Technicien chez Suter, et bien que fort occupé par la nouvelle Moto2 suisse qui a fait ses débuts à Losail, Didier n’en a pas moins trouvé le temps d’être émerveillé comme tout le monde (et pas seulement les Français) par l’incroyable début de course de Johann.
Comment situes-tu, autant sur le plan sportif qu’émotionnel, l’exploit de Johann Zarco ?
« Il est difficile de trouver des mots ! On ne peut pas faire mieux. Il est arrivé avec ses deux titres de Champion du Monde de Moto2 inégalés, et lui avec Laurent Fellon ont surpris tout le monde. Leur méthode unique fonctionne et elle paie. Johann a fait du vrai Zarco en construisant ça pendant tout l’hiver. Lui et Tech 3 ont bien préparé leur coup, et de quelle manière ! Il a travaillé durant l’intersaison, n’a pas chuté, et le jour J il était prêt.
« Il n’a pas terminé, mais ça c’est la vie. La piste était très piégeuse et favorisait ce genre d’incident. Il a dit qu’il s’était relâché, ce qui était normal car devant de tels pilotes cela demande un effort extraordinaire. Il faut des nerfs et une capacité de concentration phénoménaux. Ce sont des êtres exceptionnels de ce point de vue-là. On ne peut pas tenir 20 tours à un tel rythme (dont le meilleur temps en course) et il avait besoin d’un peu se relâcher pour ne pas faire d’erreur par excès. Ce qu’il a fait a été extraordinaire, personne n’aurait pu rêver ça. Ça n’est pas passé, mais comme il l’a dit, ce n’est pas si grave, il y en aura d’autres.
« Il est très affûté, sans pour autant être fragile. La méthode Zarco-Fellon, qui a subi dans le passé quelques moqueries, porte ses fruits. Sportivement, il dispose d’une très bonne moto dans une équipe rodée et soudée. Je pense qu’on est bien parti pour voir des choses vraiment intéressantes.
Maverick Vinales a confirmé que non seulement il allait vite sur un tour (quasiment imbattable), mais qu’en plus il savait gérer une course à la perfection. Est-ce une surprise pour toi ? T’attends-tu à ce que ça se reproduise presque à chaque course ?
« Il n’est pas surprenant que Vinales sache gérer une course. Ces gars-là sont des champions qui ont formaté tout ça dans leur tête bien avant le Grand Prix. C’est de l’acquis, qu’ils n’ont pas à gérer pendant la course. C’est comme dans tous les métiers, le jour où il faut appliquer son savoir, c’est quelque chose de complètement normal. Ils savent se concentrer à un moment donné pour donner le meilleur d’eux-mêmes.
« Vinales a prouvé depuis longtemps qu’il savait aller vite sur n’importe quelle moto. Il est maintenant dans la meilleure équipe avec la meilleure moto du moment. Yamaha se fera battre un jour car ses concurrents travaillent d’arrache-pied. Ils peuvent prendre plus de risque, et un jour où l’autre parviendront à dépasser celui qui est devant.
« Maverick dispose d’un soutien exceptionnel avec les Japonais de chez Yamaha qui font un travail efficace et rationnel, discrètement, sans frimer. Il dispose de l’équipe de Jorge Lorenzo, à part son fidèle mécanicien Juan Llansa Hernandez qui l’a suivi chez Ducati. On ajoute un champion à tout ça, et que peut-on attendre de mieux ? Rien. Des gens comme Vinales sont champions dans leur tête depuis plus de dix ans, même s’ils n’ont pas toujours eu la bonne moto au bon moment pour le prouver.
Comment s’est déroulé le premier Grand Prix de la nouvelle Suter Moto 2 ?
« Ça ne s’est pas vraiment passé comme on le souhaitait car aucune n’a fini dans le top 10, ce qui n’était pas vraiment prévu dans le plan. Lors des essais hivernaux, on a vu que trois des quatre pilotes pouvaient être dans le top 10, car Marcel Schrotter était un peu en retrait. Sandro Cortese sortait d’une opération pas bénigne cet hiver et il n’a pas pu s’entraîner comme il l’aurait voulu. Après la course, il a reconnu qu’il n’avait pas le physique suffisant.
« Danny Kent avait le potentiel, avec la vitesse et le rythme, et il était très content de la moto. Mais en course il n’avait pas les réglages optimums. Dominique Aegerter avait montré des choses cet hiver. Pas en vitesse pure, car ce n’est pas son genre de faire des temps pendant l’intersaison, mais il était solide au niveau du rythme et de la gestion des pneus. Malheureusement le Qatar n’est pas un circuit qu’il aime et il le reconnait humblement. Donc on est déçus de ne pas avoir fini dans le top 10, mais rassurés parce que les pilotes aiment bien la moto. Tous nous disent qu’il y a moyen de faire beaucoup mieux. »
Photos © Yamaha, Suter, Tech 3