L’histoire fourmille de moments inexpliqués et de bizarreries en
tout genre. Aujourd’hui, nous remontons le temps jusqu’au weekend
du 14 août 1971, lors duquel rien ne s’est passé
comme prévu.
Les problèmes remontent bien au-delà de cette
date. En effet, nous nous trouvons dans l’Ulster, en
Irlande du Nord. Ici, se déroule traditionnellement le
Grand Prix d’Ulster, disputé pour la première
fois en 1922, qui compte assurément comme l’une
des épreuves les plus mythiques de notre sport.
En 1949,
cette course folle, organisée sur des routes à l’image
du
Tourist Trophy, est intégrée au championnat du monde
motocycliste. Sauf que depuis dix ans, les déplacements y sont
compliqués. En effet, le conflit Nord-Irlandais
fait rage. Très complexe et tantôt jugé comme une guerre ou une
révolution, cette opposition commet pertes et fracas. Du 9 au 11
août, soit la semaine de la course, l’armée britannique tue onze
civils lors du terrible massacre de Ballymurphy,
quartier de Belfast.
Malgré les tensions, MV Agusta, firme largement en
tête du classement général, est parvenue à rejoindre le pays, mais
premier coup de tonnerre. Giacomo
Agostini, d’ores et déjà champion du monde
350cc et 500cc (ses neuvièmes et
dixièmes titres), craint pour sa propre sécurité et ne courra pas.
De ce fait, MV Agusta se retire. Cette première péripétie laisse la
porte grande ouverte à tous les autres. Rappelons que l’Italien
avait remporté toutes les courses 500cc jusqu’à maintenant.
Deuxième problème, la catégorie 50cc. La FIM ne reçoit que huit
engagés, un chiffre dérisoire qui les contraint à supprimer
purement et simplement la course. Ceci a pour conséquence
d’éliminer définitivement le néerlandais Jos
Schurgers de la course au titre ; il ne restait plus
que trois manches à disputer.
Et encore, ce n’était que le début d’une semaine cauchemardesque.
Phil Read, en 250cc, sort de blessure mais mène
toujours le championnat. Alors qu’il espère bien être sacré, le
britannique Rodney Gould fait de la résistance.
Sur une belle série de deux victoires consécutives, il peut espérer
chatouiller Read.
Que nenni. Sous une pluie battante (comme si ça ne suffisait pas),
Gould pointe seulement sixième, en perdition sur le technique tracé
d’Ulster. Devant, Phil Read joue des coudes avec un local, grand
spécialiste de ces conditions : Ray
McCullough, sur Yamsel. Read casse sa
boîte, abandonne et laisse donc les commandes du championnat à
Gould ! Le Nord-Irlandais s’impose donc devant son public,
exploit qui sera qualifié de « jour historique »
dans la presse.
En 350cc, la course n’est pas moins étrange. Parti devant,
Jarno
Saarinen mène avant de chuter. Tommy
Robb, non loin, lui succède mais est également contraint à
l’abandon pour cause mécanique ! Peter
Williams, sur MZ, hérite de la première
place et s’impose pour la première fois.
Mais reste la cerise sur le gâteau. Quand le chat n’est pas là, les
souris dansent. Le légendaire Jack Findlay, 36 ans, n’a jamais
remporté la moindre course en carrière. Le héros du film
Continenal Circus emporte ce jour là son premier succès, ô
combien historique. Tout d’abord, il s’agit de la première victoire
de Suzuki en catégorie, mais aussi la première d’une 500cc
deux-temps depuis le Tourist Trophy
1912 !
Populaire, Findlay exulte. Onze ans après ses
débuts, une grande célébration est entièrement méritée. Qu’elle ne
fut pas la surprise de l’audience quand les officiels lancèrent
La Marseillaise en lieu et place de
l’hymne Australien ! Une situation gaguesque
qui ponctua une longue semaine ubuesque, et triste pour les
familles des victimes du conflit.
Enfin, presque, puisqu’en side-cars, le duo Horst
Owesle/Peter Rutterford (Münch/URS) est titré mais est
grandement soupçonné d’avoir triché par les coureurs
BMW ! Ces derniers accusent les champions
d’avoir une cylindrée trop importante, mais après vérifications, il
changent de version et parlent désormais d’une essence non
conforme.
Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Par la
suite, le
GP d’Ulster ne figurera plus au championnat du monde,
et cette édition chaotique n’y est sans doute par pour
rien !