L’histoire est plus que rocambolesque et l’homme né le 27 novembre 1948 plus qu’atypique…
On parle là d’un pilote de Grand Prix qui peut être inscrit dans le livre des records pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que Fernando González de Nicolás, alias El Nani, est quasiment le seul coureur à avoir participé à toutes les catégories du championnat du monde, à l’exception du side-car.
Ami d’enfance d’Ángel Nieto, avec lequel il a grandi à Madrid, l’Espagnol s’est ainsi aligné en 50, 80, 125, 250, 350, 500 et 750cc après avoir intégré le monde de la compétition de vitesse en servant d’apprenti dans l’atelier de Benjamin Grau avant de se lancer dans les courses urbaines en Espagne sur une Bultaco.
« A Cullera, au bout de la ligne droite, il y avait un cimetière et, si vous arrêtiez de freiner, vous deviez entrer par la porte. A Jerez, pareil. Si vous étiez pressé à l’entraînement, pour vérifier la limite, vous vous retrouviez entre les pierres tombales. »
Mais pendant que le premier réalisait la carrière que l’on connaît, couronnée par 13 titres mondiaux, le second voyait la sienne débuter en mondial à Jarama en 1971 interrompue dès 1973 par un gravissime accident de la route en se rendant à une concentration de motards près de Saragosse. Ablation d’un rein et de la rate, foie éclaté, l’homme frôle la mort mais conserve un moral en acier : « si je n’avais pas eu cet accident, je serai allé à Monza et aurais été impliqué dans l’accident qui a coûté la vie à Renzo Pasolini et Jarno Saarinen. J’en suis convaincu et cela me vient souvent à l’esprit. »
La fédération espagnole lui retire alors sa licence pendant 6 ans, ce qui l’oriente vers la course automobile, mais le personnage est tenace et revient à ses premiers amours en 1978 pour des apparitions sporadiques au Venezuela en 250cc et en Espagne en 500cc.
Les deux saisons suivantes sont plus chargées, principalement en 125 et 250cc, jusqu’à l’entame de l’année 1981 où celui qui a fait tous les métiers du monde, de vendeurs de jeans à tenancier de maisons closes, sort du droit chemin en attaquant avec un revolver la Banco de Valencia à Madrid. Un butin de 3 millions de Pesetas (18 000 euros) dont il ne pourra pas profiter, la police l’attendant à la sortie de la banque…
« En 1981, je suis revenu d’Argentine après avoir
marqué des points avec la 125 MBA. Mon sponsor était fort, les
jeans Lee, mais il a arrêté de collaborer sur place. J’ai découvert
que je venais d’acheter une nouvelle moto et j’ai pris une décision
qui était une erreur. J’ai fait une erreur, j’ai attaqué une banque
et ça a mal tourné… J’ai mal tourné. Je n’avais pas d’argent,
j’avais besoin d’argent et ça a mal tourné. J’ai pris une mauvaise
décision, mais en prison, j’ai suivi deux cursus de droit.
Là-dedans, il faut garder l’esprit occupé, sinon on finit par
souffrir. La prison, c’est la merde, à l’époque comme
maintenant.
Une autre chose que je pourrais mettre dans le Livre Guinness
des records est que j’ai organisé des courses de motos en prison.
Personne n’a jamais fait cela. Je l’ai fait dans les prisons pour
femmes et pour hommes. J’ai amené les Nieto, les deux frères, et
Fonsi. Ça devait être en 1983 ou 1984. Qui a déjà fait cela ? Un
circuit avec des mini-motos à l’intérieur d’une prison.
J’ai perdu quatre ans là-bas, je suis revenu en 86 à une course
à Jarama avec des motos que Nieto m’avait laissées pour
m’entraîner. C’est la première course que j’ai faite et que j’ai
gagnée, avec la RD500. »
Dès 1986, après cette interruption malencontreuse, celui que l’on surnomme également El Rana (la grenouille) revient en championnat du monde culminant par une saison complète en 1989 sur une Honda 500cc. Son meilleur résultat est une 4e place en 250cc en Belgique mais son obsession sera ensuite de participer à au moins une course du championnat du monde de side-car, pour parfaire son parcours. On lui mettra des bâtons dans les roues pendant des années, jusqu’à être atteint par la limite d’âge.
Aujourd’hui, ce manque est son grand regret mais le passionné qu’il est continue à suivre les Grands Prix et porte un regard forcément particulier sur le paddock moderne et ses ténors.
« Márquez est le meilleur. Grâce à lui, le nombre de fans
augmente, même si beaucoup de gens ne sont pas pour lui. El Trompa
lui donnait des bougies noires. Je lui ai dit « mais au moins,
soyez patriotique et reconnaissez que ce type est très bon ».
Trompa était un Rossista et Rossi aurait gagné trois autres
championnats si Márquez n’était pas venu. Il a aussi beaucoup de
chance, et pourvu que ça continue comme ça, parce qu’il a pris des
raclées… Regardez celle du Mugello, et quand il s’est abîmé la vue
en Moto2.
Et Rossi, qui a le plus de trophées, qui n’a
rien à prouver, pourquoi est-il toujours là ? Parce qu’il a un
amour incroyable pour la moto. Je ne pense pas qu’il y ait un seul
coureur au monde qui fasse ce qu’il fait avec ses équipes, le ranch
qu’il a, et il est toujours là à donner le meilleur de lui-même. Il
de ceux pour qui on lève son chapeau. J’ai couru avec son père à
l’époque, c’était un hippie (rires). »
Des anecdotes sur cette époque définitivement révolue, l’homme en a des dizaines, toutes plus croustillantes les unes que les autres (demandez-lui comment Wayne Gardner a perdu un championnat à Misano). C’est sans doute pour cela qu’il est encore aujourd’hui très bien accueilli dans la partie hispanique du paddock…