L’aventure ZF en Grands Prix a commencé comme dans un road movie, avec deux hommes au teint blafard garant le camion dans un paddock à trois heures du matin, après avoir fait 1 000 km de route sous la pluie, et sans rien à manger dans la boîte à gants sinon la moitié d’un vieux paquet de biscuits. Et le lendemain, il fallait s’installer dans le stand et se préparer pour la première séance d’essais libres à 8h. Bonne nuit !
Et l’oisillon est devenu aigle, le caporal est devenu Bonaparte. Déployant son impressionnant panache, il a pris son envol au GP du Qatar devant les téléspectateurs du Monde entier médusés, précédant Valentino Rossi, Maverick Vinales, Andrea Iannone et tous les autres. Une vision que les amateurs de course moto français ne sont pas près d’oublier.
Derrière Johann Zarco, ou plus exactement à ses côtés, il y a Laurent Fellon, le « F » de « ZF ». Laurent, c’est le manager, l’ami, le conseiller, le confident, le soutien, le booster de moral, le technicien (ne rayez pas la mention inutile, il n’y en a pas). Comment Fellon a-t-il vécu l’extraordinaire début de course de Johann au Qatar ?
« Je l’ai vécu en étant content que Johann Zarco soit en tête, qu’il ait fait une belle course, qu’il se soit régalé, qu’il ait montré qu’il était très fort et qu’il ait pris les bonnes décisions au bon moment, quand il le fallait.
« Après… ce qui est arrivé est arrivé, mais il a fait ce qu’il fallait faire.
Johann accorde modestement beaucoup de crédit à la Yamaha pour sa performance, mais il n’était pas le seul sur une M1. Comment a-t-il pu adapter aussi rapidement son style à cette machine, sa puissance, ses freins, son électronique et aux Michelin ?
« Johann a raison de dire que la Yamaha est très bonne, car les qualités de cette machine lui permettent d’être bien sur la moto. Il n’est pas trop perdu, si tu préfères. C’est pour ça que Johann a raison de piloter une Yamaha. C’est la meilleure moto pour gagner des courses, comme elle le démontre. Vinales vient de chez Suzuki qui a une très bonne moto, la plus homogène après la Yamaha. Il monte sur la M1 et gagne le premier Grand Prix avoir été en tête de tous les tests de l’intersaison. La Yamaha de MotoGP est vraiment très homogène, comme ses motos de route.
Les dirigeants de Yamaha Racing ont-ils été impressionnés par la performance de Johann ? Que vous ont-ils dit ?
« Il faut poser la question à Hervé (Poncharal). C’est lui le patron du team qui est en contact avec les dirigeants d’au-dessus.
« Je pense que oui. L’important est qu’Hervé ait de bonnes retombées et encore plus de soutien de Yamaha. Ça permet de mettre le team en valeur, ce qui est important. Si l’équipe est mise en valeur, ça va aussi aider Johann.
Dans quels domaines Johann peut-il encore progresser ?
« Johann peut progresser dans son adaptation à la catégorie, comme quand il a débuté en Moto2. Il sait déjà piloter et gagner des courses. On va travailler sur les points importants de la catégorie, comme des accélérations très impressionnantes. Egalement sur la vision du cerveau parce que ça arrive plus rapidement. On va faire un entraînement adéquat pour ça. Il a commencé déjà avant le Qatar à s’entraîner d’une certaine manière, pour se mettre vite en action. Et Johann se met très vite en action. Il y a de petites choses à améliorer. Il va y arriver.
Le 10 avril 2009, quand Johann termina vingtième de sa première séance d’essais libres en Grand Prix, en 125 au Qatar, si on t’avait dit alors que huit ans plus tard il serait en tête devant Valentino Rossi et les autres en MotoGP, l’aurais-tu cru ?
« Ne sais-tu pas le parcours qu’on a fait depuis le début ? Si je n’avais pas cru en Johann Zarco, crois-tu qu’on en serait arrivé là ? Je te renvoie la question à l’envers.
Que veux-tu dire exactement ?
« Tu me parles de 2009, mais en 2010, 2011, il fallait amener les sous chez Ajo, et après il a fallu s’entraîner avec la Moto2, avec des kilomètres en camion. Est-ce que tu ne crois pas qu’en 2009 je pensais que Zarco était un bon ?
Ce n’était pas par hasard, c’est ça que tu veux dire ?
« Je croyais en Johann Zarco. Chaque pilote peut être bon si on fait tout ce qu’il faut autour de lui au niveau mental, au niveau entraînement. Et tous les partenaires qui nous ont permis d’en arriver là, il ne faut pas les oublier. Si je n’y avais pas cru, je n’aurais pas fait tout ça. Depuis longtemps, depuis le début, je crois en Johann Zarco.
L’exploit de dimanche vous a-t-il fait revoir vos objectifs à la hausse ? Quels sont-ils désormais ?
« Avec le potentiel de Johann, modestement, on peut terminer dans les six premiers. Et ça serait fabuleux, pour une première année. On peut marquer de gros points même si la marche est haute. On aurait pu se contenter de la huitième, voire de la septième place, mais maintenant Johann peut être pratiquement à chaque course parmi les six premiers. Être dans les six premiers, faire un coup d’éclat de temps en temps comme au Qatar, et progresser crescendo. Il connaîtra de mieux en mieux la moto, se sentira de mieux en mieux avec elle, donc pourquoi ne pas rêver d’être sur la plus haute marche, de faire des podiums ? Ce sera notre but.
« Il en est capable. »
Photos © Tech3 et ZF Grand Prix