Les compétitions de vitesse à motos ne seront jamais un sport à risque zéro, et l’actualité est malheureusement là pour nous le rappeler.
C’est pourquoi il ne se passe pas un jour sans que les parties prenantes ne cherchent un moyen d’améliorer la sécurité des pilotes, qu’il s’agisse des équipementiers, des propriétaires de circuits ou des instances organisatrices des courses.
En Grand Prix, chaque vendredi se tient la Commission de sécurité, ouverte à tous les pilotes, où l’on évoque les améliorations possibles dans ce domaine en fonction du circuit où l’on se trouve.
Mais ce n’est pas tout, et les récentes luttes de pouvoir concernant Barcelone en sont l’illustration.
Le Grand Prix d’Allemagne a conclu la première moitié de saison, et son resurfaçage, ainsi que la légère modification de son célèbre virage numéro 11, ont été étudiés avec d’autant plus d’attention qu’aucun essai y avait été mené.
Il faut dire que le « Waterfall », seul virage du championnat à plus de 250 Km/h après une succession de virages dans l’autre sens, est aussi mythique que le « Corkscrew » à Laguna Seca. Par le passé, il a engendré quelques chutes très spectaculaires, quasiment toutes liées à une perte du train avant du côté droit après toute une série de virages à gauche. On accusait alors le côté droit du pneu qui n’était pas assez chaud au moment d’aborder le virage #11 à droite.
Néanmoins, il est nécessaire de noter l’injustice concernant ce virage : année après année, il est loin d’être celui où l’on note le plus de chutes au Sachsenring, ceci restant l’apanage des virages #1 et #3.
Mais le #11 est le lieu où les motos s’envolent de façon très spectaculaire, et c’est pourquoi, en 2014 avait eu lieu un test consistant à rendre ce virage moins rapide en en modifiant le tracé.
L’essai n’avait pas été couronné de succès car, de l’aveu même du représentant de la Dorna, « l’inclinaison (des motos) augmente avec ce changement, et il est donc inutile de modifier ce virage ».
Cette année, outre sa nouvelle surface, ce virage a été légèrement relevé, de l’ordre de 2° selon les dires d’un Cal Crutchlow hostile à cette courbe.
Coïncidence ou pas, on peut observer que le nombre de chutes en MotoGP n’a pas bougé, à l’inverse de celles en Moto3 et Moto2.
Sachsenring #11 |
Moto3 | Moto2 |
MotoGP |
2012 | 1 | 2 | 0 |
2013 | 1 | 3 | 6 |
2014 | 2 | 3 | 4 |
2015 | 2 | 2 | 3 |
2016 | 2 | 3 | 5 |
2017 | 0 | 1 | 5 |
C’est pourquoi, après l’édition 2017, Peter McLaren (Crash.net) à interrogé Jarno Zaffelli, concepteur de différents circuits par le biais de sa société Dromo Circuit Design, et très attaché à la sécurité sur ces derniers.
L’ingénieur italien avait déjà travaillé sur le sujet en 2013, et remarqué que si l’on chutait davantage dans les virages un et trois du circuit allemand, les chutes dans le virage 11 étaient surtout l’apanage des MotoGP. Il en déduisait que ces chutes étaient le résultat du poids et des pneus de ces dernières, tout en remarquant aujourd’hui que le passage de Bridgestone à Michelin n’a pas réellement changé la donne.
Par contre, les modifications effectuées cette année semblent bien avoir porté leurs fruits, mais dans les petites catégories, même s’il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives.
Jarno Zaffelli : « il est
peut-être trop tôt pour dire que le léger reprofilage latéral a
aidé à réduire le nombre de chutes. Nous verrons. Mais la première
impression est que cela semble fonctionner. Les pilotes semblent
visiblement prendre moins d’angle, et il est donc plus difficile de
perdre l’avant. Il y a beaucoup d’idées sur quoi changer au virage
11, et plusieurs sont sans modifier le virage lui-même. Je
pense que le virage 11 est un chef-d’œuvre et un lieu qui peut
faire la différence entre les pilotes et les garçons. Les idées en
soi ne suffisent pas. Je devrais continuer à analyser la situation
avec des motos modernes et mieux connaître la piste actuelle pour
concevoir quelque chose de réalisable. Mais un changement de tracé
serait la dernière option, selon mon avis. S’il doit y avoir un
changement de tracé, je penserai sans doute à la partie avant le
virage 11 plutôt que le virage 11. La moindre modification apportée
pour les MotoGP ne devrait pas nuire au ratio déjà bien équilibré
entre les chutes à gauche et à droite des Moto2 et Moto3 sur le
circuit.
Une chose de plus. La FIM a fait un très bon travail au virage
11 au niveau de la sécurité. Les blessures sont très rares ou
nulles. Sauf pour les motos, bien sûr. »
Le discours du designer italien semble clair et pourrait se résumer de la façon suivante : « on ne touche pas au virage #11, et c’est à Michelin d’adapter au mieux son pneu asymétrique avant pour tenter de contrer l’effet du poids des MotoGP et améliorer encore la sécurité. »
Une préconisation certes déjà énoncée par un certain Valentino Rossi en 2014, mais plus facile à dire qu’à faire !
Après, le débat reste ouvert entre l’émasculation de tous les virages au nom d’une apparente sécurité, et la réalité des chiffres…
Idée de modification du tracé (Sully.27)
Crédit photos : Crash.net