Biz, le Français Rachel Nicotte serait le dernier pilote à avoir participé à un Grand Prix dans deux catégories, en l’occurrence au Grand Prix de France 1990.
Pourquoi, 30 ans plus tard, Valentin Debise ressuscite-t-il cette pratique à ce point oubliée qu’on la croyait interdite ? Nous avons posé la question au pilote français au parcours hétéroclite, allant des Grands Prix 250cc au MotoAmerica en passant par le championnat de France et l’endurance…
Valentin Debise : « Pourquoi ? Parce que ça m’a toujours plus, à l’époque où j’étais gamin ou même maintenant, de regarder les courses de l’époque et de voir les gars s’inscrire dans deux catégories et arriver à les gagner. À l’époque, c’était monnaie courante : J’en ai parlé avec Jacky Hutteau récemment et il m’a expliqué que lui-même avait fait ça et que ça se passait très bien. D’ailleurs, lorsque je suis allé courir aux USA, j’avais déjà fait ça dans un autre championnat que le MotoAmerica et ça s’était bien passé. Du coup, ça faisait quelque temps que ça me trottait dans la tête et quand j’ai signé mon contrat pour le championnat d’Allemagne Superbike, je leur ai proposé de faire également la 600. Au début, ils n’étaient pas très chauds mais à force de les harceler tous les jours, ils ont cédé et accepté de me monter une moto. Mais depuis le début, ils étaient terrorisés sur mes capacités à faire conjointement la 1000 et la 600, parce que personne ne le fait. Nous les pilotes, on est devenu des vraies fiottes, parce que pour courir il nous faut notre luxe, notre hôtel, notre masseuse attitrée, notre coach mental, notre piscine quand il fait chaud, etc., et dès que quelque chose ne se passe pas normalement, on s’en sert comme excuse. Donc cette année, j’avais envie de vivre un peu de ce que les anciens ont vécu, et franchement, ce n’est que du plaisir ! Faire deux catégories, c’est une remise en question permanente car il faut changer de pilotage, modifier ses points de repère et se remémorer l’objectif de la séance en fonction de la moto sur laquelle on est. C’est un travail qui est super intéressant et, au final, je vois que de rouler d’une moto à l’autre, ça m’ouvre l’esprit, et j’apprends ou je vois des trucs qui sont évidents alors qu’ils ne l’étaient pas, parce qu’à force de rester bloqué dans son train-train habituel, il y a en terme de pilotage des trucs évidents qu’on ne voit pas. Là, je m’en rend compte et c’est cool parce que je progresse encore plus vite qu’avant. En plus, je fais deux fois plus de moto que ce que je faisais avant, donc ce n’est que du plaisir ! »
Du coup, même si on le savait depuis un moment, ta réponse officialise ta participation au championnat allemand IDM en 1000 et en 600. Mais la question que l’on se pose alors, et à laquelle tu peux maintenant répondre, et de savoir comment ça se passe matériellement, au niveau du timing, mais aussi physiquement…
« En championnat de France, la chance que j’ai est qu’il y a
une course entre les manches des 600 et des 1000. Donc ça veut dire
que, grosso modo, je finis la 600, je vais au podium, ça va qu’il
n’y a pas de conférence de presse ni rien, puis je rentre à mon
box, et à partir de ce moment-là, j’ai 25 minutes avant de
repartir. Le premier objectif est alors de manger et de boire, et
une fois que j’ai bien mangé et que j’ai bien bu de l’eau, je ferme
les yeux quelques minutes dans le box ou dans le camion avant de
repartir.
Physiquement, je pense que cela va vraiment dépendre des
circuits. Par exemple au Mans, je sais que ça tire un peu sur les
avant-bras avec la 1000 alors que c’est assez facile avec la 600. A
Pau, j’ai zéro souci, comme Nogaro, alors qu’à Lédenon ça tire pas
mal sur les jambes. Donc parfois, il faut adapter le pilotage et
comprendre pourquoi je souffre de certains muscles, mais lorsque je
fais des journées de test, je roule bien plus ce que ça ! Donc
rouler beaucoup, je sais le faire, mais après, ce qui diffère,
c’est le côté montée d’adrénaline avant les courses qui, malgré
tout, ne prend pas du jus physique mais prend du jus mental. C’est
donc plutôt cela qu’il faut gérer, car je suis vraiment prêt du
côté physique. Je ne sais pas ce que font les autres pilotes comme
entraînement mais moi j’essaie de faire des choses un peu extrêmes
quand j’ai l’occasion chez moi. Après, c’est sûr que la dernière
course est un peu plus dure que le reste, mais c’est un challenge
et j’aime me surpasser. »
Quand tu dis que tu fais plus de kilomètres quand tu fais des journées d’essais, tu fais référence à ton autre activité qui est d’essayer les pneus Michelin ?
« Oui. Quand on fait des tests avec des teams, on ne roule pas beaucoup, entre guillemets, parce qu’on est toujours en train de faire des réglages, alors que quand je fais des tests de pneus, ça dépend du circuit mais c’est minimum 100 tours la journée. Une course au Mans, c’est 17 tours, donc fois quatre cela fait seulement 68 tours… Ça va ! Mais une fois de plus, entre une journée de test et une journée de courses, c’est vraiment le côté mental qui va faire la différence car l’intensité sur la moto est sensiblement la même. »
Participer à quatre courses, c’est une chose, mais les gagner c’en est une autre ! Il va nous falloir une petite explication… Pourquoi personne n’est venu arracher une victoire à Valentin Debise ?
« Pourquoi ? Franchement, je n’en sais rien. J’y ai beaucoup
réfléchi quand je suis rentré. J’essaie tout le temps de
m’améliorer dans mon pilotage : C’est l’objectif principal du
pourquoi je fais du sport et de la moto. Après, c’est vrai que cet
hiver, je n’en ai pas trop parlé mais je me suis cassé la cheville
et du coup je suis resté deux mois sans rien pouvoir faire. J’ai
perdu un peu de temps dans mon entraînement mais je suis vite
revenu à mon niveau et, en peu de temps, j’ai passé un petit cap
que je voulais passer depuis deux ans : un petit point technique
que j’ai réussi à gérer comme je voulais. Donc j’ai progressé.
Après, je ne pense pas que j’ai progressé autant par rapport à
l’année dernière, parce que par exemple, l’année dernière, on
finissait les courses ensemble avec Mathieu Ginès ou au mieux je
lui mettais une seconde ou deux. Donc on était vraiment, vraiment
collés au même niveau.
En fait, malgré ma blessure, j’ai beaucoup roulé pendant
l’hiver et je pense que les autres ont moins roulé que moi. Je
pense que c’est ça, ce qui voudrait dire qu’après cette course au
Mans, et avec les essais pré-Mans d’endurance auxquels ils
participent, les autres auront roulé un peu plus quand on va
arriver à Nogaro et les choses vont rentrer dans l’ordre. On verra.
Si ça se trouve, à Nogaro, je serai de nouveau au-dessus du lot. Je
n’en sais rien et on aura la réponse le moment venu. »