26 septembre 1957. Les grands pontes des marques italiennes
FB-Mondial, Gilera et Moto-Guzzi annoncent officiellement leur
retrait de la compétition. Devant la montée des coûts et la
mauvaise image d’un sport qui tue un pilote par course en moyenne
cette année, il n’y a pas d’autres issues. Pour la saison
1958 donc, seulement MV Agusta eut l’espoir de remporter des
titres, tant la concurrence devint faible.
Un pilote en particulier exploita au maximum cette période creuse
de l’histoire des Grands-Prix. John Surtees. Après les exploits de
Rossi en 2002 et 2003, intéressons
nous à ces trois saisons d’outrageuse domination.
Le britannique ne sort pas de nulle part : il était celui qui avait
bousculé le grand Geoff Duke pour un championnat quelques années en
arrière, ce surdoué capable d’exploits individuels. À l’aube de la
saison 1958, il est déjà champion du monde 500cc 1956 et fer de
lance de l’armada MV.
La firme italienne possède les meilleurs pilotes et des machines
exceptionnelles. Quand feu Carlo Ubbiali s’occupait de la 125cc et
de la 250cc, la 350cc et la catégorie reine étaient les terrains de
chasse de Surtees.
Tout le monde s’attendait à une domination extrême de MV Agusta.
Mais à ce point, personne ne pouvait le prévoir. Surtees
remporta toutes les courses auxquelles il prit part. Dans les deux
catégories. C’était du jamais vu : seul la manche
suédoise où n’est pas représenté MV Agusta – le camion du
service-course étant trop gros pour le ferry – lui échappa.
De toute manière, John était déjà titré dans les deux
catégories. Pourtant, Ubbiali lui, galérait et avait toutes les
difficultés du monde pour venir à bout de son coéquipier Tarquinio
Provini; ils se partagèrent les titres dans les deux
catégories restantes.
Au milieu de cette boucherie qu’étaient les grands prix motos des
années 1950 (huit morts en sept courses !), un seul homme trôna.
Ce n’était que le début : les Benelli et
autres Morini ne pouvaient pas espérer arrêter la marche en avant
de la firme de Samarate.
En 1959, Surtees livra une copie conforme à l’exercice 1958.
Toutes les courses du championnat, dans les deux
catégories, furent remportées par l’unique et même
personne. Imaginez que suite à un retrait de Yamaha et
Suzuki, Marc Márquez remporte 100 % des courses pendant quatre
années consécutives.
Après avoir engrangé 25 victoires sur 26 possibles en deux ans,
Suède 1958 excepté, on pourrait croire que le soufflé va retomber
pour 1960. Le britannique montra des signes de faiblesse sur les
deux premières manches 350cc se faisant battre par Gary Hocking
puis par John Hartle, ses deux coéquipiers. Mais restant
toujours bien classé, il ne se fit pas de bile pour le
championnat.
En 500cc par contre, tout allait pour le mieux. En remportant le
Tourist Trophy pour la troisième fois d’affilée, Surtees montrait
de nouveau qui était le patron. Mais la série
extraordinaire se termina à Assen. Sa mécanique lui fit
défaut avant qu’une chute ne vienne éliminer toute chance de
podium.
Après 11 victoires de rang en 500cc, soit la troisième plus grande
série victorieuse de l’histoire, Remo Venturi vint stopper net la
progression d’un John de plus en plus attiré par la Formule 1.
Malgré quelques soucis de fiabilité en fin d’année, l’anglais
réalisa de nouveau un doublé historique. Une performance
unique dans l’histoire, qui restera à jamais gravée dans les
annales.
Depuis quelques temps, Surtees lorgnait sur l’automobile et sa
catégorie reine : la Formule 1. Après avoir écumé les plateaux
pour Lotus, Cooper et Lola, il s’adjugea le titre mondial en 1964
chez Ferrari au terme d’une année somptueuse. À ce jour,
c’est le seul à avoir glané un titre mondial sur deux et quatre
roues.
À pilote de légende, performance de légende. Cette série
fantastique permit au natif de Tatsfield de nous rendre des
statistiques absolument incroyables. Des records qui ne
sont pas prêts d’être battus.
Photos de couverture : parkstreetparrot